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INTERVIEW DE LEHBOUSS OULD OUMAR de « IRA Mauritanie »
“À Arafat nous étions là pour soutenir 500 familles haratins qui ont été dépossédés de leurs
terrains d’habitations. Avec ces familles un sit-in a été organisé devant le siège de l’ADU
(Agence de Développement Urbain) d’Arafat et au deuxième jour des éléments de la garde
nationale sont venus nous réprimer sans ménagement.”
La Nouvelle Expression : pour l’histoire d’Arafat, le
procureur vous a relâché. Que s’est-il passé ?
Lehbouss Ould Oumar : Le procureur a compris la légèreté
des charges retenues contre nous, c’est pourquoi il nous a
relâchés. C’est nous qui avons été brutalisés comme des
vieilles éponges et on nous accuse « d’agression contre les
forces de l’ordre ». À Arafat nous étions là pour soutenir 500
familles haratins qui ont été dépossédés de leurs terrains
d’habitations. Avec ces familles un sit-in a été organisé
devant le siège de l’ADU (Agence de Développement Urbain)
d’Arafat et au deuxième jour des éléments de la garde nationale
sont venus nous réprimer sans ménagement. Plusieurs
de nos amis ont fini à l’hôpital dont trois qui sont blessés
grièvement.
LNE : Parlez-nous de l’histoire d’Ain Farba ?
L.O.O : Nous étions à Ain Farba pour soutenir un jeune
esclave pour dénoncer le sort du reste de sa famille en captivité
dans la zone de Agharghar, une localité qui dépend
administrativement d’Ain Farba. Étant légalistes et pacifistes,
nous nous sommes rendus chez le commandant de brigade,
autorité habilitée à régler cette affaire, pour lui présenter et
expliquer ce cas de présumés esclaves. Il était déjà informé
de notre mission et avait déjà manifesté sa mauvaise volonté
pour ressasser cette affaire qui n’honore personne en ce
siècle des lumières. Mais compte tenu de sa connaissance
avec l’un de nous, nous avons accédé à ses propositions, à
savoir de partir seul avec la victime auteur de la plainte pour
voir ce qui se passe réellement au village des présumés
esclavagistes. Bien entendu on s’y attendait. Il est parti et
revenu bredouille et avait comme principale mission de
menacer la victime qui avait porté plainte, et en l’intimidant.
Nous nous sommes retrouvés dans son bureau et avons
décidés de rester en sit-in dans ses locaux jusqu’à qu’il comprenne
qu’il doit agir en vertu de la loi pour libérer les personnes
réduites en esclavage. Le commandant a commencé
à nous brutaliser avant de nous abêtir dans un cachot (toilettes).
LNE : Justement que s’est-il passé dans cette prison
qui a soulevé beaucoup de questions ?
L.O.O : Dans cette fournaise nous étions menottés comme
des bêtes sauvages et presque nus (en caleçons). Et nous
avons engagé une grève de la faim. Une grève de la faim qui
a créé la panique dans la brigade. Car, après plusieurs sollicitations
sans succès des éléments de la gendarmerie en
place pour que nous arrêtions notre jeûne forcé, ils ont pensé
utile de parler avec nos amis restés dehors. Alors les autorités
se sont retournées vers nos amis pour qu’on accède à
leur demande.
LNE : Et la photo ?
L.O.O : Justement, je vais en venir. Cette photo est prise
dans le cachot. C’était un reflexe journalistique de notre
codétenu, le journaliste Mehdi. C’est quand un ami à nous a
été autorisé à venir nous voir pour nous convaincre à rompre
notre grève de la faim que Mehdi a demandé s’il disposait de
son téléphone et s’il était muni de l’option photo. Un petit
appareil chinois a permis de vous faire découvrir cette autre
réalité du cachot d’Ain Farba. Les photos sont authentiques
et vous pouvez voir les images dans le téléphone.
LNE : Pouvez-vous nous parler de l'initiative IRA-ère
nouvelle?
L.O.O : C'était une initiative du pouvoir en place pour saper
l'élan d'IRA-Mauritanie. Et pire, j'ai compris que c'était aussi
une manière de me mettre en mal avec IRA et la communauté
haratine, ma communauté et son combat pour sa
liberté. Alors, je pourrai même être un élément à abattre
pour faire porter le coup à IRA originel; une façon de mettre
en place un autre front de combat contre IRA qui sera
accusée d’être une organisation criminelle. L'initiative était
donc d'anéantir IRA et son Président, Biram Dah Abeid, car
son combat contre l'esclavage et toutes les tares qui affectent
l'unité de ce pays dérange.
LNE : Qu’est-ce qui devait être son objectif immédiat?
L .O.O : Je pense avoir répondu à cette question. L'objectif
immédiat était de véhiculer le discours du pouvoir concernant
ces questions qui fâchent. Comme ce que font aujourd'hui
nos amis Mohamed M’Barek et Bettar Ould Arbi.
“L'actuelle génération haratin est une génération de refus ; elle lutte pour la liberté de la communauté haratin. Enfin, c'est une leçon
pour la jeunesse des victimes de l'esclavage, du racisme et l'exclusion contre le système en place.”
Mais avec moi ils se sont trompés
de porte.
LNE : Quelle est la première
personne qui vous a contacté
pour la mise en place de
cette initiative?
L.O.O : C'est un certain Yahya
Ould Cheiguer qui est le premier
à venir me voir pour cette initiative,
sans se prononcer clairement.
Il faut dire que cette personne
venait tout le temps nous soutenir
dans nos actions aux différents
commissariats où nous
avons eu à tenir des sit-in pour
des cas d'esclavages. Une fois, il
m'a approché - c'était au Commissariat
spécial de la police judiciaire
- où mes amis et moi étions
venus pour répondre à une plainte
déposée par le fameux Ould
Arbi, pour me dire qu'il aime et
soutient ce que nous faisons. On
a échangé pendant quelques
minutes, il faut aussi dire qu'il se
faisait passer comme un ami du
président Biram. Et cette personne,
avant de me quitter, m'a
demandé mon numéro de téléphone
; c'était au mois de juin
2011 et je me suis absenté du
pays pendant 4 mois dix jours
après notre rencontre.
LNE : Quels ont été vos
contacts au niveau de l'appareil
de la police politique?
L.O.O : Par l'entremise de Yahya,
j'ai rencontré, en premier lieu et
pour la première fois, Sidi Ould
Baba Hacen, patron de la Sûreté
de l'Etat. C'est celui-là qui m'a dit
que je suis entre de bonnes
mains. Et il m'a assuré que ce
que nous sommes en train de
faire est la meilleure porte d'entrée
dans la cour des grands pour
moi. Il dit que pour la mission de
mon organisation, 110 Millions de
nos ouguiyas sont disponibles. Ils
travaillent à ce que je sois plus
que Messaoud Ould Boulkheir en
popularité et en richesse. Il a dit
qu'il va m'amener voir désormais
ex- patron de la police, en l'occurrence
le général El Hadi, et,
ensuite, Ould Abdel Aziz. Il finira
par m'amener voir El Hadi qui
confirma les dires d'Ould Baba
Hacen et que j'aurai le récépissé
de l'ONG.
LNE : Pourquoi avez-vous fini
par trahir cet appareil d'Etat?
L.O.O : Ecoutez. Je ne sais pas
pourquoi eux, ils n'avaient pas
compris que leur entreprise était
vouée à l'échec et que je suis de
cette espèce de la communauté
haratine qui est née pour le combat
contre l'injustice dont est victime
la communauté. Et puis
comment ce système ne comprend-
il pas qu'il n'a aucun crédit
et que l'argent n'est plus une
arme valable contre les victimes
du système ? Notre souffrance ne
peut être vendue.
LNE : Quel enseignement
avez-vous tiré de cet épisode?
L.O.O : J'ai compris que le gouvernement
baigne dans le faux
et, paradoxalement, il semble
comprendre un certain éveil chez
certains de la communauté haratine
qui sont prêts pour le combat.
Et j'ai compris qu’IRA a
réussi dans son combat et la jeunesse
haratine ne veut plus que
sa vie ressemble à celle de ses
géniteurs. L'actuelle génération
haratin est une génération de
refus ; elle lutte pour la liberté de
la communauté haratin. Enfin,
c'est une leçon pour la jeunesse
des victimes de l'esclavage, du
racisme et l'exclusion contre le
système en place.
Propos recueillis par
Brahim Ould Youssouf
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