Pour revenir encore et encore sur ce que les médias ont appelé
l’affaire « Aziz-Mamère », un éditorialiste de chez nous est allé
chercher très loin, des « sentiments mitigés » provoqués par deux faits
qui n’ont rien à voir avec l’actualité brûlante de chez nous : La
libération des otages français par la secte islamiste Boko Haram et
l’attentat de Boston.
Acte heureux, d’un côté, et malheureux, de l’autre, certes, mais ils ne
sauraient occulter chez, nous, la grève des dockers du Port autonome de
Nouakchott dit Port de l’Amitié, et la sévère répression des forces de
l’ordre qui s’en est suivie.
Il y a un sentiment de révolte quand on voit que les médias et les
réseaux sociaux qui, habituellement, saisissent la moindre
manifestation, le moindre cri de protestation d’un individu dépossédé
d’un terrain à usage d’habitation, pour l’amplifier à outrance, n’ont
que très peu accordé de l’importance au désarroi de ces dockers, noyés
dans un déluge de gaz lacrymogène, blessés et arrêtés parce qu’ils
refusent d’être – toujours – « les esclaves des temps modernes », pour
emprunter une expression d’Albert Memmi. On préfère évoquer le
« mépris » qu’ont les médias occidentaux pour les dirigeants et pays
africains, disant qu’on peut bien parler de l’un en pensant à l’autre,
plutôt que dénoncer (ou au moins s’interroger) sur l’usage excessif de
la force contre des dockers qui manifestaient pour demander de
meilleures conditions de vie et de travail. Et qui pensaient que le
« président des pauvres » allait leur envoyer l’un de ses conseillers
pour leur dire que leurs cris de détresse ont été entendus, et non pas
des gendarmes et des gardes qui ne connaissent que le langage de la
force.
Les incidents du PANPA tirent pourtant l’alarme sur les dérives
possibles. Les menaces proférées par l’un des meneurs de la grève
donnent froid au dos. Elles sonnent plus fort, plus vrai, que celles que
la Coordination de l’opposition démocratique (COD) a jusque-là
prononcées. « On a compris maintenant que les haratines, les esclaves ne
sont rien ». Personne ne s’occupe d’eux dans un pays où ils se sentent
désormais comme « les damnés de la terre » de F. Fanon. Ils ne doivent
compter que sur eux-mêmes pour obtenir leurs droits de citoyens. Ils le
comprennent maintenant, et ils le disent. Naïvement, l’un d’eux déclare
qu’ils ne sont plus enclins « à décharger des marchandises pour Mohamed
Ould Cheïkhna », l’ancien commandant de l’armée et ancien putschiste au
sein des « Cavaliers du Changement » devenu patron du très juteux Bureau
d’embauche de la main d’œuvre portuaire (BEMOP) que les dockers rendent
responsable de leur calvaire. Lui et les intermédiaires.
Le pouvoir doit comprendre que les revendications sociales sont plus
dangereuses, plus pernicieuses, que les oppositions politiques. Surtout
quand ceux qui manifestent appartiennent à une seule catégorie sociale
et que leurs revendications ramènent au dehors des réminiscences d’un
passé qui est encore présent.
Sneiba
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