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mardi 8 mai 2012

Patience, Al Yasser*… !


Après la prière du milieu de journée (Edhouhr) de ce samedi, lendemain de l’autodafé de Ryade, l’Imam de la mosquée de mon quartier s’est levé et a demandé aux fidèles « de ne pas se disperser tout de suite car le Préfet de la Moghataa (Arafat) va envoyer des véhicules pour transporter ceux qui le souhaitent à la Mosquée Ibn Abbass d’où va s’élancer une manifestation en direction du Palais Présidentiel pour dénoncer l’incinération des ouvrages et exiger le châtiment des coupables… ». Les véhicules sont bien arrivés mais peu de monde les attendait et nombre d’entre eux sont rentrés à vide et d’autres chargés de mineurs essentiellement de la parentèle de l’Imam.
C’est ainsi qu’a été « organisée » la fameuse manifestation « spontanée »…Des moyens considérables que l’Etat a mobilisés pour transporter des populations jusqu’au cœur de la Capitale. Une comédie dont les conséquences n’ont pas toutes étaient calculées ni prévues par nombres de personnes qui y ont pris part. L’Etat a mobilisé ses Imams, ses mosquées, ses Uléma, sa Télévision, ses Radios et ses réseaux de renseignements pour cette ignoble besogne… Certains Imams ont refusé de marcher dans cette combine et de mettre à la disposition d’une telle entreprise contre nature les « Maisons de Dieu ». Ils ont dû, en contrepartie, renoncer à toucher les pesions que leur verse l’Etat. C’est le prix à payer pour la rectitude dans ce pays.
Loin donc d’être spontanées, la marche de samedi répondait à un impératif de survie de Ould Abdel Aziz dont le trône commençait à vaciller jusqu’au moment où on lui offrit, sur un plateau d’argent, l’occasion rêvée de se ressaisir. Il sauta alors sur l’occasion qu’il exploita sans vergogne ni retenue. Il arriva ainsi à détourner l’attention des gens de leurs problèmes réels, de la misère et de la pauvreté mais aussi de l’incurie de son administration et de son incapacité à résoudre les difficultés d’un peuple d’analphabète.
En effet depuis la semaine dernière, la Mauritanie aurait cessé de souffrir de la sécheresse, du chômage, du blocage politique, des risques sécuritaires à l’intérieur et à l’extérieur du pays… Tous ces problèmes se sont envolés, partis en fumées en même temps que les livres de jurisprudence musulmane dont l’autodafé était devenu l’unique problème des Mauritaniens. 
Le chef de l’Etat était sorti à la rencontre des manifestants. Il leur promit d’appliquer la Chariaa Islamique… Pourquoi ne l’avait-il pas appliqué à son fils Badr ? Pourquoi n’était-il pas sorti à la rencontre des « Diplômés Chômeurs » venus lui demander audience au lieu de lâcher contre eux sa meute de chiens de garde pour les déchiqueter avant de les jeter en prison ? Pourquoi n’a-t-il pas autorisé l’Opposition à manifester et à se diriger vers le Palais où il aurait pu lui annoncer qu’il va appliquer la Chariaa à l’encontre des laudateurs hypocrites parmi les ministres incapables de gérer les universités et les établissements d’enseignement supérieurs où on s’oriente vers une année blanche ?
Oui, une marche encouragée et suscitée par le Pouvoir, composée pour deux gros tiers d’agents de renseignements et d’Imams en service commandé a été accueillie par le Chef de l’Etat qui promit à ses participants ce qu’ils voulaient entendre c'est-à-dire de châtier Biram ! Non par respect à l’Islam  ni par indignation devant l’autodafé mais pour venger Ould Neini derrière lequel Biram refusa de prier à l’ambassade des Etats Unis… Pour venger la famille Ehel Hassine à laquelle Biram enleva le petit Saïd préférant l’envoyer à l’école quitte à laissant en déshérence, sans berger, le troupeau de dromadaires dont le petit esclave avait la garde. Biram enleva à la même famille le jeune Yarg et envoya en prison son ainé pour plusieurs mois en application à la loi incriminant un esclavage que Ould Abdel Aziz affirme, à la télévision et la radio, qu’il n’existait point en Mauritanie au vu et au su de M’Barka Mint Essatim qui l’écoutait depuis la cuisine de ses maîtres… Ce fut aussi pour venger Cheyakh Ould Ely et les notables et députés issus de sa tribu et de celle des Ehel Khanvour… la liste est longue.
C’est là l’histoire de cet autodafé devant lequel l’Etat a agi en mettant en branle ses moyens et dévoilé sa nature raciste, exclusiviste et hautaine lâchant la bride à ses Uléma de service pour nier aux H’ratine toute instruction, en leur rappelant leur place sur l’échelle de la société mauritanienne. Ce fut le rôle dévolu à la Radio Nationale pendant toute la semaine dernière au point que, même les rues, les salons climatisés et les bureaux capitonnés  commençaient à puer le racisme. Tout cela parce que « l’ennemi des Bydhane (esclavagistes) » était tombé dans un piège qui le transforma en une bouée de sauvetage tendue au régime des Généraux.
Il n’était pas avisé de brûler des livres, même si les livres brûlés avaient été utilisés pour envoyer des êtres humains, innocentes créatures du Bon Dieux, vers l’échafaud.  Il ne fallait pas les incinérer. Il aurait été plus intelligent de les combattre par d’autres livres, par des arguments dénonçant aux yeux du monde leurs mensonges. C’est là la meilleure façon de « brûler » leur contenu, les avis erronés qu’ils contiennent…tout en préservant les Saintes Ecritures et les Hadiths authentiques qu’ils recèlent. Les livres n’auraient pas dû être brûlés même symboliquement… Ils auraient dû être épurés, débarrassés des fatawa douteuses et avis tendancieux ; ainsi purgés ils auraient pu servir à d’autres personnes.
Par contraste, il est étonnant qu’aucune manifestation n’avait été organisée pour dénoncer la diffusion par Radio Coran de la conférence d’un érudit saoudien qui engageait ses fortunés concitoyens à acheter des esclaves en Mauritanie…Il n’y eut aucune manifestation contre cela pour cause que les livres qui ont été brûlés autorisaient la vente, en pièces détachées (l’un de ces livres autorisait de vendre l’un des bras d’un esclave et pas l’autre, ndlr), d’un esclave… !
Des manifestations auraient dû parcourir les rue de Nouakchott quand un journaliste, sur la chaîne saoudienne Errissala, affirma que son rédacteur en chef avait reçu, en guise de présent, une petite esclave de Mauritanie. Des mesures auraient dues être prises pour récupérer cette concitoyenne et punir celui qui l’avait « brûlée », l’avait séparée des siens et exilée en se basant sur l’exégèse d’Eddoussoughy et El Hattab, auteurs de certains des livres donnés aux flammes.
Des marches auraient dû être organisées quand le Chef de l’Etat se vantait, à Nouadhibou, de sa paillardise. En effet les livres détruits par le feu soutiennent qu’est paillard celui qui se rase la barbe ! A cette occasion Ould Abdel Aziz s’était aussi moqué des poètes et tourné les vieux en dérision.
Il était, de ce point de vue, inacceptable de substituer quiconque au Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui fut le premier président de la République qui fit ses prières à la Grande Mosquée. Son plus grand péché était d’avoir refusé de mentir au peuple comme le fait le gouvernement actuel…à longueurs de discours et à grand renforts de promesses jamais tenues. Si le ressort des manifestations de ces derniers temps était réellement l’attachement à la religion alors nous aurions dû soutenir celui qui la défendait et la vivait dans ses paroles et dans ses  gestes.
Aucune manifestation n’était sortie pour dénoncer la volonté d’Isselmou Ould Sidi Elmoustaph, alors ministre, de transformer les mosquées, où dorment des livres sacrés, en vulgaires et lucratives boulangeries ni quand Ahmedou Ould Meyh avait offert le Saint Coran à Ould Taya, chantre de l’hypocrisie, en le qualifiant le Livre de « modeste présent ». Personne n’a protesté non plus quand les âmes des négro-africains de Mauritanie avaient été enlevées en plein mois béni du Ramadan !
Personne n’avait levé le petit doigt quand les Sionistes avaient foulé le sol du pays du « Minaret et du Ribatt » et y ont séjourné jusqu’au renversement du président civil par Ould Abdel Aziz qui se servira de la carte de la rupture avec Israël comme moyen d’amener les Mauritaniens à se ranger derrière lui.
Les violentes attaques que subit Biram aujourd’hui n’ont rien à voir avec l’amour ou la défense religion ni de la Vérité. Il s’agit d’un bien mis au service d’un mal. Biram a toujours adopté un style de combat qui a le mérite d’indisposer tout le monde : les maîtres d’esclaves, les féodaux et les bourgeois, c'est-à-dire les principaux soutiens du Pouvoir. Voilà que tout ce beau monde trouve une occasion en or de pousser Biram vers la faute et de régler ses comptes avec lui. Le piège dans lequel Biram est tombé est tellement efficace que les simples gens n’arrivent pas à le distinguer et ont du mal à éviter, eux aussi, de tomber dedans. Le seul bénéficiaire demeure le Pouvoir. On sait, par exemple, que lors des interrogatoires les militants seront très peu questionnés sur l’autodafé mais beaucoup sur la « Caravane d’Inal »…
Un rapide retour sur l’histoire de ces pouvoirs croupis montrera que d’autres valeureux fils de ce peuple avaient, par le passé, affronté des accusations plus graves avec des conséquences beaucoup plus terrifiantes. Les mêmes ressorts y ont été activés. Campagnes de dénigrement, calomnies, surenchères. Ainsi, d’après les planificateurs de l’ignominie, quand un « fou » tombera sur Biram et le tuera ce ne sera que justice. Justice anonyme. Justice exécutée en réponse aux vœux, relayés par la Télévision de la honte, du Chef de l’Etat. Ainsi seraient exhaussés les vœux du Président des Pauvres, Serviteurs de la Religion et Défenseur dévoué du rite de la Malikya. Le Pouvoir a planifié ce qui arrivera à Biram et il aura ainsi fait d’une pierre deux coups : se débarrasser d’un opposant encombrant et inflexible et venger Mint Bekkar Vall, Ehel Hacin, Ehel Elveyjih, Ehel Khanvour et Ehel Bowa en neutralisant un irréductible ennemi qui les avait dépossédés de leurs esclaves… seul source de revenu pour eux.
Biram et ses compagnons ont-ils fauté ? Si tel était le cas, il suffit de les traduire devant la Justice et laisser cette dernière suivre son cours en toute indépendance. Mais comment la Justice pourrait-elle être indépendante après les consignes fermes et explicites données par le Chef de l’Etat en Conseil des Ministres pour que la sanction soit exemplaire ?
Il faudrait que cessent les campagnes de diffamations et de calomnies dont on nous abreuve jour et nuit  à la télévision et à la radio. Ces campagnes donnent à cette affaire un aspect particulier qui ne sert pas l’unité nationale et la cohésion sociale auxquelles nous sommes tous très attachés. Il y a, sûrement des sadiques qui veulent se venger contre Biram. Il y’en a aussi qui voudraient  profiter de la veille médiatique pour attirer l’attention sur leur personne et empocher quelques dividendes sous forme sonnantes et trébuchantes ou de nominations. Mais il y a aussi et surtout des milliers de Mauritaniens qui sont choqués par l’autodafé et sont réceptifs au discours que distillent radios et télévision à longueur d’émissions, d’interviews jusqu’au fin fond de leur maison et de leu échoppe… !
Nous sommes gavés de ces discours, Fatawa, prêches et rapports de presse qu’on nous déverse de partout sans jamais donner la parole aux accusés pour s’expliquer ou s’excuser. Il parait que le but ultime de tout ce cirque est de nous entrainer vers des dérapages incontrôlés… mais ne comptez pas sur nous pour cela… nous prendrons notre mal en patience et continuerons à espérer… comme le firent Al Yasser !
Brahim Ould Abeid

Patience,  Al Yasser…! “Al Yasser” veut dire les « gens de Yasser ». Il s’agit de la première famille mecquoise à avoir rendu publique son adoption de l’Islam. Yasser, son épouse et leur fils Amr ont enduré tortures publiques et mauvais traitement, de la part des Koreychit, sans jamais renier leur nouvelle religion. Pour les encourager, le Prophète (PSL), leur dit : « Patience, Al Yasser, vous irez aux Paradis ».
  

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