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dimanche 12 février 2012

Cherche-t-on la réédition du désastre des événements de 89 ?


Le Mali, un pays frère et ami avec lequel nous avons des liens multiséculaires, avec lequel le passé, le présent et le futur nous condamnent à avoir des rapports privilégiés et exemplaires d’amitié et de bon voisinage, un pays avec lequel nous avons des intérêts économiques fortement interdépendants et imbriqués. Et des exemples nombreux et variés expliquent cette réalité :

Rappelons d’abord que le Hodh  faisait  partie intégrante du Soudan  français – l’ actuel Mali - jusqu’en 1945, et que le Mali d’aujourd’hui partage avec la Mauritanie pas moins de 2500 km. Donc ce sont les mêmes populations qui vivent de part et d’autre de la frontière.
Rappelons aussi que le colonisateur n’a pu pénétrer et occuper le Hodh qu’après plusieurs années de combats et de siège. Pour atteindre son objectif, il a fallu au colonisateur de faire subir aux populations du Hodh un blocus total, empêchant les éleveurs de franchir la frontière pour rejoindre les pâturages de l’autre côté : décimant leur cheptel,  les appauvrissant et les affamant. Aujourd’hui encore plus que le passé, il y a une forte dépendance de nos éleveurs avec le pâturage malien.
Il est également important de savoir que le Hodh est le plus grand réservoir de cheptels en Mauritanie, il alimente à ce titre notre pays et toute une partie de la sous région en bétail et en viande, il représente donc un poumon économique de premier plan pour nous et pour nos voisins.

Si les autorités ignorent ou font fi de ces liens et de cette réalité et tentent de les mettre  en mal, les populations, quant à eux, elles y tiennent. C’est pour cette raison, selon la presse nationale : « de nombreux éleveurs mauritaniens basés à Djigueni, sur la frontière avec le Mali, ont manifesté leur désapprobation, suite à l’interdiction par les autorités de Nouakchott, de leur octroyer des licences de paître en territoire malien. Celle-ci est intervenue au moment où des éleveurs mauritaniens étaient sur la route vers Dimar, une localité dans le nord du Mali, à 160 kilomètres de Djigueni, connue par ses terres fertiles ».

Les populations, les éleveurs  en particulier du Hodh et même beaucoup de mauritaniens dépendent et n’ont comme seule ressource que de ce cheptel. Ces populations ignorent que la Mauritanie est un grand  producteur et exportateur de minerais de tout genre et qu’elle dispose de sources halieutiques abondantes, du pétrole,…  dont les recettes suivent plus des chemins sinueux que les caisses de l’Etat. Elles n’aspirent qu’à la paix et à la quiétude. 
 
Il en résulte évidement que toute tentative ou manœuvre qui consisterait à encourager une déstabilisation et de créer des tensions avec ce pays frère pour des raisons de calculs tordus et stupides  relèverait de la folie et représenterait une politique aventuriste qui mettrait en péril les intérêts de la Mauritanie. 
Depuis quelques jours on apprend que, dans le conflit  qui oppose le Mouvement national pour la libération de l’Azawad –MNLA - , si l’on en croit à certains articles de la presse au Mali et en Mauritanie, «  le pouvoir mauritanien aurait  pris partie pour MNLA. Ses dirigeants seraient hébergés à Nouakchott qui leur aurait même apporté de l’aide en armes et en logistique… »
Il est regrettable de constater avec beaucoup d’amertumes et désolations que c’est au moment même où ces rumeurs courraient de part et d’autre  des deux frontières que notre ministre des affaires étrangères tient des propos qui ne sont pas moins qu’une  immixtion dans les affaires intérieures maliennes. Ainsi ces propos viennent donc corroborer les révélations de la presse tout au moins leur donnent plus de poids et plus de crédits.

Pourquoi le ministre des affaires étrangères se sent-il viser ou concerner et obliger de réagir  lorsque que le Ministre malien déclare : "Des membres d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et des rebelles touaregs ont lancé une attaque conjointe sur Aguelhoc, une ville du nord-est du Mali qui a déjà été visée la semaine dernière par la rébellion" ?
Un pays frère et ami, le Mali, est confronté à une rébellion intérieure, et suite à une attaque de l’une de leurs villes du nord, leur ministre a fait une déclaration. Est-ce le rôle de notre ministre de le contredire  – par une déclaration un peu plus terre à terre que réfléchi - qui suit : "D’abord, les Touaregs sont une communauté ethnique, ce qui n’est pas le cas des terroristes", et d’ajouter "Les Touaregs au Mali sont chez eux, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs ont des revendications identitaires, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs n’ont jamais attaqué un pays étranger, ce qui n’est pas le cas, non plus, des terroristes. Donc, à mon avis, il faut éviter de faire l’amalgame ? » Comme si les terroristes, eux, sont asiatiques ou américains et que les revendication identitaires de ces séparatistes armés les empêcheraient de nouer avec d’autres groupes armés. D’ailleurs quelques jours plus tard le président de notre ministre a démenti formellement ses assertions dans le journal Le Monde, en déclarant qu’il existe bien des accords entre un autre groupe identitaire et un  groupe terroriste.

Quelles relations peut-il exister ou doit-il exister entre le pouvoir mauritanien et un mouvement séparatiste d’un pays frère et qui puissent amener notre ministre à une telle extrémité ? Ou s’agit-il des propos liés à l’ignorance des règles élémentaires de la diplomatie et de l’incompétence habituelle qui caractérise ce pouvoir ? Ou bien d’une stratégie à but obscure ? Quoi qu’il en soit ce sont des propos incongrus, dangereux et contraire à l’intérêt supérieur de notre pays.
Le pire est que depuis cette déclaration du ministre, rien du côté du pouvoir n’est venu, au moins  les relativiser. Dans de conditions normales d’un pouvoir normal,  un officiel aurait été envoyé au Mali pour apaiser et mettre fin à ce « malentendu ». Mais rien de tout cela, c’est même le contraire, le président de la république, lui aussi, à son tour, dans une interview accordée dans le journal Le Monde, ajoute une nouvelle couche en déclarant :
« Le nord du Mali est une zone pratiquement laissée pour compte et libre pour le terrorisme. C'est là qu'il séjourne et c'est à partir de là que les terroristes agissent et se font payer des rançons qui les renforcent. Ces terroristes se trouvent sur une bande désertique de 300 km et s'approvisionnent, en carburant et en vivres, à partir de trois ou quatre villes connues, dont Tombouctou et Gao. Ceux qui les approvisionnent sont connus, fichés. Nous avons même parfois leurs immatriculations ».

Ces déclarations successives du ministre puis de son président, surtout dans le contexte actuel, sont  tout simplement inadéquates, inadaptées et ne peuvent être perçues que comme inamicales voire provocatrices.  Pourquoi ces déclarations et maintenant ? Que cherche-t-on ? Une stratégie de contre feu pour faire oublier le fiasco intérieur ? S’agit-il d’une tentative de réédition des événements douloureux  de 89 ?
Heureusement que de l’autre côté de la frontière, au Mali, les autorités se refusent de jouer le surenchère et c’est très bien ainsi. Les mauritaniens qui vivent au mali sont chez-eux, nous n’en doutons pas,  les autorité maliennes prendront toutes les dispositions nécessaires pour qu’ils continuent de se sentir chez-eux et en sécurité. Les maliens qui vivent dans notre pays sont aussi chez-eux, le peuple mauritanien aspire à la paix et n’acceptera pas qu’un pouvoir quel qu’il soit l’entraine dans une aventure désastreuse du type 89.
Et en plus  de ses déclarations inappropriées, si les révélations faites par la presse se confirmaient, alors, là, il s’agirait  d’une situation avec des conséquences qui pourraient être terribles pour notre pays. Un pays essentiellement d’élevage, où les pâturages maliens sont indispensables pour nos éleveurs. Si par malheur les frontières  se fermaient, surtout dans cette année de sécheresse dure et sans précédent, personne ne peut imaginer le degré de la catastrophe qui pourrait frapper notre cheptel.

Notre pays, qui connait déjà une situation difficile à tous les niveaux, et qui est assis sur un baril de poudre.  Est-il imaginable un seul instant qu’un pouvoir responsable, dans un pays multi ethnique comme le notre, puisse encourager ou favoriser et soutenir des mouvements séparatistes ? Est-il possible dans ce contexte trouble et plein d’incertitudes dans toute la sous-région que l’on ose prendre le moindre risque d’impliquer notre pays dans un conflit hors de ses frontières avec des conséquences non mesurables ?
Après avoir engagé notre pays dans une guerre aventureuse à l’extérieur de nos frontières en transformant ainsi notre pays la cible principale des groupes terroristes, après avoir engagé  un recensement inadapté et discriminatoire et mis entre les mains d’incompétents qui suscite encore de vives tentions dans le pays, et maintenant on vient de franchir un autre cap par des déclarations scandaleuses et avec de rumeurs graves qui continuent de courir sur l’implication directe du pouvoir du côté du MNLA  et dont les conséquences pourraient être tout simplement la déflagration de la sous-région,  sans qu’aucune démentie officielle ne vienne y mettre fin. On est en droit de se demander, quel projet ce pouvoir concocte-il pour la Mauritanie ? 
 
La Mauritanie carrefour de cultures et de civilisations, se doit de jouer le rôle éminemment important qui est le sien,  le rôle d’amitié, d’aide et solidarité entre les peuples que  l’histoire  nous a légué et que nos intérêts liés avec ceux de nos voisins nous dictent. Il s’agit donc pour la Mauritanie d’être un facteur de rapprochement, d’apaisement et de paix, non de jouer le pyromane, elle n’a ni les moyens  encore moins la vocation.

Qu’Allah, le tout puissant protège la Mauritanie contre ses ennemis intérieurs et extérieurs. Amine !

Marega Baba/France

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