Dans un article publié récemment sur le site www.kassataya.com, Biram Ould Dah met courageusement le doigt sur un sujet trop souvent mis de côté : le rôle ambigu joué par certains leaders harratines. La sortie de Biram ould Dah nous invite à un travail d’introspection sur les plaies qui gangrènent notre lutte. Ce travail, il faut que nous le fassions loin des réactions enflammées et hâtives qui nourrissent la polémique inutile et nous font passer souvent à côté de l’essentiel.
Il est incontestable que la vulgarisation de la lutte des harratines est d’abord le fruit de leur propre mobilisation. Ce travail s’est heurté à la résistance d’autres harratines qui ont jugé qu’ils devaient défendre les maitres plutôt que leurs frères qui luttent contre l’esclavage en Mauritanie. Certains comme Boidiel Ould Hoummeid ont longtemps cheminé dans les gouvernements contrôlés par les anciens maitres. Ces harratines ont pensé, parfois de bonne foi, qu’ils pouvaient secourir leurs frères de l’intérieur même de l’appareil. Il est connu qu’en effet certains d’entre eux, comme justement Boidiel Ould Hoummeid, ont parfois secouru des harratines. Mais ces interventions étaient très limitées à cause de leur caractère ponctuel et non structuré. C’était comme si on voulait soigner le cancer avec un comprimé d’aspirine.
De leur position dans les structures de l’Etat, ils ont surtout combattu d’autres harratines qui se battaient pour éradiquer l’esclavage. Il est utile de rappeler que Boidiel Ould Hoummeid et Messadoud Ould Boulkheir ont longtemps été dans des camps adverses. En effet, l’actuel président de l’Assemblée Nationale a été un membre important du mouvement El Hor avant de devenir le leader emblématique de la lutte contre l’esclavage aux débuts des années 1990. Son apport à la lutte est incontestable.
Toutefois, il est honnête de dire qu’aujourd’hui, Messaoud Ould Boulkheir a rejoint Boidiel ould Hoummeid dans la fréquentation des puissants contre les plus faibles. Et ils y côtoient un autre gros poisson, le ministre de l’intérieur Mohamed Ould Boilil dont les services protègent les esclavagistes et persécutent les militants abolitionnistes. Disons-le haut et fort avec Biram Ould Dah : Messaoud et Boidiel sont dans le camp de ceux qui s’opposent à l’émancipation des esclaves en Mauritanie. Comment ont-ils pu oublier les déclarations d’Ould Abdel Aziz disant que « n’est esclave que celui qui veut l’être » ? Il l’avait dit et répété sur Kassataya et tout le monde l’a entendu. Ce même Ould Abdel Aziz a toujours fait pression sur « sa » justice pour refuser de faire condamner les esclavagistes. Son régime persécute les militants antiesclavagistes et libère les bourreaux et les maitres. Comment un leader hartani ou tout simplement tout amoureux de la justice et de la liberté peut-il s’associer à un tel régime ?
Aujourd’hui, heureusement, les mentalités changent petit-à-petit. La communauté harratine s’émancipe de plus en plus et prend conscience de ses droits. Plus personne ne pourra nous tromper. Messaoud Ould Boulkheir s’est fait doubler par une jeune catégorie de leaders plus déterminés et plus libres. Nous devons appuyer le travail de Biram Ould Dah tant qu’il maintient ses positions pour nous débarrasser définitivement de l’esclavage. Oui, comme en droit du commerce, il y a un fonds de commerce. Le fonds de commerce n’est rien d’autre que l’ensemble des biens meubles et immeubles. Dans notre cas, c’est le résultat de toutes les luttes antérieures menées contre l’esclavage. Il n’a rien à voir avec l’autre fonds de commerce tenu par ceux qui vendent le sang et la sueur de leurs frères pour se faire une position au soleil aux côtés des esclavagistes. Ce fonds de commerce nous devons le valoriser et le préserver. Si quelqu’un essaie de dilapider notre fonds de commerce, notre cause, le fruit de notre lutte, nous devons l’arrêter et prendre ce qui nous est dû ; même s’il s’agit d’un combattant qui fut respectable et vaillant avant de retourner sa veste.
Par Dr Brahim Ould Mbareck
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