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dimanche 29 avril 2012

Faut-il accabler Biram ?


La réaction au geste de Biram, par lequel il a brûlé publiquement des œuvres d’érudits malékite, ne s’est pas fait attendre.
Les qualificatifs fusent de partout : « Suicide politique », « apostasie », « mécréance » on appelle au bannissement et à l’exil et l’on se prend à aller protester devant la présidence pour punir de « façon exemplaire » l’acte du dirigeant de l’Ira.
Dans un pays où les pires crimes font le quotidien du Mauritanien, on s’émeut de la disparition de copies de livres, écrits certes par des érudits, mais cela n’entrainera ni leur disparition, ni l’extinction du rite malékite !
Le geste est en lui-même extrêmement provocateur, mais il ne doit pas être un prétexte pour attenter au personnage, ni à son entourage. La seule sanction morale est déjà la réprobation sociale et nul n’est en droit de représenter Enes ibnou Malek.
Dans un pays où la corruption, vrai crime dans l’Islam, est une pratique d’Etat et de Société, où les officines médicales, tenues par des commerçant sans scrupules avec la bénédiction des pouvoirs publics vendent les médicaments trafiqués qui tuent hommes femmes et enfants, où les mendiants peuples les rues, où les pauvres peuplent les prisons, où la justice est assujettie, s’émouvoir d’une copie brûlée relève du cynisme béat.
A dire vrai, au vu de ce que cette société mauritanienne et ses dirigeants ont fait de ses enseignements, Enass ibnou Malek lui-même aurait probablement interdit son livre.
Quel rapport y a -t-il entre la société mauritanienne actuelle et celle sur la pratique de laquelle Enass ibnou Malek bâtit l’un des piliers de son rite, la jurisprudence issue des pratiques des premiers habitants musulmans de Médine (Aamal ahlou al-Medina) ?
Corruption, détournements de biens publics, trafic d’influence, malversation, fraude, mensonge, pauvreté, délinquance, drogue, esclavage, misère, y a-t-il une place dans ce pays aux livres des érudits malékites ?
La réaction de Biram est un acte de désespoir par lequel , il ne renie ni sa religion , ni son appartenance à la communauté musulmane , il stigmatise, au-delà de la symbolique de son geste ce que ces érudits ont apporté comme solution à l’esclavage.
Mais si la solution de brûler les livres d’érudits malékites, offensant ainsi les croyants, n’est pas une solution recommandable, il convient de dire que c’est l’impasse et la coercition politique que fait peser le régime actuel sur tout mouvement de changement, qui risque de mener aux extrémismes. Le geste de Biram n’en est que le prélude (voit notre article précédent « Biram s’enflamme »).
En effet, face au mur du dédain et au désespoir de ne pouvoir se faire entendre, l’être peut aller jusqu’à l’explosion.
Au-delà de la personne de Biram et de son mouvement, son geste répréhensible est une alarme qui vient de retentir et qui se résume en une phrase : « Les consciences poussées à bout peuvent commettre le pire ». Et si rien n’est fait pour cette société, le pire est à venir.
Ainsi, même quand on brûle leurs livres, les érudits continuent leurs enseignements. Faut-il cependant savoir les écouter, avec ce que Dieu a donné de si précieux à l’homme : la raison.
Pr ELY Mustapha

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