1-Blog haratine : Bonjour Aziz Guissé, vous êtes journaliste de profession présentez vous aux lecteurs?
Aziz Guissé : Merci beaucoup de m'avoir donner la parole et de m'offrir cette opportunité de m'exprimer via ce Blog, qui je trouve est l'un des canaux les plus fiables que l'on puisse trouver pour aborder des sujets et toutes sortes de questions lancinantes surtout qui touchent la Mauritanie, la vie des mauritanien, des ses problèmes multiples, complexes et séculaires toujours occultés à son intérieur et souvent à son extérieur. Je suis mauritanien, natif de la région du Brakna dans le département de Mbagne. C'est dans ce beau village, même, au bord du fleuve Sénégal que j'ai vu le jour, juste au début des années 70.
J' y ai vécu et presque grandi jusqu'à mon admission à l'entrée en sixième. Je suis allé faire ma première année scolaire du collège à Boghé en1985. Puis je suis revenu à Mbagne de nouveau en 1986 lors des premiers évènements liés au manifeste du négro-africain dit celui des flams, après que le collège de mon village soit inauguré et ouvert. J'y suis resté encore pendant deux ans d'études jusqu'à l'obtention de mon BEPC en juillet1987. Je suis reparti une deuxième fois à Boghé, où j'ai complété plus tard ma deuxième partie du secondaire, sanctionnée par l'obtention de mon baccalauréat en série lettres modernes française en juin 1991. Apres mon bac, je suis allé à Nouakchott, où je me suis inscrit à la faculté des lettres et des sciences humaines en lettres et en philosophie, où j'ai pas du tout duré en raison de son caractère de défectuosité et raciste. Je n'y ai fréquenté et défendu que juste une partie de mon Deug en lettres et philosophie. J'ai claqué vite les portes. J' ai été trop tenté à l'époque comme tous les étudiants et jeunes de mon âge par l’extérieur où je voulais mener des études supérieures de qualité mais n'étant pas un fils de papa, je n'ai fais que déchanter, car les bourses de l'éducation nationale de Mauritanie n 'étaient attribuées qu' à cette catégorie de personnes et par favoritisme. J'avais voulu aller au canada dans la foulée pour continuer mes études, par ce que j'avais reçu des inscriptions de beaucoup d’universités de là bas, notamment à Montréal, au Québec et Trois Rivières. C'est vrai que l''Ucad de Dakar était tout près de chez nous, mais en raison du conflit sénégalo-mauritanien et ses séquelles qui prévalaient et couvaient encore durant cette période il était quasiment impossible de traverser les frontières pour y aller et continuer ses études puisque les relations diplomatiques entre les deux pays étaient suspendues et la tension était encore vive.
De Juin 1994 jusqu’en octobre 2007 j'embrasse la carrière journalistique en Mauritanie où je me consacre exclusivement du desk de la culture. En novembre 2007 je fréquente l'école supérieure de journalisme de Lille. Depuis je m'établis en France.
2-Blog haratine : Vous faites partie des premiers journalistes noirs qui ont travaillé dans la presse Mauritanienne, décrivez nous l’ambiance dans cette presse qui est souvent inféodée avec les différents pouvoirs successifs ? Avez-vous subi des pressions ou du racisme suite à vos articles ?
A.G : Je trouve qu'il y a toujours eu et qu'il y'a encore de très grands noms de la presse mauritanienne, ceux dont je considère comme des monuments, des références et des repères en matière journalistique en Mauritanie, des plumes célèbres, des journalistes respectés et respectables ,des voix ténors de la presse mauritanienne. Je pense par exemple à feu Habib Ould Mahfoud, à Hindou Mint Hainina, à Ould Oumere, à Oumar El Moctar Fall, A Cheikh Haidara, à Amar Fall, à Mbareck Ould Beyrouk, Bah Ould Salekh, jusqu’au tout jeune Babacar Mbaye tout nouvellement arrivé, à Alpha Ngaidé, à Raky Sy et certainement d'autres dont je ne peux tous citer. D'ailleurs j'en profite pour tous les rendre un vibrant hommage d'avoir été les leviers et les pionniers de la presse indépendante mauritanienne, d'avoir voulu et beau essayer de bousculer les consciences quoi que très difficile en Mauritanie. Ceci est quelque chose de vrai et d'indéniable. Mais de l'ère Taya, celle de Ely, de Sidi et du président actuel, tous ces présidents ont d'une façon ou d'une autre continué d'instrumentaliser la presse dite officielle à leur juste cause et ont fait une main basse sur cette presse officielle, surtout, à savoir la radio Mauritanie, la seule qui existe en Mauritanie de l'indépendance à nos jours , la télévision nationale et Horizon.
Tenez on dit que la presse est le quatrième pouvoir dans toute démocratie, après celui de l’exécutif, du législatif et du judiciaire.
Or il se trouve qu'en Mauritanie de l’indépendance à nos jours en dehors de la télévision nationale que feu Habib Ould Mahfoud disait et surnommait télé bidon en raison de son statut inféodé au pouvoir, racial et son caractère pas du tout multi-ethnique et démocratique, il n y a pas jusqu’à ' à nos jours une seule radio libre, une seule télévision libre 52 ans après l’indépendance. Tandis que chez tous nos voisins au sud comme au nord il y en à gogo. Et si donc la presse est le quatrième pouvoir d 'une démocratie en Mauritanie ou il 'existe qu'une presse écrite indépendante sans son corollaire audiovisuelle on peut sans se tromper dire que cette démocratie est handicapée. Je peux dire que moi comme beaucoup d'autres à la presse mauritanienne ont subi et subissent encore de pressions et de racisme en Mauritanie. En juin 1994 un article que j'avais écris suite au reportage effectué dans le village de Dar El Barka, au sud de la Mauritanie était à l'origine de la censure que ce journal avais subi à son numéro 186 je me souviens comme si c'était encore aujourd'hui. Dans ce article et sur ce journal je parlais des terres des paysans qui leurs ont été expropriées au détriment des autres mauritaniens dans les conditions injustes et très honteuses qu'ont subi les populations de ce village durant leur expulsion de la Mauritanie vers le Sénégal durant les évènements 1989. Cette presse mauritanienne, en tout cas officielle, celle du pouvoir de l'indépendance à nos jours est celle- ci qui marginalise toute la culture noire pour être simple que cela soit chez les haratins ou chez autres pulaars, soninkés, wolofs, bambaras. Il faut quand même rappeler que c'est cette marginalisation que vivent tous les noirs de la Mauritanie à la presse officielle qu'est l'un des grands malaises des populations de ce pays à coté autres maux sociaux et économiques que sont l'injustice et la pauvreté des noirs.
3-Blog haratine : Vous avez côtoyé des journalistes haratine qui sont marginalisés par le système hégémonique en Mauritanie, croyez vous à l’identité arabe des haratine et de quel œil le regarde-t-on dans cette presse entre les mains d’une classe qui se considère comme socialement supérieure à eux?
A.G : Personnellement je ne crois pas à l'identité arabe des haratins, c'est en cas mon point de vue personnelle. Toutefois je peux peut être mon tromper sur cette question. Je trouve qu'il reste encore des clichés et des mentalités qui ne sont pas encore disparus définitivement et totalement. Il faut continuer à se battre sur tous les fronts pour un jour en venir à l éradication totale et définitive de certains dogmes et préjugés sociaux.
4-Blog haratine : Le président de l’association des haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E), Mohamed Yahya Ould Ciré disait dans une interview accordée au site des FLAM en 2004 : « Les haratine sont noirs, je suis négro-africain et à ce titre je revendique ma négritude. « Arabe-noir » n'a aucun sens parce qu'il n'y a pas d'arabe noir. Sociologiquement, il n'y a pas d'arabe noir, il y a des arabes qui ont réduit des noirs à l'esclavage et, à ce titre, ils les ont acculturés. Ce sont donc des Noirs esclaves dans une communauté arabe donnée. Le fait de vouloir faire des Haratine des arabes est un prolongement de l'esclavage. Il s'agit d'une nouvelle idéologie pour les maintenir sous le joug des Maures ». C’est quoi votre avis ?
A G :Je trouve qu'il ne puisse pas y avoir de ligne qui puisse séparer les haartins des autres noirs de la Mauritanie. Nous somme tous des africains de la Mauritanie, comme l'on dit aux USA, les africains américains. Des que les uns et les autre comprendront un jour ce qui les unit est beaucoup plus fort et plus important que ce qui les sépare la Mauritanie ira plus de l 'avant et nous serons encore beaucoup plus fort à mener et fonder une nation de démocratie, de justice et d'égalité.
5-Blog haratine : Pourquoi certains intellectuels haalpoular sont animés par une hostilité indescriptible en vers les haratine sous prétexte que ces derniers ont été les bras armés des Beydhane en 1989? Comment se fait-il, les haalpoular n’ont pas fait d’efforts pour anticiper ces événements en aidant les haratine à se libérer du joug de l’esclavage arabo-berbère, les traitant comme des frères non des ennemis surtout en les conscientisant ?
AG: Il m'est très difficile d'apporter des réponses exactes à la place des autres. Ce dont je sais c'est que toute cohabitation est difficile et peux souvent engendrer et emmener de temps à autre des conflits par ci par là , en raison de ça ou de ça. Ici en Europe les grandes nations qui aujourd'hui servent de leçons et de modèles de démocratie ont dans un moment ou dans un autre eu des confrontations douloureuses. Tout passé d'un peuple ou d'une nation est fait de hauts et de bas. Je pense l'essentiel de nos jours c'est de pouvoir resserrer les rangs et relever les défis auxquels la Mauritanie et confrontée.
6-Blog haratine : Certains intellectuels haalpoular considèrent que seuls les communautés haalpoular, soninké, wolof et bambara sont négro-africains, quel est selon vous le sens où l’explication exact du mot négro-africain ?
AG: Personnellement je trouve que les haratins , les pulaars, sonikés, wolofs bambaras sont des négro africains au même pied d'égalité c'est juste une question de terminologie que certains n'arrivent pas à appréhender à son juste titre. Tout noir mauritanien fier de sa race et de sa peau est bien négro- africain, Il n y a pas un X ou un Y qu'il soit pular , soninké, wolof, bambara ou haaratin qui soi plus négro que l'autre.
8-Blog haratine : Comment avez-vous vécu les événements de 1989 ?
AG : Horrible et regrettable. Pendant ce temps c'est vrai j'étais encore jeune, lycéen à Boghé, Mais ce qui est sur c'est que des choses tristes ont dû' arriver à tout le monde. C'était les démons qui avaient soufflé et habiter tout le monde. Souhaitons que ce genre de problèmes ne se reproduise plus ni chez nous ni ailleurs. Rien ne vaut plus que la paix.
9-Blog haratine : Au sein de la société négro-africaine, la féodalité existe depuis des siècles, elle fait partie des coutumes, traditions ancestrales des différentes communautés noires, pourquoi les castés ne dénoncent pas avec vigueur leur aliénation dans le bas échelon de leur communauté qu’on peut qualifier de discriminatoire et contraire aux principes de la liberté, d’égalité et la démocratie qu’aspire tous les peuples du monde?
AG : Moi personnellement à tout moment j'ai voulu me battre pour ce genre de mentalités de féodalités chez les couches du sud pulaar, soninkés mais il fallait bien des canaux pour ça.
Mais je pense qu'avec l'aide du bon Dieu et beaucoup de gens qui sont bien et qui pensent comme moi on arrivera à attaquer ce genre de problème le plus vite possible qui ne sévit qu'en afrique et chez nous en Mauritanie. Je suis très fier de le dire ici jamais à mon interieur ni à mon exterieur ceux qui ne me connaissent ne pourront jamais vous dire ah oui il cultive ce genre d'idées, j'ai toujours été démocrate je l'ai vécu et le resterai.
10-Blog haratine : Le pouvoir du général Ould Abdel Aziz prétend avoir résolu définitivement la question liée aux déportations et les exécutions sommaires des noirs, êtes vous d’accord ?
AG: Non loin de là. Et moi j'en veux plus à cette classe politique négro africaine mauritanienne( pulaar, soninké, wolof, et haartin ) qui épaule le président actuel et son gouvernement qu'au président lui même. Par ce que tous les présidents qui se son succédés à la tête de la Mauritanie n'ont jamais tenu en compte les vrais problèmes de noirs et ceux qui viendront également tant qu'ils seront toujours des beydanes ils ne voudront pas résoudre les problèmes de négro africains. Donc c'est à cette classe politique noire de bouder le pouvoir mauritanien dans toutes ces composantes jusqu'à qu'il y ait une issue favorable.
1-Blog haratine : Vous suivez l’association des haratine de Mauritanie en Europe (A .H.M.E) depuis un bon bout de temps, comment jugez vous ces activités et êtes vous prêt à rejoindre cette association ?
AG: Je trouve AHME être fondamentalement en phase du monde et avec de la démocratie. Elle mène un travail de titan en Europe. Il reste qu'elle ait un écho favorable auprès des populations surtout noires de la mauritaniennes. Par ce que celles -ci sont occultées de la réalité de la Mauritanie et du monde par la radio et la télévision de Mauritanie qui désinforment et désorientent.
12-Blog haratine : Pourquoi la presse Mauritanienne censure tout article qui traite en profondeur la question liée à l’esclavage des haratine ? Selon vous le racisme et l’esclavage sont ils indissociables ?
AG : Moi Tout ce qui participe au triomphe de la liberté des personnes, à la justice, et de la démocratie pour le bonheur du monde et à commencer par et pour mon pays je n'hésiterai pas une seule séconde. Je suis pret à me mouiller et me tremper pour toute cause juste et noble pour le meilleur et le bon devenir de l'humanité.
13-Blog haratine : Avez-vous un message à adresser aux lecteurs, où un dernier mot ?
AG: Unissons nous malgré nos différences, à l'intérieur comme à l'extérieur pour nous libérer du joug d'une classe politique mauritanienne actuellement au pouvoir qui nous instrumentalise et nous confronte les uns des autres, nous divise juste pour ses intérêts économiques et sa pérennisation au pouvoir et au sommet de l'état.
Merci Aziz GUISSE d’avoir accepté de répondre à nos questions.
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