C’est en fouillant dans les informations sur la Mauritanie que je suis tombé sur cet article relatif à un appel d’Uléma mauritaniens pour la libération de parents d’une jeune fille mineure d’origine mauritanienne en Espagne.
Selon Omeïr, « c’est l’histoire d’une famille mauritanienne qui vit un drame en Espagne depuis bientôt quatre ans. Tout commence par une insertion dans un milieu étranger d’une famille maraboutique, descendante de la prestigieuse lignée de l’érudit Mokhtar Ould Bouna, le plus grand grammairien du Traab al Bidhâne. L’une de leurs filles fut mariée – comme au bon vieux temps – à son cousin, pour la «redresser», elle qui préférait la proximité de ses amis espagnols.1
Cet article est révélateur de ce que je pense et qui m’a toujours fait croire qu’une Mauritanie démocratique n’est pas pour demain car ce pays manque d’une élite. On pourra me traiter d’occidentalisé, d’aliéné ou de tout ce que l’on voudra, mais j’ai toujours cru à ce qui est humain, à la différence, la liberté, à un universalisme sélectif.
“I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: "We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal." I have a dream that one day every valley shall be exalted, and every hill and mountain shall be made low, the rough places will be made plain, and the crooked places will be made straight; "and the glory of the Lord shall be revealed and all flesh shall see it together."
“Je rêve qu'un jour, notre nation se lèvera pour vivre véritablement son credo : “Nous tenons pour vérité évidente que tous les hommes ont été créés égaux]. Je rêve qu'un jour, chaque vallée sera rehaussée et chaque colline et chaque montagne sera aplanie, les aspérités seront nivelées et les endroits tortueux seront rendus rectilignes, et "la gloire de Dieu sera révélée et tout ce qui est chair le verra ensemble."
Ce texte n’est plus réédité en France, je ne sais pas pourquoi. Je souffre de ne pas l’avoir entre mes mains. Je l’ai prêté à Beddy Ould Ebnou qui ne me l’a jamais rendu.
Il est étrange que, moi, qui enseignais le droit à l’ENFACOS, débutais toujours mon cours par des extraits de ce livre. Pour quelle raison ? Je ne le sais pas.
C’est peut- être parce que je suis ‘‘idéaliste’’, comme on le dit de moi dans le milieu mauritanien auprès des Blancs ou de certains Mauritaniens lâches pour me discréditer. Mais j’aime rire de tous ceux qui dans l’inconfort, se réfugient dans des adjectifs qui qualifient l’autre différent, pour se protéger. Au passage, je voudrais dire bonjour à tous mes anciens élèves. Je leur dis que je suis profondément attaché à eux qu’ils soient Harratines, Maures, ou Négro-africains. Avec eux, j’ai su gagner le respect par la rigueur. Je leur ai tout donné, en dehors de toute considération d’appartenance. J’ai compris qu’avec le minimum de volonté, on pouvait construire une autre Afrique. Ils sont mes témoins. Je me souviendrai toujours de ce geste de l’un de mes élèves maures, en plein événement de 1989.
Durant ces événements, alors que le monde négro-africain était en panique, je suis sorti car l’un de mes neveux avait besoin de médicaments. C’est l’un de mes élèves maures qui m’a donné ce qu’il fallait pour le soigner. Il m’a regardé avec une telle tendresse que j’avais les larmes aux yeux. Je voudrais lui dire que malgré mes années d’absence, je n’ai jamais oublié son geste.
Il ne faut pas croire que l’élite est nécessairement liée à l’école. J’ai grandi en Mauritanie et j’ai rencontré une élite dans des villages, c’est-à- dire des gens élevés humainement, respectueux de l’autre et utilisant leur esprit pour le mieux être et le respect de chacun avec exigence.
J’ai beaucoup voyagé, mais une grande partie de mes références est encore dans mes racines. J’ai vu des personnes qui, sans être allées à l’école, sont d'une grande sagesse, ouverture d’esprit et attachées à la justice. Je ne dis pas qu’il s’agit de tous les anciens. Mais je vous citerai un exemple de cet homme sans instruction dont la fille désirait se marier à quelqu’un dit d’origine esclave et qui a affirmé, contre l’opinion de toute sa famille qu’elle pouvait se marier avec celui qu’elle souhaitait et que c’était son droit.
L’article d’Omeïr dit tout sur les lettrés mauritaniens, car ils ne méritent pas le titre d’intellectuels. J’ai déjà défini dans mes articles précédents ce que j’entends par intellectuel.
Monsieur Omeïr parle d’une famille maraboutique, descendante de la prestigieuse lignée de l’érudit Mokhtar Ould Bouna, le plus grand grammairien du Traab al Bidhâne. Cela veut-il dire, selon lui que le fait d’être originaire d’une grande maraboutique, grammairien, d’une descendance particulière, priment sur la justice ? Il ose aussi parler de redresser la jeune femme.
« Les faits, selon Oumeir : une jeune fille mineure « qui préférait la proximité de ses amis espagnols » a été livrée à son cousin pour, selon les termes et les guillemets d’Oumeir « la redresser » comme au bon vieux temps, dit-il. En clair, on l’offre à son cousin pour qu’il l’épouse et selon les termes de Omeir « Le mariage, consommé en Mauritanie, scandalisera les amis de la mineure. ».
Ces lignes résument le problème mauritanien. Ceux qui sont allés à l’école qu’ils soient maures, haalpullar, soninké, wolofs ou bambara, sont englués dans des contradictions. En général, ils ne prennent de l’Occident et de l’Afrique que ce qui les arrange, alors que je dis toujours qu’il s’agit d’une grande chance d’avoir plusieurs cultures. Car on peut opérer un tri, prendre une distance.
L’auteur d’un article qui a beaucoup d’humour a dit ceci : « On croit rêver face à tant d’ignorance face au monde qui les entoure ! C’est incroyable ! Voilà que même notre Omeïr national verse des larmes de crocodile quasiment la salive à la bouche en parlant « du bon vieux temps » qui permettait et permet encore en Mauritanie que des adultes livrent à la sexualité forcée une mineure sans que cela n’émeuve quiconque en 2011 ! Car c’est bien de ça qu’il s’agit ! »
La vérité, c’est que la plupart des instruits mauritaniens sont encore très liés par un esprit féodal. Les instruits mauritaniens maures, harratines, les haalpullars, soninkés, wolofs, bambaras, sont liés par une tradition, en grande partie, dépassée.
Je suis frappé de voir qu’il n’y ait pas eu une manifestation à Paris ou ailleurs pour soutenir cette fille.
La condition de la femme en Mauritanie intéresse peu les lettrés de ce pays. On est bien dans l’habit de celui qui lutte conte le tribalisme, contre le racisme, l’esclavage en Mauritanie, mais pas contre la domination des femmes, les castes, etc. Ainsi, la plupart de l’élite maure est raciste et féodaliste et, opportuniste, celle harratine, féodaliste, esclavagiste et opportuniste, celle Négro-africaine féodaliste et opportuniste.
Un ami qui a beaucoup milité en Mauritanie et d’un esprit brillant, me disait ces derniers jours : « J’ai bien fait de sortir, car tant que j’étais en Mauritanie, je pensais être quelqu’un. En venant en France, je me suis rendu compte que je n’étais rien et je décidai de m’inscrire dans l’humanité. »
Voila donc le vrai problème de ce pays. Les lettrés de tous les bords ne veulent que profiter de leur statut. Toutes les luttes mauritaniennes peuvent se résumer ainsi : « luttons jusqu’à ce que l’ont soit intégrés en fonction de notre appartenance, et ensuite profitons en en tant qu’élite ».
1Omeir, Appel au Pape in http://www.noorinfo.com/Appel-au-Pape_a655.html
2 Vlane, « En plein ramadan, nos oulémas sont-ils devenus papistes ? » in http://www.cridem.org/C_Info.php?article=59216
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire