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mardi 30 avril 2013

Lettre ouverte au Président de la République



"Monsieur le Président, n'oubliez pas que l'impunité contribue beaucoup à alimenter la violence" !

Je me permets, Monsieur le Président, de vous écrire cette lettre pour rappeler cette  triste réalité : la criminalité est en forte augmentation dans le pays. Nouakchott et Nouadhibou concentrent toutes les formes d’actes criminels. Et le summum de l'horreur a été atteint avec le meurtre de Penda Soghé, une fille de 23 ans, martyrisée par trois jeunes hommes. Sans oublier le crime perpétré sur des enfants à Atar. Un crime s'ajoutant à d'autres actes qui endeuillent presque chaque jour nos grandes villes. Monsieur le Président, sachez que ces crimes répétitifs plongent la Mauritanie dans la peur : rues, marchés, taxis, écoles, administrations, entreprises, routes entre les villes, plage, désert, etc. C'est la psychose ! C'est la méfiance ! C'est la peur de rencontrer des kidnappeurs, des assoiffés sexuels, des voleurs, des tueurs de sang froid !  Il ne passe pas un jour sans que l'on annonce des actes d'agression et dégradants à l'encontre des femmes : gifles, coups de pied, insultes, vol à l’arrachée,… ! Pire : elles sont kidnappées, elles sont violées, elles sont tuées !  

Monsieur le Président,

Je vous fais part de ma grande indignation face à cette explosion de la criminalité. Je suis un citoyen et soucieux du devenir de mon pays. Je ne représentante aucun parti politique ou un organisme. De ce fait, il est de mon devoir de dire la vérité, car dire la vérité est un devoir de chaque citoyen ! Monsieur le Président, sachez que les criminels utilisent une arme de destructive massive : le viol. À cela s'ajoutent une parole violente, des coups de poings, des harcèlements sexuels dans les bureaux, à l'école, aux marchés, dans la rue,...  Évidemment, tout cela crée des traumatismes à vie chez la victime.  Et puis, il y a un énorme manque de communication dans notre société, malgré l'étroitesse des liens familiaux, amicaux, sociaux.
Sachez, Monsieur le Président, que l’État (garant de la sécurité des personnes et des biens) brille par des lenteurs agaçantes ! Aujourd’hui, la famille mauritanienne est caractérisée par le relâchement en matière d’éducation et de transmission de savoir-vivre ! L'école n'est plus le "laboratoire" du civisme! Les leaders d'opinion (marabouts, oulémas, sociologues, …) s'illustrent par un silence qui frise la complicité ! Bref, la Mauritanie est une société où chacun se renvoie la responsabilité. 

Monsieur le Président,

Le Mauritanien ne se reconnaît plus (ou il ne s'est jamais reconnu) tant ses repères sociaux et moraux se brouillent comme peau de chagrin. Une situation qui laisse place à un sentiment d'abandon et d'aliénation se traduisant par le repli sur soi, la peur de l’indifférence, les passions communautaires,… Donc la violence ! Qui dit violence, dit inhumanité. La criminalité en est la forme physique. Il est temps de que l'État mette en place des lois pour criminaliser ces actes odieux.  Et vous devez les appliquer afin que les auteurs de ces actes soient tenus responsables. N'oubliez pas que l'impunité contribue beaucoup à alimenter la violence. Je vous demande, Monsieur le Président, de reconnaître que cette décadence est la conséquence de la misère affective, de la précarité, de la fracture sociale, de la perte des repères moraux, de la marginalisation, etc. Force est de constater que les femmes sont les premières à souffrir d'une société malade. Une société où les jeunes sont déboussolés, des jeunes qui n’ont pas d’arguments que la violence, des jeunes qui se sentent laisser sur le bord de la route. Bref des jeunes exclus par une société où l’égoïsme, le mépris, le laisser-aller montent en flèche! Alors, Monsieur le Président, n'oubliez pas que les femmes mauritaniennes (et partout en Afrique) se sacrifient au quotidien pour défendre leurs droits. 

Monsieur le Président,

Sachez que vous êtes le premier citoyen de ce pays. Et le devoir vous incombe de prendre position pour mettre fin à ce cycle de violences faites aux femmes. Comme l'a si bien dit Hillary Clinton : "Il est temps pour nous tous d'assumer notre responsabilité d'aller au-delà de la condamnation de ces comportements et de prendre des mesures concrètes pour y mettre fin, de les rendre inacceptables, de reconnaître qu'ils ne sont pas culturels mais criminels". Cela dit, la femme mauritanienne a le droit de dire "NON" au mépris, à la marginalisation, à l'exploitation sexuelle, etc. Ainsi, elle offre un regard complémentaire, une expérience que l'homme n’a pas. Elle est mère, elle est conjointe, elle est fille, elle est sœur, elle est nièce… ! Et nous n'avons pas le droit de la salir, de l'humilier, de la harceler, de la piétiner. En un mot, de la tuer !!!  

Monsieur le Président,

La société mauritanienne cherche un équilibre ; une société qui passe d’un extrême à un autre. D'où la nécessité de créer une synergie des forces pour construire un équilibre qui porte la pérennité du respect de la femme, de nos mères, de nos sœurs, de nos filles. C’est aussi aux femmes et aux hommes de refuser avec courage et dignité que leurs enfants reçoivent une éducation de violence. Respectons les femmes pour que nos enfants reçoivent une éducation porteuse d'équilibre, de bien-être, de vie et d'avenir.
Je vous demande, Monsieur le Président, de prendre en compte que les femmes mauritaniennes ne trouvent pas suffisamment d'ouverture à l'écoute de leurs souffrances, autour d'elles, au sein de la société qui manque de moyens pédagogiques, et de formation adaptée. Il est temps de donner des images saines et positives de la femme mauritanienne en politique et à travers les médias. Sachez, Monsieur le Président, qu'être féministe aujourd’hui est un acte conscient de citoyenneté. Si nous laissons faire, la femme ne sera plus libre en Mauritanie et nous aurons perdu beaucoup d'énergie pour défendre les droits des femmes.                                                                                                                                                                                             

Hussein Thiam,
Nouadhibou

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