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mardi 28 mars 2023

Parlons un peu de La Justice sociale et de la situation des droits de l’homme au Mali


Parlons un peu  de La Justice sociale et de la situation des droits de l’homme au Mali

La justice sociale est fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discriminations de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde.

Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d’expression pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique.

La justice sociale est un principe théorique qui vise à supprimer toutes les différences considérées comme injustes entre les citoyens.

Pour contribuer à la justice sociale, les pouvoirs publics peuvent agir sur la fiscalité et les services collectifs, mais également sur les politiques de redistribution, c'est à dire au travers de la protection sociale. Celle-ci couvre les individus contre les risques sociaux.

La situation des droits de l'homme au Mali demeure préoccupante malgré la signature de l'Accord pour la paix et la réconciliation, qui parle de droits de l’homme parle de justice sociale selon un rapport publié le 06 Janvier 2023  par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH).

D’après la MINUSMA Des efforts soutenus ont été consentis pour entretenir la dynamique générée par la signature de l’accord entre le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la prorogation de la transition. Les autorités de transition ont pris des mesures pour mettre en œuvre leur programme de réforme et les recommandations formulées lors des Assises nationales de la refondation, tenues en décembre 2021. Malgré les efforts déployés pour faire avancer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, de nouvelles difficultés sont apparues après que les mouvements signataires ont décidé de suspendre leur participation au mécanisme de suivi de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec l’équipe de médiation internationale, destinée à discuter de l’avenir du processus de paix. Alors que l’insécurité continue de compromettre le rétablissement de l’autorité de l’État, la mise en œuvre de la stratégie de stabilisation des régions du Centre reste essentielle pour remédier à la situation actuelle.

En dépit des défis complexes et multiformes, il existe quelques éclaircies dans le domaine du processus de transition, dans le renforcement des capacités des Forces de Défense et de Sécurité Maliennes, la coopération face à la lutte contre le terrorisme. Tout cela semble être dissimulé par les effets d’une fracture géopolitique mondiale dont le Mali semble être l’épicentre en Afrique de l’Ouest, une situation qui génère tensions, polarisation, défiance généralisée et malsaine entre le Mali et une certaine partie de la communauté internationale et notamment la MINUSMA.

Les Objectifs de développement durable visent à réduire largement toutes les formes de violence, et à œuvrer aux côtés des gouvernements et des communautés afin de trouver des solutions durables aux conflits et à l’insécurité. Le renforcement de l’état de droit et la promotion des droits humains sont au cœur de ce processus, tout comme la réduction du trafic illégal d’armes et le renforcement de la participation des pays en développement aux institutions de gouvernance mondiale.

Nous déplorons la détérioration de la situation sécuritaire du pays qui a véritablement diminué la libre circulation des personnes dans l’intérieur du pays et la création fulgurante des groupes d’auto-défense dont les missions restent floues et qui n’ont pas tendance à apaiser la situation sociale entre les ethnies d’une même communauté.

Aujourd’hui malheureusement encore nous assistons à un rétrécissement des libertés individuelles, d’expression, démocratiques etc.

L’espace accordé aux libertés et à la société civile se rétrécit de façon considérable, vu les nombreuses arrestations arbitraires de civiles et militaires au titre de cette année au Mali et dans la sous-région. Dans l’enceinte même des Nations Unies, certains États en viennent à questionner la primauté et l’universalité des droits de l’homme.

Les intimidations et arrestations des acteurs politiques et de ceux de la société civile ne sont pas de nature à apaiser la situation socio-politique du pays et à favoriser la cohésion sociale entre les  maliens.

Le gouvernement de transition  doit instaurer un climat de confiance entre tous les acteurs de la société malienne en vue d’atteindre les objectifs fixés lors des récentes assises nationales de la refondation.

Toujours dans l’optique de soutenir la transition nous saluons les efforts du gouvernement dans sa lutte implacable  contre le terrorisme et les groupes rebelles  dans le nord du Mali et nous sommes très satisfaits des résultats de nos forces de défense et sécurité sur le terrain.

Le MSDH tout en restant sur sa position d’organisation de défense des droits humains qui a pour mission de réduire la violation des droits de l’homme au Mali exhorte l’État à procéder dans les plus brefs délais au processus de désengorgement de nos prisons en fin de mieux gérer la condition carcérale qui envoisine près de 3500 détenus et de permettre à un bon nombre de détenu de bénéficier de la mise en liberté.

C’est l’occasion pour nous de rappeler les droits des citoyens qui sont oubliés dans la société comme le détenu qui est mal vu car de nos jours la prison est perçue comme une honte.

Par ailleurs nous mettons un accent particulier sur certains cas très alarmant de détention préventive qui nous été fait part  en demandant aux autorités judiciaires de penser à la situation de ces personnes en organisant des jugements dans un court délai pour la manifestation de la vérité ;

Dans l’affaire  Professeur Kalilou Doumbia, Colonel  Kassoum Goïta, le Commissaire Principal de police Moustapha Diakité, l’Adjudant-chef Abdoulaye Ballo, l’homme d’affaires Sandi Ahmed Saloum, et le féticheur  Issa Samaké dit Djoss poursuivies  pour « tentative de complot contre le gouvernement »  détenu depuis décembre 2021 environ 16 mois sans jugement.

Dans l’Affaire Alfousseiny  SISSOKO,  Maire  de Sitakily, Mamadou Bobo CISSE Abdoulaye MOUNKORO et Feu Mamadou FADIGA (mort en détention)  poursuivi « malversations financières et détournement des fonds publics» détenu depuis mai 2021 environ  24 mois de détention sans jugement.

Le plus paradoxale est le cas de Mr Sory Ibrahim Diarra poursuivi par les articles 275,282 102,103 et 104 du code des infractions pénales place sous mandat de dépôt suite a plainte de son employeur (Une société de la place) depuis le 06 juin 2018 qui rentre dans son 58ieme mois de détention préventive environ 4 ans 10 mois qui dépasse largement le délai légal  que stipule  les articles 129 et 135 du code de procédure pénale du Mali. Son conseil après avoir usé de tous les recours juridiques disponible aux fins de l’abandon des charges retenues contre son client en vue de sa mise en liberté sans condition regrette qu’il soit toujours maintenu dans les liens de prévention et estime que la partie civile en est pour beaucoup.

Plusieurs détenus ont vu leur délai de détention préventive dépassée et sont dans une attente désespérée de leur jugement, c’est pour cela nous exhortons encore une fois les plus hautes autorités à penser vraiment sur la situation carcérale du pays en garantissant à l’indépendance de la justice en lui en fournissant les moyens adéquats pour vaincre l’impunité et l’injustice sociale.

L’accès des personnes déplacées à l’emploi formel peut les empêcher d’être victimes des formes contemporaines d’esclavage. 

Certaines personnes naissent en esclavage au Mali parce que leurs ancêtres ont été capturés comme esclaves et que leurs familles « appartiennent » aux familles propriétaires d'esclaves - appelées « nobles » - depuis des générations. Les « esclaves » sont contraints de travailler sans rémunération, peuvent être hérités et sont privés des droits humains fondamentaux.

 Une situation carcérale perplexe, le nombre de détenu a accru de 500% dans les centres de détention

Nous sommes très satisfaits de la décision de La cour d’Assises de Kayes qui a condamné le 27 Février dernier sept personnes à la peine de mort. Une autre a écopé d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. Ces personnes sont accusées de crimes liées à la pratique de l’esclavage par ascendance dans les régions de Kayes, Kita et Nioro.

Ceci est un effort louable pour les victimes de l’esclavage par ascendance au Mali, nous félicitons la Commission Nationale des Droits de l’Homme du Mali (CNDH) à travers son Président Mr Aguibou Bouaré  et toutes les organisations de la Coalition Nationale de Lutte contre l’Esclavage au Mali (CONALEM) qui ont œuvré pour que justice soit rendue.

Par ailleurs toujours dans le cadre de la protection des victimes nous sollicitons de la part du gouvernement ;

·         Le retour  rapide des victimes déplacées internes et de l’esclavage par ascendance ;

·         Et l’adoption d’une loi réprimant l’esclavage et les pratiques assimilées.

L’État est le seul garant de l’effectivité de cette justice sociale, et le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme Mr Mamadou Kassogué s’est personnellement investi pour une bonne redistribution de la justice.

C’est pourquoi nous au niveau de notre organisation qui se nomme Mouvement pour la Sauvegarde des Droits de l’Homme (MSDH) nous accentuons beaucoup nos actions de communications, d’informations, de sensibilisations et d’éducations en faveur des couches les plus défavorisées, notamment celles des victimes liées à la pratique de l’esclavage par ascendance, celles des victimes de violences basées sur le genre, des personnes vivantes avec un handicap , des personnes déplacées, surtout celles des  personnes en conflits avec la loi (Prisonnier).

L’Espace d’Interpellation Démocratique (E.I.D) comme tribune pour les personnes biaisées dans leurs droits ;

Il s’agit là d’une originalité malienne ; qui a fait de la journée du 10 Décembre une journée particulière consacrée aux droits de l’Homme. Chaque année, depuis 1994, quelques semaines avant la date fatidique, des appels sont lancés par voie de presse, tant en français qu’en langues nationales ; aux citoyens qui ont des griefs contre l’État relativement au respect de leurs droits. Une Commission se prononce sur la recevabilité des courriers reçus et procède à l’expédition des interpellations retenues en direction des départements ministériels mis en cause. Le 10 Décembre, devant l’ensemble de la presse nationale et internationale, les plaignants lisent leur interpellation et les membres du gouvernement répondent à tour de rôle ; sous l’œil vigilant d’un jury d’honneur composé de nationaux, d’étrangers et de représentants de la société civile.

Les citoyens fondent beaucoup d’espoir en cette tribune appelée ici celle des sans voix.

 L’EID est important, c’est un espace qui permet aux sans voix d’exposer leurs problèmes en face des plus hautes autorités afin de trouver des réponses. La particularité de cet espace, c’est que les citoyens s’adressent directement sans intermédiaire aux Dirigeants et ça, c’est très important dans un État de Droit.

La violence à l’égard des femmes et des filles est l’une des violations des droits fondamentaux les plus fréquentes au Mali.

À l’échelle mondiale, on estime qu’une femme sur trois sera victime de violences physiques ou sexuelles au cours de son existence.

Bien que la violence basée sur le genre mette en péril la santé, la dignité, la sécurité et l’autonomie de ses victimes, elle reste entourée d’une culture du silence. Elle a parfois des conséquences graves sur la santé sexuelle et reproductive des victimes.

Toutefois la persistance de ces violences nous exige de mobiliser tous les acteurs à tous les niveaux pour une réponse préventive et des actions répressives plus efficaces.

Respecter les droits de l’homme ne relève pas du choix politique mais d’une obligation juridique et morale. Ce sont des engagements à vocation universelle, de principes de droits garantis par des déclarations solennelles ou des traités juridiquement contraignants

 

Mardi 28 mars 2023

Mr Boubacar N’Djim

Coordinateur National du Mouvement pour la Sauvegarde des Droits de l’Homme (MSDH).
Militant de Droits de l’homme

dimanche 26 mars 2023

Le 48ème anniversaire du premier noyau de libération des Haratine (2 décembre 1974 – 2 décembre 2022)


Le 48ème anniversaire du premier noyau de libération des Haratine (2 décembre 1974 – 2 décembre 2022)

L’objectif de cet article est de montrer les résultats juridiques du combat des antiesclavagistes haratine en Mauritanie. Aussi montrer le mépris qu’affichent certains chefs d’Etat à l’adresse de la communauté Haratine. En effet, la lutte des abolitionnistes a suscité la création de plusieurs ordonnances, lois, décret qui interdisent l’esclavage. Or les textes juridiques ne sont pas appliqués. Les raisons de cette inapplication sont multiples. J’y reviendrai. En matière de lutte contre l’esclavage, le manque de volonté politique caractérise les différents chefs d’Etat mauritaniens de 1957 à ce jour. Leur attitude s’explique par le besoin de sauvegarder les intérêts de la communauté maure .

Le combat des haratine contre l’esclavage maure a inspiré les antiesclavagistes négro-mauritaniens qui se sont mis à leur tour à lutter contre l’esclavage dans leurs propres ethnies. C’est le cas des Soninké. L’association Armepes-France (Association des ressortissants mauritaniens pour l’éradication de la pratique de l’esclavage et ses séquelles) dont le but est de mettre fin à l’esclavage dans leur ethnie. Voilà ce que disait Kundou Soumaré : « Si on raisonnait sur l’ordre purement politique et statutaire, un haratine n’est pas Arabo-berbère, ni Soninké, ni Peulh, ni Bambara et ni Wolof . Mais le statut de Haratine peut être trans-communautaire car chacune des différentes communautés dans leur fonctionnement traditionnel en vigueur, a ses haratines statutaires intra-communautaires qui subissent les mêmes régimes déterministes sur le matériel et l’immatériel. Pour comprendre, il faut bien s’intéresser aux appellations connotées du terme haratine compris par « statut » au sein de toutes les communautés nationales. » (ref : En « Mauritanien », chaque communauté a ses haratines finalement: Haratine, une fierté.. !!!1.

Il en est de même des victimes de l’esclavage en milieu halpoular, représentées par l’Union pour la Solidarité et le Développement (USD), dont le secrétaire général est Mohamadou Pathé Diallo. Ce dernier a admis, en privé, s’être inspiré du combat des militants anti-esclavagistes haratine.

Le premier noyau de libération des Haratine est né le 2 décembre 1974. Sa vocation était de mettre fin, à moyen ou à long terme, à l’esclavage en Mauritanie

Les membres de ce premier noyau sont : Abderrahmane OULD Mahmoud (Ecole Normale Supérieure : ENS), Ahmed Salem OULD Demba (Ecole Nationale d’Administration : ENA), Bilal OULD Werzegh (ENA), Amar OULD Ahmed Deïna (ENA) et Mohamed Yahya OULD CIRE (ENA).

Les membres de ce premier noyau ont été à l’origine du recrutement de tous ceux qui ont participé à la création d’El HOR le 5 mars 1978 (Organisation de Libération et d’Emancipation des Haratine). Depuis 1974, la lutte contre l’esclavage n’a jamais cessé.

L’esclavage se déroulait et se déroule toujours dans un cadre familial et tribal. L’existence d’une multitude de tribus dans « cet espace maure» rend difficile toute action globale. En effet, les tribus étaient et restent indépendantes les unes des autres.

L’esclavage et les sévices physiques qui lui sont inhérents, conduisent souvent à la soumission, à la fuite ou à la révolte.Ces dernières résultent du traitement inhumain dans le cadre de l’esclavage. Elles sont consubstancielles à celui-ci. C’est ainsi qu’au début du XIXème siècle, une révolte a eu lieu à Tijikja (région du Tagant en Mauritanie). Beaucoup de maitres d’esclaves mouraient suite à des mauvais traitements infligés à leurs esclaves. Les esclaves révoltés allaient pendant la nuit tuer leurs maitres. Pour sanctionner les esclaves révoltés, les maitres les ont accusés de sorcellerie. Cette accusation avait un double but :

Justifier la tuerie des révoltés et nier la capacité des esclaves à se révolter. Je renvoie au mémoire de maitrise de R’ chid OULD MOHAMED intitulé : la contribution à l’histoire sociale de la Mauritanie : statut et condition serviles dans la société maure précoloniale, université de Nouakchott, Faculté de Lettres et Sciences humaines, département histoire, année 1987-1988, p98 et suites.

L’histoire de l’esclavage maure n’a pa été suffisament étudiée. Il convient d’y remédier par des travaux universitaires ou autres pour permettre aux haratine de s’approprier de leur passé .

La différence entre la période pré-coloniale et post-coloniale réside dans le fait que la multitude des tribus maures est désormais sous administration de l’Etat qui devient dans le domaine de l’esclavage l’unique interlocuteur des abolitionnistes.

Moctar OULD Daddah est le premier chef d’Etat après l’indépendance. Il sera suivi par une succession de coups d’Etat militaires.

I. Le régime de Moctar OULD Daddah et la question de l’esclavage de 1957 à 1978

La constitution du 20 Mai 1961

L’article 1 dit ceci : « La République assure à tous les citoyens, sans distinction de race, de religion et de condition sociale l’égalité devant la loi ».

Les esclaves ne peuvent être citoyens puisqu’ils sont la propriété des maîtres. Ils peuvent être vendus, donnés, hérités… Un citoyen est un homme libre dans l’expression de sa volonté. Il fait partie d’un Etat par ses droits et ses devoirs. Du fait de son statut de propriété, l’esclave ne peut avoir de droits ou de devoirs dans le cadre d’un Etat. L’esclavage est l’état d’une personne à qui la liberté a été ôtée.

La circulaire du 16 Mai 1966 à caractère confidentiel du ministre de la justice et de l’intérieur, monsieur Mohamed Lamine OULD Hamoni.

Cette circulaire dont l’objet est la disparition de l’esclavage, évoque la quasi-totalité des différents aspects de ce fléau en Mauritanie.

« Mon attention est quotidiennement attirée sur la survivance de pratiques esclavagistes incompatibles avec la Constitution et les lois de la République Islamique de Mauritanie :

– tantôt il s’agit d’un maître qui s’empare des biens de son serviteur sous prétexte que celui-ci, étant lui-même objet de propriété, ne pourrait rien posséder en propre;

– tantôt il s’agit d’un serviteur dont les maîtres empêchent le mariage, si leur consentement n’a pas été obtenu au préalable;

– tantôt il s’agit d’un maître qui, pour reprendre son autorité sur des serviteurs fugitifs, invoque contre eux de prétendues créances, et les astreint pour ce motif à se mettre de nouveau à son service;

– tantôt il s’agit de conventions passées entre deux ou plusieurs personnes en vue d’attribuer à l’une ou à l’autre la propriété totale ou partielle d’un serviteur, d’une servante, ou de leurs enfants, etc.

Tout comme les enlèvements d’enfants, les ventes de serviteurs et la traite des esclaves, qui heureusement sont devenus moins fréquents ces dernières années, ces faits sont inadmissibles et votre rôle de gardien de l’ordre public vous impose à intervenir pour les empêcher et les réprimer. »

Le défaut de cette circulaire est qu’elle a été confidentielle et laissée à l’appréciation du Délégué du gouvernement à Port Etienne, des commandants des cercles et des chefs de subdivision. Aussi aucune sanction n’a été prévue en cas de non application de cette circulaire. Il s’agit des textes juridiques incantatoires.

La confidentialité de cette circulaire signifie que son contenu doit échapper aux victimes de l’esclavage mais aussi aux personnes sensibles aux droits de l’homme qui pourraient être tentées de leur venir en aide. Cette attitude prouve un manque de volontarisme politique qui peut s’expliquer par le fait que les zwayas (marabouts) détiennent l’écrasante majorité des esclaves en Mauritanie. Elle révèle également le caractère maraboutique du régime de Mokhtar OULD Daddah. Ce dernier appartient à la tribu Oulad Biéri.

La composante berbère dans l’ensemble maure est connue par ses comportements cachotiers qui visent à cacher aux groupes inférieurs, notamment les haratine, tout ce qui pourrait leur permettre de s’émanciper.

Dans son livre, La Mauritanie contre vents et marées, mémoires page 564-568 édition karthala, Moctar OULD Daddah affirme : « De toute évidence, la Charte vise ici le problème de l’esclavage que, par pudeur honteuse, nous avons pris l’habitude de ne pas appeler par son nom. ». A ce sujet, voici la citation d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.»

Les coups d’Etat militaires en Mauritanie, depuis le 10 juillet 1978 se succèdent à un rythme soutenu. En effet, au moins huit coups d’Etat militaires et révolutions de palais sans effusion de sang, ont eu lieu. Ces changements permettent une rotation tribale à la tête du pouvoir. Les tribus qui accèdent au pouvoir par le biais de leur fils s’enrichissent et satisfont leur orgeuil tribal. A la liste ci-après des militaires ayant pris le pouvoir, il faut ajouter OULD Saleh, OULD Louly et OULD Bouceif.

II. Le combat des Haratine et ses conséquences juridiques

Mohamed Khouna OULD Haïdalla a été le premier chef d’Etat à affronter la lutte contre l’esclavage :

« Ce n’est que quinze mois après un double scandale : mise en vente d’une jeune esclave sur le marché d’Atar en Mars 1980 et procès de Boubacar Ould Messaoud & consorts en Juin 1980 pour avoir dénoncé ce fait en manifestant sur la voie publique – qu’intervient l’ordonnance » ci-dessous.

L’ordonnance 1981-234 du 9 novembre 1981 a été prise après une large consultation des Oulémas lesquels ont émis de sérieux doutes sur l’acquisition des esclaves et les pratiques esclavagistes en Mauritanie :

« Le CMSN a acquis la ferme conviction qu’une écrasante majorité de nos oulémas, tout en reconnaissant le bien-fondé de l’esclavage tel qu’il est énoncé dans la Charia islamique émettent des réserves sur ses origines en Mauritanie et les conditions dans lesquelles l’esclavage est pratiqué dans notre pays . . . les oulémas estiment que l’Etat peut se substituer aux maîtres pour affranchir leurs esclaves, tout comme il a compétence pour exproprier les biens individuels dans l’intérêt de la nation . . . l’esclavage constitue l’un des problèmes les plus importants qu’affronte notre société et une maladie anachronique qui continue à obstruer la voie des efforts déployés dans le sens de la réalisation de nos objectifs d’indépendance nationale et de justice sociale »

Ordonnance 81-234 du 9 Novembre 1981 portant abolition de l’esclavage

L’article 1 stipule : « l’esclavage sous toutes ses formes est aboli définitivement sur toute l’étendue du territoire de la République Islamique de Mauritanie ».

Cette abolition du fait de l’article 1 est amoindrie par l’article 2 de cette même ordonnance : « Conformément à la Charia, cette abolition donnera lieu à une compensation au profit des ayants droit ».

A la place des victimes de l’esclavage, les maîtres sont indemnisés parce qu’ils sont privés de leurs biens, à savoir les esclaves.  

Au terme de l’article 3 : « une commission nationale d’oulémas, d’économistes et d’administrateurs sera instituée par décret pour évaluer les modalités techniques de cette compensation. Ces modalités seront fixées par décret, une fois l’étude achevée. ».

Au lieu de s’attaquer à la lutte contre l’esclavage, la préoccupation principale que reflète cette ordonnance est la compensation des maîtres d’esclaves. La preuve est que deux articles de cette ordonnance sur quatre y sont consacrés

B) L’ordonnance 83-127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale

L’article 1 affirme ceci : « la terre appartient à la nation et, tout Mauritanien, sans discrimination, peut en se conformant à la loi, en devenir propriétaire »

L’article 2 mentionne : « l’Etat reconnaît et garantit la propriété foncière privée, qui doit conformément à la Charia, contribuer au développement économique et sociale du pays. »

L’article 3 dit ceci « le système de la tenure traditionnelle est aboli. »

Cette ordonnance a pour but l’accession de ceux qui en sont exclus à la propriété terrienne. Il s’agit notamment des haratine.

Les deux ordonnances 81-234 du 9 novembre 1981 et du 83-127 du 5 juin 1883 ont été prises sous le régime de Mohamed Khouna Ould Haidalla (1979-1984). Mais elles n’ont pas été appliquées par celui-là qui a été à l’origine de l’initiative. Très peu d’esclaves ont été libérés du fait de l’ordonnance 81-234 du 9 novembre 1981, non pas du fait de l’Etat mais des victimes elles-mêmes. Aussi, la propriété terrienne reste l’apanage de la féodalité maure et négro-mauritanienne avec la complicité de l’administration, dirigée essentiellement par les fils des féodaux.

C) La loi 2007-048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes

La particularité de cette loi est qu’elle a été le fruit de la collaboration des partis politiques, des associations de droits de l’homme et de l’Etat. C’est la première loi où des sanctions ont été prévues contre les esclavagistes.

L’article 9 en est un exemple « Quiconque épouse, fait marier ou empêche de se marier, une femme prétendue esclave contre son gré est puni d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de cent mille (100.000 UM) à deux cinq cents mille ouguiyas (500.00O UM) ou l’une de ces deux peines. Si le mariage est consommé, l’épouse a droit à la dot d’usage doublée et peut demander la dissolution du mariage. La filiation des enfants est établie à l’égard du mari. »

L’article 12 oblige les walis , les hakem, chefs d’arrondissement, officiers ou agents de police judiciaire à agir face aux dénonciations de pratiques esclavagistes. « Tout wali, hakem, chef d’arrondissement, officier ou agent de police judiciaire qui ne donne pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes qui sont portées à sa connaissance est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de deux cent mille ouguiyas (200.000 UM) à cinq cent mille ouguiyas (500.000 UM) »

L’article 15 donne le droit aux associations des droits de l’homme de dénoncer les pratiques esclavagistes et d’assister les victimes de l’esclavage. Aussi, le juge doit prendre les mesures conservatoires à l’encontre des infractions. « Toute association des droits de l’homme légalement reconnue est habilitée à dénoncer les infractions à la présente loi et à assister les victimes de celles-ci. Dès que l’information est portée à sa connaissance et sous peine d’être pris à partie, tout juge compétant doit prendre d’urgence, sans préjudicier au fond, toutes les mesures conservatoires appropriées à l’encontre des infractions prévues par la présente loi. »

D) Loi n°2015-031 du 10 septembre 2015 portant incrimination de l’esclavage et des pratiques esclavagistes

Cette loi remplace et annule la loi 2007-048 et reprend l’essentiel de son contenu.
L’article 2 : « L’esclavage constitue un crime contre l’humanité. Il est imprescriptible. Est interdite toute discrimination, sous quelque forme que ce soit, à l’encontre d’une personne considérée comme esclave. Une journée nationale est consacrée à la lutte contre les pratiques esclavagistes. » L’imprescriptibilité de l’esclavage et le fait qu’il devient un crime contre l’humanité constituent des actes juridiques d’une grande importance.

En général, les enfants esclaves sont privés de l’enseignement. L’article 13 interdit cette privation.

Article 13 : « Toute personne qui prive un enfant, en considérant qu’il est esclave, de l’accès à l’éducation, est punie d’une réclusion de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amende de cinq cent milles (500.000) à sept millions (7.000.000) d’ouguiyas. ».

Les esclaves sont considérés comme un bien et sont en général hérités par la progéniture de leurs maîtres. L’article ci–dessous interdit cette pratique.

Article 14 : « Quiconque prive frauduleusement d’héritage toute personne, en considérant qu’elle est esclave, est punie d’une réclusion de cinq (5) à sept (7) ans et d’une amende de deux cent cinquante milles (250.000) à cinq millions (5.000.000) d’ouguiyas. »

Les femmes esclaves remplissent en général deux fonctions : la procréation qui permet la multiplication des esclaves ainsi que la satisfaction sexuelle des maîtres.

Article 16 : « Est puni d’une réclusion de cinq (5) à huit (8) ans et d’une amende de cinq cent milles (500.000) à cinq millions (5.000.000) d’ouguiyas quiconque agresse sexuellement une femme en considérant qu’elle est esclave. »

L’article 24 donne une assistance judiciaire aux victimes et prend en charge les frais occasionnés par la procédure judiciaire.

Article 24 : « Les victimes des infractions prévues par la présente loi bénéficient de l’assistance judiciaire et sont exemptées de tous frais de justice et dépens, dont l’avance est faite sur les frais de justice criminelle, à charge d’être imputés à la partie qui succombe. »

Contrairement à l’ordonnance 81-234 du 9 novembre 1981 qui compense les maîtres d’esclaves, la loi 2015-031 donne des droits de réparations aux victimes de l’esclavage.

Article 25 : « Le juge, saisi d’une infraction relative à l’esclavage et aux pratiques esclavagistes, est tenu de préserver les droits à réparation des victimes. »

E) La loi 2018-023 portant incrimination de la discrimination.

Le racisme, la discrimination et les discours haineux sont imprescriptibles tout comme l’esclavage ;

L’article 7 : « imprescriptibilité Le racisme, la discrimination et autres formes de discours de haine liés à la race sont des crimes imprescriptibles. »

Le procureur de la République peut prendre l’initiative de poursuivre l’auteur du crime sans intervention d’un groupe ou d’une personne victime de racisme.

Article 8 : « l’action publique Le procureur de la République peut prendre d’office l’initiative de poursuivre l’auteur du crime raciste, sans intervention préalable de la personne ou du groupe de personnes qui en ont été victimes. »

Un fonctionnaire public qui commet une discrimination dans l’exercice de ses fonctions est puni d’emprisonnement. Il en est de même de ses supérieurs si l’ordre de discriminations provient de ces derniers.

L’article 23 : « Est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à deux (2) ans, tout fonctionnaire public qui, dans l’exercice de ses fonctions commet une discrimination contre une personne en raison de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son origine, ou de sa nationalité, ou lui refuse arbitrairement l’exercice d’un droit ou d’une liberté auxquels elle peut prétendre conformément aux lois en vigueur. Les mêmes peines sont applicables lorsque les faits sont commis contre un groupe, une communauté ou leurs membres, en raison de la race, de la couleur, de l’ascendance, de l’origine ou de la nationalité de ceux-ci ou de certains d’entre eux. Si l’inculpé justifie qu’il a agi sur ordre relevant de la compétence de ses supérieurs et pour lesquels il leur était dû obéissance hiérarchique, les peines sont appliquées également aux supérieurs qui ont donné l’ordre. Ils peuvent également être interdits, en tout ou partie, de l’exercice des droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans au plus, conformément à l’article 36 du code pénal. »

A quoi sert un arsenal juridique inappliqué ? Il sert, à la fois, d’une part à tromper les pays occidentaux qui sont peu regardants lorsque leurs intérêts sont en jeu. Et d’autre part une opinion publique mauritannienne très divisée sur la problématique de l’esclavage et du racisme.

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26 Mars 2023

Mohamed Yahya Ould CIRE

Président de AHME (Association des Haratine de Mauritanie en Europe)

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