« S’il n’y a pas d’intervention au Nord
Mali, c’est le désastre ». Ainsi se terminait, le 10 janvier 2013, à la
veille de l’initiative militaire française, le télégramme diplomatique de
l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer. Trois mois plus tard et cinq
cent « terroristes » abattus, la France peut se féliciter d’avoir
mené une « blitzkrieg », une guerre éclair, aussi efficace que
peu meurtrière (cinq morts du coté français). Au point de rapatrier déja, la
semaine passée, cent vingt des quatre mille soldats de la force
d’intervention.
Le péril
djihadiste est-il, pour autant, éradiqué au Sahel? La bataille gagnée par la
France est-elle plus qu’un mirage? Rien n’est moins sur. « A peine les
militaires français seront partis, les extrémistes vont revenir. Et les
trafics, notamment celui de la drogue, vont reprendre, en rendant
totalement aléatoire tout espoir de stabilité dans cette zone », constate
le mauritanien Ahmedou Ould Abdallah, représentant de l’ONU en Afrique de
l’Ouest, puis en Somalie, entre 2002 et 2010.
Intraitable,
François Hollande estime que les élections au Mali doivent se tenir
impérativement en juillet prochain pour redonner « une légitimité
démocratique » à l’ Etat malien, largement discrédité depuis le coup
d’Etat du capitaine Sanogo. Ces louables intentions du président français se
heurtent à l’impréparation des autorités maliennes. Ainsi l’appel d’offre lancé
pour la fabrication de 6, 4 millions de cartes d’électeurs n’a toujours pas été
attribué. Encore faudra-t-il, demain, distribuer ces papiers dans 25000 bureaux
de vote, sans compter les 400000 réfugiés qui ont fui le pays. « Mieux vaut
attendre que de procéder à des élections qui seraient contestables »,
tranche un diplomate français.
L’ancien
ministre malien des finances, Saumaila Cissé, candidat déclaré aux prochaines
présidentielles, est plus que réservé sur l’échéance de juillet
« Les touaregs du MNLA sont toujours armés, regrette-t-il, et l’armée
malienne ne pénètre toujours pas dans certaines villes du Nord Mali». Reçu à
l’Elysée, cette personnalité n’a guère été entendue.
Il y a plus
grave. La fixation de occidentaux, ces derniers mois, sur les exactions d’Aqmi
a masqué les dérives qui, depuis longtemps, nourrissent tous les
extrémismes dans le Sahel: une corruption endémique, des trafics
innombrables, dont en premier lieu la cocaïne venue d’Amérique du Sud; les
tentations séparatistes et les fractures ethniques; une façade démocratique et
des élites décapitées. « Le bilan au Mali de ces dernières années est
catastrophique, explique un diplomate français : pillage généralisé,
laxisme, impunité ». Contrairement à son voisin malien, la Mauritanie
passe aux yeux des Français pour un allié sur et un rempart contre l’intégrisme
-un air connu, trop connu. Or aujourd’hui, ce pays connus par les seuls
amoureux de trekking dans le désert, reproduit les mêmes dérives que son voisin
malien, notamment en termes de prédation des ressources (voir l’encadré,
« Main basse sur Nouakchott »).
Sur le plan
religieux, les Frères Musulmans, financés par le Golfe, étendent leur influence
en Mauritanie comme dans toute la région. « Nous avons perdu la tolérance
des nomades que nous étions, explique un ancien ministre mauritanien des
Affaires Etrangères, Désormais, des mosquée ont été édifiées tous les 500
mètres, les Frères musulmans investissent le champ humanitaire. Même la police
et l’armée sont infiltrées ». Cet hiver, la plupart des Imams
mauritaniens, même contrôlés par le pouvoir, prirent vigoureusement position
contre l’initiative française. Au point que le président Aziz, qui depuis le
printemps arabe craint l’embrasement populaire, s’est bien gardé d’envoyer le
moindre contingent aider son allié traditionnel.
Le rempart
contre l’extrémisme est un peu fissuré !
Nicolas Beau
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