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mercredi 27 juin 2018

Guidimakha - Mauritanie : L’ère est-elle à la judiciarisation des rapports entre les Soninkés ?


Pourquoi cette américanisation de leurs rapports ? Pourquoi judiciariser les rapports sociaux ? Pourquoi hier, le linge sale s’est lavé en privé, aujourd’hui, le même linge sale se lave devant le prétoire ? Autant des questions qui restent sans réponse, nous nous forcerons, pas pour répondre aux interrogations mais plutôt pour proposer des solutions aux justiciables.

Lorsqu’un procès s’engage, on ne peut généralement pas prévoir quand il s’achèvera. Le procès prive les parties toute maitrise sur la solution. Il est un engrenage dont les parties ne décident pas la progression, qui laisse peu de place à l’interactivité et conduit à une solution imposée. La justice décide radicalement qui a raison et tort, distingue le gagnant du perdant. C’est ce que nous appelons l’ « américanisation » des rapports.

La justice est un principe, suivant lequel on doit attribuer à chacun ce qui lui est dû. Cette fonction juridictionnelle est devenue l’une des principales attributions de l’Etat moderne, car les lois empêchent que chaque justiciable se fasse justice. Le philosophe Paul Ricoeur, écrivait que, « la justice a deux finalités ; la finalité courte et la finalité longue ». La finalité courte de la justice est aux antipodes de l’organisation sociale et économique de cette communauté, décrit tant comme solidaire. Par ailleurs, c’est la finalité longue qui nous intéresse ici, en l’occurrence, la paix sociale, la tranquillité et la sauvegarde des liens sociaux pour cette communauté qui n’a pas l’habitude d’aller plaider devant un juge et qui se déchire pour des faits auxquels la loi les a déjà règlementé (esclavage, conflit foncier…).

Pour Paraphraser les propos un magistrat sénégalais (Keba M’Baye), la fierté d’un soninké, c’est de dire que moi, j’ai jamais mis pied au commissariat. Aujourd’hui, le voilà devant le prétoire en face du juge pour y être juger et dévoiler son organisation sociale conditionnée par les comportements héréditaires et patronymiques ; qui peut s’analyser suivant la stratification horizontale en castes définies par des critères de professions ou de conditions de vie, formatée à base de parenté lié à la génétique. C’est comme si l’un des pères fondateur de l’Anthropologie structurelle Claude Levi-Strauss a déjà vécu au sein de cette communauté en écrivant cela : « il fallait être peint pour être un homme, celui qui restait à l’état de nature ne se distinguait pas de la brute ». C’est ce mélange de l’ordre de l’idéal et celui du vécu, non seulement parce que la nature même du mécanisme de l’organisation sociale de cette communauté repose sur la répétition, mais plus encore parce qu’à la désobéir, on encourt les sanctions des puissances surnaturelles, auxquelles peuvent s’ajouter celles de la communauté des vivants. La coutume soninké, c’est ce qui reste quand on a tout oublié.

Cependant, nous avions assisté ce dernier temps des condamnations, des feuilletons judiciaires, des plaintes et des contres-plaintes, des convocations en convocations soit devant la police, soit devant le juge étatique. Malheureusement, Nous continuons toujours à assister les mêmes feuilletons judiciaires devant les tribunaux étatiques entre les soninkés de Guidimakha. Après l’affaire de Coumbadaou, Dafort, Modibougou, entre autres, le voici le contentieux foncier de Diogountouro devant la Cour d’appel de Kiffa. Toutes ces affaires se succèdent et se ressemblent les unes aux autres, soit sur le fond de l’esclavage, soit encore sur le fond d’un problème foncier, avec des titres fonciers communautaires dont certains d’entre eux datent bien avant l’indépendance de la Mauritanie, qui aujourd’hui, ne valent plus un titre exécutoire au regard des textes fonciers en vigueur ; eut pourtant la solution de leurs conflits est entrain leur main. Malheureusement, encore une fois de plus les mêmes causes produisent les mêmes effets, le contentieux foncier de Diogountouro, entre Gandega et Camara se refait surface devant la Cour d’appel de kiffa, selon nos sources judiciaires. Cette affaire qui, était depuis 2017 pendante devant le tribunal de Moughataa de Selibaby, le juge a fini par rendre une décision en date du 18/ 04/ 2018 en faveur de Gandega.

La réforme judiciaire mauritanienne du 24 juillet 1999 portant organisation judiciaire a consacré l’institution du juge unique au niveau du tribunal de la Moughataa et de la wilaya. La consécration du juge unique a pris sa source après la conversion de la Mauritanie à l’islam par les almoravides a permis d’instaurer une justice fondée sur un cadi omnipotent. Ce système du juge unique, qui a été retenu au niveau de la première instance, constitue une économie certaine de personnels. Le jugement rendu par cette juridiction est une décision juridictionnelle qui peut faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel. La partie en conflit qui se sent léser par la décision prise de ce juge unique ou qui estime que sa cause n’a pas été entendue équitablement peut faire une déclaration d’appel au greffe de la Cour d’appel. Eut, c’est ce qui s’est passé dans cette affaire foncière de Diogountouro. Les Camara, contestent le jugement rendu par ce juge unique devant le tribunal de Moughataa de Selibaby le 18/04/2018 et font appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Kiffa le 11/06/2018. Cette juridiction (Cour d’appel) est totalement différente du tribunal de Moughataa, car elle est composée des magistrats professionnels, soucieux de l’application des textes de lois en vigueur, le ministère public est représenté par le procureur, le greffe est tenu par le greffier en chef et l’élection d’avocat est obligatoire. La Cour d’appel statue sur les recours en appel contre les décisions judiciaires rendues en première instance. Cette justice étatique relativement longue et qui ne prend pas en compte les valeurs et les intérêts de chacune des parties ; qui est actuellement en crise dans les sociétés dites de droit à cause de son coût, sa lenteur et l’arrivée de la justice alternative au marche. La justice étatique est trop couteuse, moins soucieuse des liens sociaux, d’où l’intérêt que nous proposons aux litigants une justice douce, conciliatrice, rapide, moins couteuse et soucieuse des liens sociaux prévue par la législation mauritanienne.

Aujourd’hui, les modes amiables de résolution non judiciaire des conflits sont encouragés et favorisés par les législations internes dans le monde entier (Etats-Unis, Europe, Afrique…). Ils correspondent à un changement fondamental des mentalités face à une absence de réponse adaptée et au développement massif des contentieux devant les tribunaux. Humaniser le traitement de conflit, trouver des solutions pérennes et adaptées. La justice conciliatrice, s’inscrivent dans une volonté de négocier ses propres solutions aux conflits, de passer de l’imposé au négocié, de maitriser le traitement du conflit et d’arriver à une solution amiable. Cette justice offre une chance aux justiciables d’éviter les procédures judiciaires trop longues. C’est une forme de justice qui s’oppose à la justice étatique par sa rapidité, son caractère informel et son attachement à privilégier une solution réparatrice. N’a-t-on pas coutume de dire « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. La plus mauvaise transaction est meilleure que le meilleur procès». La finalité de cette justice est alors de construire un accord qui n’est pas nécessairement juridique, à partir d’un travail sur les valeurs et les intérêts de chacun.
La Mauritanie a légiféré dans ce sens, en créant un centre d’arbitrage et de médiation. Et dans le domaine foncier, la justice conciliatrice est prévue par les articles 21, 23 et 25 du décret N° 2000-089 du 17 juillet 2000 abrogeant et remplaçant le décret n° 90. 020 du 31 janvier 1990 portant application de l’ordonnance 83. 127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale, instituent des commissions foncières nationales, régionales et locales d’arbitrage permettant de régler le litige foncier amiablement. La justice conciliatrice est conçue comme un moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les litigants. Elle responsabilise les parties, en leur permettant de rapprocher leurs points de vue, de définir une solution innovante adaptée à leurs besoins et leurs intérêts, soit sous l’égide d’un juge ou un mouslih qui intervient pour contrôler le processus, la régularité de l’accord et sa conformité à l’ordre public.

Pour conclure, on n’espère que cette affaire foncière de Diogountouro n’arrivera pas devant la Cour suprême de Nouakchott, car cela serait un cataclysme pour toute la communauté. Nous demandons aux parties, d’aller vers une solution amiable, car la justice négociée permet de préserver les liens sociaux et nous dirige vers une pacification de nos relations, telles ont été la préoccupation première de cette justice alternative.

BA Boubou
Doctorant-Chercheur en Droit à Paris
Assistant Juridique à la Cour de cassation de Paris
Militant de Droits humains
Membre de lAssociation Française de lhistoire du Droit à Paris (AFHD)

dimanche 10 juin 2018

Le président d'IRA-Mauritanie rencontre la présidente de la CNCDH de la France.


Le président d'IRA-Mauritanie rencontre la présidente de la CNCDH de la France.
Ce Vendredi 8 juin 2018, le président Biram Dah Abeid a eu un long entretien dans les locaux de la commission nationale consultative des droits de l'homme de la France avec la présidente de cette importante institution madame Christine Lazerges.

Au cours des échanges entre les deux parties, madame Lazerges était entourée du Dr Magali Lafourcade, secrétaire général et Cécile Riou-Batista secrétaire générale adjointe. Le président des réseaux IRA était accompagné de Jean-Marc Pelenc, président d'Ira-France-Mauritanie, Brahim Aly, vice-président d'Ira-France-Mauritanie et Alexis Chaufrein, membre du cabinet de Biram Dah Abeidi à Paris.

Les deux parties ont discuté à propos de la coopération entre leurs deux institutions, dans le domaine des droits humains en Mauritanie et en France.

IRA-France

jeudi 7 juin 2018

Note d’alerte-Mauritanie : Un objecteur de conscience sous danger de meurtre

1-Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir, ancien condamné à la peine capitale, libéré, par  décision de la Cour d’appel de Nouadhibou le 8 novembre 2017 mais toujours séquestré dans un lieu secret, subissait, tôt le 6 juin, une violente crise de douleurs à l’abdomen.  Selon les rares témoins, il hurlait, entre des accès de convulsions. Un médecin de l’hôpital cubain a réclamé son hospitalisation en soins intensifs. Les autorités  refuseraient, arguant des motifs de sécurité mais lui administrent un traitement sédatif. Le précédent bilan de santé du prévenu ne mentionnerait de pathologie grave. Le détenu ignore qui prépare sa nourriture. Sa famille et ses avocats lui sont interdits d’accès et ne savent la teneur de son régime alimentaire. Le risque d’empoisonnement demeure élevé.

L’un de ses deux avocats -  lui aussi persécuté et menacé de mort - Maître Mohamed Ould Moïne, confirme l’incident de santé mais précise en ignorer la cause exacte. 
2-Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir encourt la liquidation extrajudiciaire, sans que les autorités de la Mauritanie en soient avisées. L’opinion ayant atteint un niveau  sans précédent de disponibilité au jihadisme,  le zèle meurtrier d’une faction ou d’un individu isolé peut occasionner l’assassinat du susdit. Deux personnes, parfaitement identifiées, ont appelé, en public à son exécution. La première, en 2014, avait promis une récompense de 10 000 euros à qui le tuerait ; la seconde jurait, deux ans après, de réaliser l’homicide, elle-même. Aucune ne sera poursuivie, encore moins entendue par un juge. 
3-Illustration d’une dérive accélérée du pays sur la voie du fanatisme religieux, deux évènements législatifs retiennent l’attention :
le 9 juin 2017, un texte pénalisant la discrimination, stipulait, au paragraphe premier de l’article 10: « quiconque encourage un discours incendiaire contre le rite officiel de la République islamique de Mauritanie est puni d’un (1) an à cinq (5) ans d’emprisonnement » ; or, la Constitution ne cite la notion de « rite », pas plus, d’ailleurs, que dans la quasi-totalité des Etats musulmans. 

Le 27 avril 2018, l’Assemblée nationale vote un texte encore plus liberticide ; une dépêche de l’Agence mauritanienne d’information (Ami) le résumait, 10 jours plus tôt : « Le présent projet de loi vise à abroger et remplacer l’article 306 du Code Pénal en vue de durcir les peines prévues à l’encontre du blasphémateur », a précisé le gouvernement. « Chaque musulman, homme ou femme, qui se moque ou outrage Allah ou Son Messager (Mahomet) - Paix et Salut sur Lui - ses anges, ses livres ou l’un de ses Prophètes est passible de la peine de mort, sans être appelé à se repentir. Il encourt la peine capitale même en cas de repentir ». Pourtant, le repentir constitue est au fondement théologique et doctrinal du monothéisme. 
4-Ironie du sort,  le gouvernement mauritanien, mène, depuis la première semaine de juin 2018, une campagne de sensibilisation contre « l’extrémisme violent ». 

Nouakchott, le 6 juin 2018
Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (Ira)