L’Initiative pour la résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie qui avait présenté des cas d’esclavage devant les autorités mauritaniennes compte porter plainte contre l’Etat mauritanien. Son président Birame Ould Dah Ould Abeid explique les raison de ce projet et réagit sur d’ »autres questions d’actualité : la création de l’ANLSERLP (agence nationale de lute contre les séquelles de l’esclavage, pour la réinsertion et lutte contre la pauvreté), les enregistrements concernant le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, etc.
Vous envisagez de porter plainte pour un cas d’esclavage que
vous avez présenté la semaine dernière et à propos duquel votre organisation
IRA a eu quelques échauffourées avec les autorités. Alors, où en
êtes-vous ?
Birame Dah Ould
Abeid :
Mais c’est faux ! On n’a jamais eu d’échauffourées avec la police. Ce sont
les media esclavagistes qui distillent des informations fausses et
diffamatoires qui visent à porter préjudice à l’image de notre organisation qui
est pacifique et non violente dans sa contestation. Le 28 mars passé les
militants d’IRA ont été purement et simplement attaqués par des unités de
police armées jusqu’aux dents et qui les ont tabassés et inondés de bombes
lacrymogènes et assourdissantes. Il ya eu 5 arrestation et 11 blessés parmi nos
militants. Nos militants arrêtés, ont
été libérés au bout de 72 heures après avoir subi tortures et humiliation de la
part des commissaires de police et tortionnaires attitrés que sont le
commissaire Damess Ould Lekbed et
l’inspecteur Amadou Mbodj.
Et votre plainte alors ?
BDA : Notre plainte ne concerne pas seulement cette affaire
d’esclavage qui n’est que le côté visible de l’iceberg. La plainte est en cours et nous la portons
contre l’Etat mauritanien qui continue à bafouer les lois nationales et constitutionnelles de
la Mauritanie, lois qu’il avait édictées lui-même contre l’esclavage. Le gouvernement mauritanien, que dirige le
président Mohamed Ould Abdel Aziz, continue à enfreindre avec un mépris
extrême, les conventions et normes internationales ratifiées par la Mauritanie.
Ainsi de nombreuses familles issues des groupes arabo-berbères dominants
continuent-elles à pratiquer le crime abominable de l’esclavage par ascendance
(être esclave parce que fils d'esclave), sur
des Hratin(communauté servile, plus de cinquante pour cent de la
population totale). De nombreux auteurs de ces crimes (travaux forcés et sans
rémunération, viols, châtiments et mutilations corporels, exploitation des mineurs et mise en péril de
scolarité..ect) furent arrêtés grâce à l'intervention des militants d'IRA.
Mais, à chaque fois et malgré les preuves irréfutables étayant leur
culpabilité, ils furent tous, purement
et simplement libérés par le ministère public. Jamais ils ne furent
traduits devant les juridictions
compétentes pour subir les sanctions prévues. Quant aux victimes, elles ont à
chaque fois été abandonnées à leur sort
dans un dénuement total après avoir trimé toute leur vie sans aucune contrepartie et contre leur gré pour
leurs bourreaux.
Vous dites d’abord le Président en parlant de Mohamed Ould
Abdel Aziz, ce qui ressemble à une reconnaissance de son autorité. Ensuite,
vous lui faites porter la responsabilité de l’impunité des présumés coupables
d’esclavagisme. Ne pensez-vous pas plutôt que c’est à la justice de faire son
travail et non le président qui est le chef de l’exécutif ?
BDA : non, non ! Les cas d’esclavage ne sont jamais arrivés
devant les juges assis. La majeure partie de ces graves affaires ont été
classées sans suite par le parquet acquis quasi automatiquement aux
esclavagistes et les rares affaires dans lesquelles le ministère publique
décide d’inculper les contrevenants, grâce à la mobilisation et au bruit que
fait IRA, les coupables sont libérés pour de bon au bout de quelques jours de détention. C’est au niveau du parquet que tout se
décide ; c’est devant le procureur de la République que toutes ces
affaires ont été éteintes. C’est faux cet alibi qui selon les proches du
président Ould Abdel Aziz, c’est une justice indépendante qui a libéré les
présumés esclavagistes ; ils cherchent
à se disculper en nous faisant croire à l’indépendance de la justice. Et
puis l’indépendance de la justice l’Etat ne songe à l’invoquer que dans le
domaine de l’esclavage, mais en sous
main, ils donnent l’ordre au juger de libérer les criminels. Après ils diront publiquement que c’est la
justice qui a fait son travail alors que tout ce qui se fait dans les affaires
d’esclavage viole ouvertement la loi pour éviter de l’appliquer. Il s’agit là
d’un formatage, d’un complot.
Mais au delà de ça, n’êtes vous pas en train de changer de
discours par rapport à Ould Abdel Aziz lorsque vous indexez son entourage ou
ses proches en disant clairement que des groupes aussi bien dans
l’opposition que dans son entourage l’ont fait reculer lorsqu’il a essayé de
gérer cette question d’esclavage ?
BDA : Je n’ai pas dit qu’il a
géré ces questions ! J’ai dit qu’il a tenté. Et on a vu que le
pouvoir a tenté à travers l’interpellation et la mise en examen de criminels
d’esclavage. Mais très vite le gouvernement s’st racheté auprès des
esclavagistes. Le pouvoir s’est racheté auprès de ces esclavagistes en
s’empressant de donner l’ordre de libérer les coupables et partant en sévissant
contre les abolitionnistes. Ceci est en réponse à la pression des groupes
dominants arabo berbères qui continuent à investir le pouvoir et à le
dominer. Et je pense toutefois que le président Ould Abdel Aziz est au
courant de toutes ces affaires. Avec son
entourage, ils ont pris des options électoralistes, ethniques et racistes pour
le traitement de ces problèmes de la manière qui arrange le plus, les segments
dominants, les grands électeurs et bien sûr ceci ne peut être obtenu qu’au
détriment du droit et des victimes. L'impunité des crimes d’esclavage et la
protection que l’Etat offre aux esclavagistes est une option politique du
pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz et de tous les régimes qui se sont succédés
en Mauritanie jusqu’à nos jours. Cette impunité
a bénéficié à toutes les catégories ethniques et sociales des
esclavagistes. Pourtant, la plupart des bénéficiaires de cette impunité sont au
service d'un Etat censé avoir signé la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme et du Citoyen. A titre d'exemple, je peux citer: Rahma mint
Legreyve, cadre au ministère mauritanien de l’Education Nationale, Mohamed
Salem ould Mohamedou ould Aguigah, homme d’affaires, Moulaye ould Bohdel, cadre
au Ministère des Finances et son épouse Khadijetou mint Bohdel dite Yemhelha,
cadre au Ministère de la Justice.
Devant quelles juridictions devra atterrir votre
plainte ?
BDA : Nos plaintes atterriront auprès des instances
internationales parce que la Mauritanie
a signé et ratifié des lois et conventions internationales comme celle contre
la torture et la traite des personnes. Les mécanismes en la matière nous
permettent d’accrocher l’Etat partie qui
minimise la portée des conventions ou enfreint ses engagements; la récidive et
l'arrogance constituent ici des circonstances aggravantes.
Qui sont les avocats
qui vous soutiennent ?
BDA : Ils sont nombreux au
barreau de Nouakchott et parmi les
associations d’avocats de par le monde. Ce sont-là des partenaires
qui s’engageront avec force et disponibilité à nos cotés. Il y a nos
avocats également dont Maitre Ould Deyhi, membre du Bureau Exécutif de l’IRA et avocat à la Cour, Maitre El Ide
Ould Mohamedn et Me Bah Ould Mbareck, tous deux avocats au barreau de
Nouakchott. Il y a également l’ISLP qui
est une institution internationale d’avocats volontaires. Cette organisation
internationale d’avocat est basée à Paris et New York et compte parmi nos
partenaires. Elle va aussi entrer en action.
Bien tout ceci coïncide avec la création d’une agence
qui selon par l’Etat mauritanien est destinée à la lutte entre autres des
séquelles de l’esclavage. Certains considèrent que la création de cette
agence sur les centres d’une autre, l’ANAIR, destinée elle à la prise en charge
des déportés revenus au pays, risque de créer des problèmes entre communautés
harratines notamment et négro-africaines. Quelle est votre lecture au
niveau de l’IRA de la création de l’Agence pour la lutte contre les séquelles
de l’esclavage et pour la réinsertion ?
BDA : Cette institution, bien que
figurant sur la liste des mesures que le mouvement abolitionniste a toujours
réclamées au près des pouvoirs publics et des partenaires internationaux,
reste néanmoins une mesure secondaire et fatalement infructueuse si d’autres
orientations urgentes et indispensables n'étaient pas simultanément prises et
engagées. Il s’agit premièrement de la reconnaissance claire et
non-équivoque par le gouvernement mauritanien de l’ampleur des pratiques
esclavagistes au sein la société, deuxièmement de l’application effective
et résolue par les pouvoirs publics et les tribunaux des lois et normes
punissant l’esclavage, troisièmement de l’abolition du code de l'esclavage
véhiculé dans les référentiels constitutionnels et de droit en Mauritanie que
représentent des manuels écrits au moyen-âge musulman et qui continuent à être
à la base de la formation des juges, des officiers de police judiciaire, des
imams et des érudits dans ce pays et quatrièmement de l'engagement
d'une enquête nationale indépendante dont l'objectif est de quantifier
l’esclavage sous toutes ses formes en Mauritanie.
Et par rapport au fait que cette agence se crée juste
au moment où est dissoute l’ANAIR ?
BDA : Il est regrettable que cette
agence soit instituée sur les décombres de l’agence pour la réinsertion des
Mauritanien qui ont été expropriés, radiés et déportés pendant la tentative de
génocide qui a endeuillé les noirs entre 1986 et 1992 ; il est aussi à
déplorer que la création de cette institution soit une occasion pour le pouvoir
de mettre en avant, dans les médias publics, les pelotons de laudateurs, des
spécialistes du mensonge et du faux témoignage, qui rivalisent de zèle,
insultent les abolitionnistes et nient les pratiques esclavagistes ; par
ce procédé fait de fanfaronnades et de diabolisation, le gouvernement
mauritanien fait perdre ici une occasion importante pour un dialogue
constructif entre organisations anti-esclavagistes et pouvoir en place dans le
pays ; nous considérons que c’est le comble de la malhonnêteté et de
la mauvaise foi que les autorités mauritaniennes se servent de la création de
cette agence comme couverture et diversion pour perpétrer une série de mesures
d’élargissement illicite de prévenus esclavagistes ainsi que des actes
d’agression, d’arrestation et de torture contre des militants
anti-esclavagistes.
Cette agence est dirigée par l’ancien ministre de la
Communication. Et certains groupes harratines ont contesté cette
nomination. Où vous situez-vous par rapport à ce fait ?
BDA : A mon avis, la tare
congénitale de cette agence demeure la nomination à sa tête de Hamdi ould Mahjoub.
En effet, le désormais ancien ministre de la communication de Mohamed ould
Abdel Aziz, est un homme qui détient de loin le palmarès le plus exécrable
parmi tous les activistes pro-esclavagistes en Mauritanie et Dieu sait
qu’ils sont légion. Cet homme a été le premier des ministre de la
communication de Mauritanie à avoir publiquement orchestré une mise en
scène mensongère et indigne sur les écrans de la télévision officielle le 13
décembre 2010, pour justifier ma propre arrestation et ma soumission à la
torture en compagnie de mes camarades d’IRA pour avoir dénoncé les pratiques
criminelles d’esclavage que la belle sœur de Hamdi ould Mahjoub, une femme
cadre à la Banque Centrale de Mauritanie, Mouloumnine mint Bakar Vall, imposait
à deux fillettes hratin, Nana et Salma. Le comble de l’ignominie et de la
manipulation a été atteint lorsque le ministre de la communication faisait
passer en boucle sur le petit écran des images d’atrocités qui avaient eu lieu
en Somali et au Rwanda pour dire que ce sont là des massacres que les
abolitionnistes auraient commis à l'encontre la police mauritanienne ; il
envoya aussi une équipe de la télévision officielle qui filma Mint Bakar Vall
et ses victimes, tout en prenant le soins de faire dire aux victimes mineures
des témoignages archi-faux disculpant leurs bourreaux, ce qui correspond
à une tentative de couvrir le crime de la part du ministre car sa
belle sœur et protégée avait fini par être inculpée même si l’influence et la
détermination du ministre l'avaient finalement tirée de prison après avoir
passé seulement neuf jours de détention au lieu des six mois fermes
auxquels le tribunal l’avait condamnée. Hamdi ould Mahjoub, en tant que
ministre de la communication, a été aussi le grand artisan de la campagne orchestrée
par les médias mauritaniens à partir du 27 avril 2012, juste après
l’incinération symbolique des codes d’esclavage en vigueur en Mauritanie. Notre
ministre, parachuté à la tête de l'Agence censée lutter contre les séquelles de
l'esclavage, avait orchestré, fomenter ter et fabriquer, tel un Gobbels moyen,
la diffamation, la diabolisation, l’étiquetage et les appels au meurtre contre
les membres et dirigeants de l’organisation anti-esclavagiste IRA-Mauritanie.
il est l’artisan des faux témoignages qu’avait utilisés le ministère public
contre les membres d’IRA pour les inculper d’apostasie et justifier la demande
de leur pendaison. Comment le chef de l’Etat peut- il choisir cet homme en
espérant qu’il fasse du bon en matière d’esclavage? Il s'agit-là d'une farce de
très mauvais goût!
Question : Pour parler de tout-autre chose. Vous
êtes sans doute au courant des enregistrements qui, selon certains medias,
impliqueraient Ould Abdel AZIZ dans des affaires de blanchiment d’argent…
BDA : Pour tout vous dire, je ne les ai
pas écoutés. Je n'ai pas de temps à perdre à les écouter car je
pense que AZIZ ou n'importe qui d’autre, fort de sa position de chef d’Etat ou
de membre influent de la hiérarchie militaire, n’a absolument pas besoin, pour
s’enrichir, de recourir au blanchiment d’argent. Je pense surtout que
l’Opposition mauritanienne, incapable d’attaquer Aziz sur les vrais problèmes,
comme l’esclavage, le racisme, les expropriations des terres et autres
injustices dont souffrent les Harratines et les Noirs, cette Opposition, en
évitant les problèmes de fonds, est condamnée à se rabattre sur des faux
problèmes comme la balle qui avait blessé Aziz en octobre dernier, les présumés
enregistrements téléphoniques ou le limogeage de l’ex-président de la cour suprême.
Voyez-vous, les vrais problèmes sont ailleurs. Il est évident que
Ould Abdel AZIZ et l’Opposition mauritanienne sont par ailleurs
solidaires contres la majorité du peuple mauritanien qui pâtit de ses
problèmes. Cette majorité est faite de Noirs et de Hratin. L’Opposition
perd son âme en détournant l'attention des populations. Elle n’ose s'attaquer
aux vrais problèmes des populations mauritaniennes, des petites gens.
C'est cette attitude qui nourrit l'amalgame entre Pouvoir et Opposition.
Question : Vous ne soutenez donc pas l’opposition
qui demande le départ d’Ould Abdel Aziz ?
BDA : Comment et pourquoi pourrais-je
soutenir une COD qui avait demandé en chœur avec le président Aziz
de nous excommunier, mes camarades et moi et de nous condamner pour
apostasie pour avoir donné aux flammes des codes de l'esclavage qui ne méritent
que feu pour avoir mis au feu des générations de notre communauté au fil des
siècles ? Pourquoi soutiendrai-je des formations politiques qui réduisent
une religion aussi égalitaire et tolérante que l’Islam en un Code noir et en un
dogme négrier inhumain, intolérable et sauvage ? Comment pourrais-je
soutenir des formations politiques qui soutiennent, au moins par leur silence,
les segments et familles dominantes qui continuent à pratiquer le forfait de
l’esclavage dans toutes les villes et tous les villages de Mauritanie ?
Pourquoi ces partis d’Opposition n'étaient-ils pas allés à Inal, à
Sorimallé ? Pourquoi ne soutiennent-ils pas les Veuves, les Orphelins ?
Pourquoi… ? Il ya des "pourquoi" à n’en pas finir, mais tous ces
questionnement légitimes sont des critiques adressées autant aux partis qui se
disent de l’Opposition qu’aux autres formations qui se disent de la Majorité,
en somme aux deux têtes du système qui nous opprime, aux deux facettes de
la même monnaie. D'aucuns nous opposent la thèse selon laquelle, le problème de
l'esclavage se résoudrait tout seul à l'occasion de l'avènement de l'Etat de
droit. Ils oublient seulement que l'Etat de droit ne tombe pas du ciel. Il se
conquiert. Il s'arrache à coups de sit-in, de protestations, de sacrifices, de
séjours en prison et très souvent d'impopularité. Le combat antiesclavagiste
est la matrice au sein de laquelle naîtra l'Etat de droit. C'est l'école où
nous apprendrons aux Mauritaniens l'Etat de droit. Évidemment, on n’apprendra
pas une telle thèse dans les manuels des jurisconsultes esclavagistes qu'IRA
avait laissé dévorer par les flammes...
Propos recueillis par Kissima Diagana et
Aboubecrine Ould Sidi
source: www.kissimadiagana.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire