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dimanche 4 juin 2023

Lexique haratine : Des discriminations sécrétées par l’esclavage maure


Au commencement était l’esclavage. A de rares exceptions, toutes les sociétés du monde ont connu ce fléau social. Ces sociétés sont désormais administrées par des Etats qui ont permis la sortie de l’esclavage. La Mauritanie fait partie du dernier groupe dans lequel l’esclavage demeure une réalité, aussi bien sous sa forme inhumaine (à savoir l’exploitation des êtres humains) mais sous sa forme de séquelles (les affranchis de l’esclavage demeurent dans la pauvreté et la misère).

Avant l’affranchissement, il y a eu l’esclavage ; d’où le vocabulaire maure relatif à celui-ci :
– « Abd » (esclave au singulier) ;
– « Abid » (esclave au pluriel) ;
– « Khadem » : femme esclave ;
– « Likhdem » : femmes esclaves au pluriel ;
– « Eghayar » : (nom donné au chevreau) esclave adolescent ;
– « Teghayart » : (nom donné à une chevrette) adolescente esclave ;
– « tavle » : adolescente maure ;
– « itfel » : adolescent maure.

L’affranchissement est une gestion de l’esclavage. Les esclaves soumis sont libérés théoriquement et exploités à distance. Les insoumis sont soit souvent vendus soit directement gérés par les maîtres d’esclaves. Les Maures ont créé le vocabulaire pour désigner les Haratine (affranchis de l’esclavage).

« Hartani » : esclave affranchi ;
« Haratine » : esclaves affranchis ;
« hartania » : femme esclave ;
« hartanyat » : femmes esclaves.

Les Haratine au pluriel : des personnes affranchis de l’esclavage maure.

Avec H majuscule, ce mot désigne l’ensemble de la population haratine. Avec h minuscule, il est utilisé pour parler d’une partie des haratine et non l’ensemble. Exemple : certains haratine détiennent des esclaves. Ce mot peut être utilisé comme adjectif. Exemple : la condition haratine.

La «négritude » : Léon Gontran Damas lui donne la définition suivante : « le mouvement tendant à rattacher les noirs de nationalités et de statuts français, à leur histoire, leurs traditions et aux langues exprimant leurs rêves ».
Aimé Césaire la définit ainsi : « la négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. » Le but de la négritude est de revaloriser le noir, sa culture et sa civilisation.
Pour Léopold Sédar Senghor, la « négritude est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie et les œuvres des noirs. »

La « haratinité »1 est l’ensemble des valeurs de la personne haratine, de ses conditions de vie, de sa volonté de se libérer du joug des esclavagistes mais aussi de rétablir sa dignité bafouée. Cette haratinité permet également de montrer la spécificité de la personne haratine par rapport aux maures de Mauritanie, ainsi que des négro-mauritaniens. En effet, les haratine dans leurs coutumes, leurs habitats (« adwaba »), leurs loisirs, musiques, etc se différencient des Maures et des noirs de Mauritanie. Malgré la dureté de l’esclavage, les Haratine ont élaboré une culture et des coutumes différentes de leurs origines et des esclavagistes maures, exploiteurs et assimilateurs.

Le « haratinisme »2 c’est l’ensemble des études portant sur la condition des Haratine, de leur histoire, de leur évolution, leur spécificité, ainsi que le but recherché à savoir la libération et l’émancipation de l’esclavage et de ses séquelles.

La « haratinisation »3 : c’est le processus par lequel les Haratine acceptent leurs conditions passées et présentes, en l’occurrence sortir de leur complexe d’infériorité par rapport à leur asservissement. L’esclavage est une tare sociale qui créée un complexe d’infériorité chez les victimes. Se débarrasser de ce complexe et lutter par le combat, pour retrouver une dignité perdue par les aïeux ou par soi-même. Cette résilience doit être incitative au combat.

Se « haratiniser »4 (sens propre) : assumer sa haratinité, par le dépassement de la charge négative de l’esclavage et de ses séquelles, affirmer sa personnalité en vue de retrouver la dignité par la libération et l’émancipation. Cette lutte permet d’acquérir ses droits économiques, politiques, juridiques,… que l’esclavage a supprimés.
(Sens figuré) : Certaines personnes n’appartenant pas à la communauté haratine peuvent se solidariser avec elle en vue de sa libération et du recouvrement de ses droits.

Le stock de prénom réservé aux esclaves : En général, les «Abid» n’ont pas de noms. Les esclavagistes leur attribuent des prénoms. Leurs prénoms sont la marque d’infériorité par rapport aux Maures. Les esclaves affranchis ne changent pas de prénoms. Ainsi, la marque de l’esclavage demeure.


Prénoms masculins ;

Bilal
Boïlil (diminutif du prénom Bilal)
M’bareck
M’beïrick (diminutif du prénom M’bareck)
Warzeg
Oureïrig (DP Warzeg)
Mousse (DP Moussa)
Moussatou (DP Moussa)

Prénoms féminins

Khadim Allah
Jabhe allah
Salmë
Siweilme (DP de Salmë)

Les Maures, en général, appellent souvent les esclaves par leur statut :

« el abd » (homme esclave),
« lebeïd » (DP homme esclave),
elkhadim, (femme esclave)
lekhweïdim (DP femme esclave).

Ces prénoms et leurs diminutifs servent à imprimer dans l’esprit des esclaves, non seulement leur mépris mais aussi leur infériorité provenant d’une volonté divine, à savoir Allah (Dieu). Les Maures font croire aux esclaves que leur asservissement est d’origine divine et que la responsabilité n’incombe pas à l’esclavagiste. Or, on sait que ni la vente des esclaves, ni le kidnapping, ni les rapts, ni les razzias ne sont licites aux yeux de l’Islam. Seule une guerre sainte, avec ses règles, peut engendrer la réduction en esclavage abstraction faite de la couleur de la peau. L’intellectuel Ahmed Baba du Mali l’a démontré dans ses écrits. Ahmed Baba a été déporté de Tombouctou au Maroc (aller-retour) derrière les chameaux mais n’a jamais renoncé à ses convictions.

Les esclavagistes ont des attitudes ambivalentes vis à vis de leurs esclaves. Pour justifier l’esclavage, ils font appel à « Allah » (Dieu). Ils disent aux esclaves : « C’est Allah qui t’a donné à moi ». Par conséquent, le maître d’esclaves dégage sa responsabilité. En revanche, lorsqu’ils affranchissent des esclaves, ils insistent pour signifier à ces derniers que leurs actions émanent de leur volonté propre. Le but est de rendre les affranchis redevables à leurs égards en vue de continuer leur exploitation. L’esclavagiste affirme ainsi : « c ‘est moi qui t’affranchis ». Par cette opération, l’esclavagiste oublie que ce que dit le coran où on exhorte les maîtres d’esclaves à affranchir leurs esclaves si ces derniers en font la demande ou par piété.

Le 3 juin 2023
Docteur Mohamed Yahya OULD CIRE
Président de A.H.M.E

Source : https://haratine.com/Site/?p=19604#more-19604

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