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lundi 12 juin 2023

La Contribution de AHME à la journée des associations maghrébines relatives aux droits de la personne


La Contribution de AHME à la journée des associations maghrébines relatives aux droits de la personne

Je commence par remercier toutes les organisations Maghrébines des Droits Humains. Je remercie en particulier notre frère et ami Ayad Ahram. Je vous demande de l’applaudir pour les efforts énormes qu’il a déployés pour la réussite de cette rencontre.

Je m’appelle Hanoune Ould Oumar dit Diko, secrétaire général de l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E). Cette association a été créée en 2001 par un groupe de personnes autour du Dr Mohamed Yahya Ould CIRE, qui en est le président. Ce dernier a écrit deux ouvrages sur la question de l’esclavage en Mauritanie. Le premier est la soutenance d’une thèse à l’université Paris II intitulée “L'abolition de l'esclavage en Mauritanie et les difficultés de son application”, soutenue en 2006. Cette thèse a été publiée par l’ANRT (Agence Nationale de reproduction des thèses), institution publique française en 2008. Le second est un livre dont le titre est : “La Mauritanie ; Entre l'esclavage et le racisme” édité à l’Harmattan en 2014. Ce livre a été traduit en arabe en 2019.

AHME est une association des droits de la personne à caractère non ethnique et non racial. AHME possède un site (https://haratine.com/

) et un blog (https://haratine.blogspot.com/ ).

La Mauritanie possède un arsenal juridique permissif. Les lois suivantes en sont les preuves.

La Loi n°2021-021 portant protection des symboles nationaux et incrimination les atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’honneur du citoyen

Article 2 : Est considérée comme atteinte à l’autorité de l’Etat et à ses symboles, tout acte délibéré d’utilisation des techniques de l’information, de la communication numérique et des plates-formes de communication sociale pour porter préjudice aux valeurs constantes et aux principes sacrés de l’Islam, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, tout mépris ou profanation du drapeau ou de l’hymne nationaux. Sans préjudice des sanctions plus lourdes prévues par d’autres lois, l’auteur de tels actes est passible d’emprisonnement de deux (2) à quatre (4) ans et d’une amende de deux cent mille (200000) à cinq cent mille(500000)Ouguiyas.

Cet article 2 interdit toute critique vis-à-vis du président de la République qui représente le sommet de l’Etat. Il en est de même dans l’intégrité territoriale, le drapeau et l’hymne national. Or, la politique d’un chef de l’Etat peut être critiquée par les hommes politiques, mais aussi par les citoyens. Cet article limite cette possibilité.

Article 3: Est également considérée comme atteinte délibérée à la vie privée toute injure ou insulte à la personne du Président de la République, ou de tout responsable public qui outrepasse ses actes et ses décisions de gestion vers sa personne et sa vie privée, la divulgation d’un secret personnel sans autorisation explicite de la part de l’intéressé, ou toute production, publication ou distribution de calomnies, d’injures ou d’insultes, ou l’attribution de faits infondés à une personne. Tous ces actes sont punis d’un (1) an à (2) deux ans d’emprisonnement et d’une amende de quatre-vingt mille (80000) Ouguiyas à deux cent mille (200000) Ouguiyas.

L'article 3 va plus loin dans l’interdiction de la critique du Président. Il proscrit toutes critiques à l’adresse du Président. Le président gère les affaires de l’Etat, lequel l’Etat est la plus grande association humain dans un territoire donné. Les citoyens de ce pays ont le droit de porter des jugements sur cette gestion. Cet article crée un amalgame entre la vie privée et publique du président puisqu’il ne clarifie pas la différence entre les deux aspects.

Article 5 : Est considérée comme atteinte à la sécurité nationale toute publication ou distribution de messages textuels, vocaux ou photographiques à travers l’utilisation des techniques de l’information, de la communication numérique et des plateformes de communication sociale visant l’atteinte à la moralité des forces armées ou la déstabilisation de leur loyauté à la République.

La commission de tels actes est punie d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de deux cent mille(200.000) à quatre cent mille (400.000) Ouguiyas. Est également considérée comme atteinte à la sécurité nationale la prise, la publication ou la diffusion de photos ou de vidéos des éléments et unités de forces armées et de sécurité en mission sans autorisation expresse du Commandement concerné. La commission de tels faits est punie d’un emprisonnement d’un (1) an à deux (2) ans et d’une amende de cent mille (100000) à cent cinquante mille (150000) Ouguiyas.

L’article 5 interdit aux hommes politiques de critiquer les forces armées. Or, la conduite d’une politique dans le domaine militaire est le fruit des décisions politiques, et à ce titre celle-ci peuvent être critiquées par les partis politiques, hommes publics et des citoyens.

En cas de non-respect de ces trois articles susmentionnés, les peines sont excessivement lourdes.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies donne une définition qui prouve que ces articles sont une violation des droits de la personne :

“La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu. Elles sont essentielles pour toute société. Elles constituent le fondement de toute société libre et démocratique. Les deux libertés sont étroitement liées,

la deuxième constituant le véhicule pour l’échange et le développement des opinions.

La liberté d’expression est une condition nécessaire pour la réalisation des principes de transparence et d’obligation de responsabilité qui sont eux-mêmes essentiels à la promotion et la protection des droits de l’homme.”

La République islamique de Mauritanie se considère comme une démocratie. Elle est donc tenue au respect de ce pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies car elle est membre de cette organisation et a ratifié le pacte susmentionné.

La loi 2018 relative à l’apostasie et aux blasphèmes

L'article 306 du Code pénal Mauritanien, tel que révisé, prévoit que tout musulman coupable d'apostasie ou de blasphème sera condamné à mort dès son arrestation sans possibilité de formuler une demande de clémence fondée sur le repentir…

L’article 306 du Code Pénal récemment révisé en date du 27 avril 2018 constitue une régression juridique parce qu’il supprime la possibilité de se repentir et rend la peine de mort applicable.

 

C’est pour cette raison que les experts de l’ONU ont exhorté la Mauritanie dans le but de supprimer la loi anti-blasphèmes de 2018.

Loi 2016-007 relative à la cybercriminalité

Des infractions portant atteinte aux valeurs morales et aux bonnes mœurs

Article 21 : Sans préjudice des peines prévues par l'article 306 du code pénal, sera puni d'un à quatre ans d'emprisonnement et d'une amende de 200.000 à 3.000.000 d'ouguiyas, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura intentionnellement, créé, enregistré, mis à disposition, transmis ou diffusé par le biais d'un système informatique, un message texte, une image, un son ou toute autre forme de représentation audio ou visuelle qui porte atteinte aux valeurs de l'Islam.

La       Mauritanie est      une    République            islamique.   Cette  théocratie musulmane est constitutionnelle depuis le 20 mai 1961.

Cet article 21 constitue une instrumentalisation de l’Islam. Au- delà de cinq obligations qui s’imposent à tout musulman en tant qu’individu, rien dans l’Islam n’interdit de critiquer les gouvernants d’un pays. S’agissant des mœurs et coutumes mauritaniennes, celles-ci sont critiquables, car elles comportent des agissements contraires à l’Islam. En effet, dans un pays la population est à 100 % musulmane, il y a des apparences musulmanes (prières, jeunes, ect…) et des réalités moins avouables. A titre d’exemple, les détournements des deniers publics sont interdits en Islam. Et pourtant, une partie importante des richesses obtenues dans ce pays sont issues de ces détournements. Aussi, du châtiment corporel et mental d’un l’esclave, un mauritanien peut aller prier à la mosquée et vice- versa.

« Internet est un espace de liberté où chacun peut communiquer et s’épanouir ». Cet article est donc abusif parce qu’elle limite d’une manière infondée les libertés d’expression et institue des peines assez lourdes.

Bourse de Paris le 10 Juin 2023

Hanoune Ould Oumar dit Diko

dimanche 4 juin 2023

Lexique haratine : Des discriminations sécrétées par l’esclavage maure


Au commencement était l’esclavage. A de rares exceptions, toutes les sociétés du monde ont connu ce fléau social. Ces sociétés sont désormais administrées par des Etats qui ont permis la sortie de l’esclavage. La Mauritanie fait partie du dernier groupe dans lequel l’esclavage demeure une réalité, aussi bien sous sa forme inhumaine (à savoir l’exploitation des êtres humains) mais sous sa forme de séquelles (les affranchis de l’esclavage demeurent dans la pauvreté et la misère).

Avant l’affranchissement, il y a eu l’esclavage ; d’où le vocabulaire maure relatif à celui-ci :
– « Abd » (esclave au singulier) ;
– « Abid » (esclave au pluriel) ;
– « Khadem » : femme esclave ;
– « Likhdem » : femmes esclaves au pluriel ;
– « Eghayar » : (nom donné au chevreau) esclave adolescent ;
– « Teghayart » : (nom donné à une chevrette) adolescente esclave ;
– « tavle » : adolescente maure ;
– « itfel » : adolescent maure.

L’affranchissement est une gestion de l’esclavage. Les esclaves soumis sont libérés théoriquement et exploités à distance. Les insoumis sont soit souvent vendus soit directement gérés par les maîtres d’esclaves. Les Maures ont créé le vocabulaire pour désigner les Haratine (affranchis de l’esclavage).

« Hartani » : esclave affranchi ;
« Haratine » : esclaves affranchis ;
« hartania » : femme esclave ;
« hartanyat » : femmes esclaves.

Les Haratine au pluriel : des personnes affranchis de l’esclavage maure.

Avec H majuscule, ce mot désigne l’ensemble de la population haratine. Avec h minuscule, il est utilisé pour parler d’une partie des haratine et non l’ensemble. Exemple : certains haratine détiennent des esclaves. Ce mot peut être utilisé comme adjectif. Exemple : la condition haratine.

La «négritude » : Léon Gontran Damas lui donne la définition suivante : « le mouvement tendant à rattacher les noirs de nationalités et de statuts français, à leur histoire, leurs traditions et aux langues exprimant leurs rêves ».
Aimé Césaire la définit ainsi : « la négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. » Le but de la négritude est de revaloriser le noir, sa culture et sa civilisation.
Pour Léopold Sédar Senghor, la « négritude est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie et les œuvres des noirs. »

La « haratinité »1 est l’ensemble des valeurs de la personne haratine, de ses conditions de vie, de sa volonté de se libérer du joug des esclavagistes mais aussi de rétablir sa dignité bafouée. Cette haratinité permet également de montrer la spécificité de la personne haratine par rapport aux maures de Mauritanie, ainsi que des négro-mauritaniens. En effet, les haratine dans leurs coutumes, leurs habitats (« adwaba »), leurs loisirs, musiques, etc se différencient des Maures et des noirs de Mauritanie. Malgré la dureté de l’esclavage, les Haratine ont élaboré une culture et des coutumes différentes de leurs origines et des esclavagistes maures, exploiteurs et assimilateurs.

Le « haratinisme »2 c’est l’ensemble des études portant sur la condition des Haratine, de leur histoire, de leur évolution, leur spécificité, ainsi que le but recherché à savoir la libération et l’émancipation de l’esclavage et de ses séquelles.

La « haratinisation »3 : c’est le processus par lequel les Haratine acceptent leurs conditions passées et présentes, en l’occurrence sortir de leur complexe d’infériorité par rapport à leur asservissement. L’esclavage est une tare sociale qui créée un complexe d’infériorité chez les victimes. Se débarrasser de ce complexe et lutter par le combat, pour retrouver une dignité perdue par les aïeux ou par soi-même. Cette résilience doit être incitative au combat.

Se « haratiniser »4 (sens propre) : assumer sa haratinité, par le dépassement de la charge négative de l’esclavage et de ses séquelles, affirmer sa personnalité en vue de retrouver la dignité par la libération et l’émancipation. Cette lutte permet d’acquérir ses droits économiques, politiques, juridiques,… que l’esclavage a supprimés.
(Sens figuré) : Certaines personnes n’appartenant pas à la communauté haratine peuvent se solidariser avec elle en vue de sa libération et du recouvrement de ses droits.

Le stock de prénom réservé aux esclaves : En général, les «Abid» n’ont pas de noms. Les esclavagistes leur attribuent des prénoms. Leurs prénoms sont la marque d’infériorité par rapport aux Maures. Les esclaves affranchis ne changent pas de prénoms. Ainsi, la marque de l’esclavage demeure.


Prénoms masculins ;

Bilal
Boïlil (diminutif du prénom Bilal)
M’bareck
M’beïrick (diminutif du prénom M’bareck)
Warzeg
Oureïrig (DP Warzeg)
Mousse (DP Moussa)
Moussatou (DP Moussa)

Prénoms féminins

Khadim Allah
Jabhe allah
Salmë
Siweilme (DP de Salmë)

Les Maures, en général, appellent souvent les esclaves par leur statut :

« el abd » (homme esclave),
« lebeïd » (DP homme esclave),
elkhadim, (femme esclave)
lekhweïdim (DP femme esclave).

Ces prénoms et leurs diminutifs servent à imprimer dans l’esprit des esclaves, non seulement leur mépris mais aussi leur infériorité provenant d’une volonté divine, à savoir Allah (Dieu). Les Maures font croire aux esclaves que leur asservissement est d’origine divine et que la responsabilité n’incombe pas à l’esclavagiste. Or, on sait que ni la vente des esclaves, ni le kidnapping, ni les rapts, ni les razzias ne sont licites aux yeux de l’Islam. Seule une guerre sainte, avec ses règles, peut engendrer la réduction en esclavage abstraction faite de la couleur de la peau. L’intellectuel Ahmed Baba du Mali l’a démontré dans ses écrits. Ahmed Baba a été déporté de Tombouctou au Maroc (aller-retour) derrière les chameaux mais n’a jamais renoncé à ses convictions.

Les esclavagistes ont des attitudes ambivalentes vis à vis de leurs esclaves. Pour justifier l’esclavage, ils font appel à « Allah » (Dieu). Ils disent aux esclaves : « C’est Allah qui t’a donné à moi ». Par conséquent, le maître d’esclaves dégage sa responsabilité. En revanche, lorsqu’ils affranchissent des esclaves, ils insistent pour signifier à ces derniers que leurs actions émanent de leur volonté propre. Le but est de rendre les affranchis redevables à leurs égards en vue de continuer leur exploitation. L’esclavagiste affirme ainsi : « c ‘est moi qui t’affranchis ». Par cette opération, l’esclavagiste oublie que ce que dit le coran où on exhorte les maîtres d’esclaves à affranchir leurs esclaves si ces derniers en font la demande ou par piété.

Le 3 juin 2023
Docteur Mohamed Yahya OULD CIRE
Président de A.H.M.E

Source : https://haratine.com/Site/?p=19604#more-19604