Nous
célébrons aujourd'hui le premier anniversaire de l'autodafé des manuels de
jurisprudence faisant l'apologie de l'esclavage, le codifiant et le couvrant
d'un semblant de légitimité islamique. Cet autodafé avait été organisé à Ryadh
(Nouakchott) le 27 avril 2012.
A
cette occasion, l'Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste
(IRA), qui est à l'origine de cette action spectaculaire et sans précédent dans
les annales du mouvement de lutte pour la défense des droits de l'homme,
considère qu'il est de son devoir de produire un document présentant les
dimensions religieuse et juridique de cette action et l'inscrivant dans le
cadre général de son combat.
Etant
donné que l'incinération de ces manuels a été le biais par lequel les
calomniateurs, diffamateurs et autres suppôts de la grande féodalité, avaient
essayé d'atteindre IRA, nous commencerons par exposer notre vision de cet
aspect.
Commençons
par citer les exégètes de "l'abrégé de Khlil" (l'un des manuels
incinérés), abordant le chapitre "l'objet trouvé, la bête égarée,
l'esclave insoumis et le nouveau né abandonné". L'un de ces exégètes
explique que "l'objet trouvé est un bien découvert sans propriétaire; il
ne s'agit ni d'un animal parlant ni d'un gibier" en expliquant plus loin que l'animal parlant c'est, en fait, l'esclave.
D'autres
exégètes expliquent que " quand un esclave fuyard est découvert, on doit
rechercher son maître. Mais que devrait-on en faire si on ne retrouvait pas son
propriétaire se demandent d'autres. Pourrait-on le mettre en vente? Pour
certains, il conviendrait de mettre le fuyard en prison pendant un an puis de
le vendre alors que d'autres soutiennent que le vendre ferait perdre à son
maître l'équivalent de son prix de façon irrémédiable.
Ce
simple exemple tiré de la jurisprudence de certains rites suivis en Mauritanie
et adoptés comme référence intellectuelle et conceptuelle dans la formation des
ressortissants des Mahadra et de l'enseignement originel aurait dû à lui seul
révolter tous les abolitionnistes de la terre en les encourageant à ne suivre
que le Livre Saint et la Sunna qui sont venus pour libérer l'humanité et briser
les chaînes qui les entravaient en héritage de l'époque postislamiques et ce à
l'exclusion de tous rites secondaires.
Que
dire d'une jurisprudence qui considère l'Homme comme étant un" animal parlant"? Qui méprise des
mères, des sœurs et des grand-mères et les dispensant des obligations faites
aux femmes libres? Qui dénie à des Musulmans, nés musulmans et ayant hérité de
l'Islam par leurs parents, le droit d'organiser leur propre prière du vendredi.
Une telle jurisprudence, un tel Vigh, ne peut qu'être combattu de la part de
ceux qui ont fait dont de leur vie pour le combat contre les injustices.
Ce
ne fut pas par pyromanie qu'IRA avait offert aux flammes ces manuels de
négriers. Ce fut pour bien plus que cela. Ce fut pour envoyer un message
symbolique aux esclaves et anciens esclaves leur désignant ces manuels comme
l'origine d'une grande partie de leur malheur. Ce fut aussi pour provoquer le
plus grand débat jamais organisé en Mauritanie autour de la question de
l'esclavage et qui vit toutes les catégories de la société y prendre part. Les
manuels qu'IRA a incinérés firent le malheur de plusieurs générations
d'esclaves. IRA savait que leur incinération allait provoquer une onde de choc
sans précédent au sein de notre société. Mais cela obligera les acteurs de
cette société à trouver des solutions pérennes et viables au problème de
l'esclavage dans l'intérêt même de la
cohabitation pacifique. Ce fut une onde de choc salutaire y compris pour ceux
qui faisaient du zèle en défilant au sein des manifestation suscitées par les
services de renseignements et réclamant la tête du président d'IRA et celles de
ses principaux collaborateurs. A
regarder de plus près, l'autodafé de ces manuels est salutaire pour tous,
esclaves et maîtres à la fois; les deux groupes se laissaient imposer des lois
qui n'ont rien de divin ni de transcendant et qui étaient sorties tout droit de
l'imagination de mortels sans grande envergure. En organisant cet autodafé, IRA
avait choisi de dire de façon spectaculaire que seul le Saint Coran et la Sunna
étaient sacrés à ses yeux. Dans le Saint Coran, l'esclavage est décrit comme
étant une situation transitoire amenée à disparaitre en quelques années par
l'application des multiples occurrences d'affranchissement que la Chariaa
prévoit explicitement. La tolérance de cas d'esclavage momentané était dictée
par la nécessité de ne pas brusquer la société aristocratique de la Mecque à l'aube de l'ère islamique.
IRA
savait pertinemment que la destruction par le feu de manuels contredisant
l'esprit de la Chariaa ne pouvait pas être condamnable du point de vue de cette
dernière. En cela IRA est en accord avec Ibn Teymyeh qui rappelait que les
Imams Abou Houneyva, Malick, Echavii et Ahmed recommandaient à ceux qui
suivaient leur rite de ne pas suivre leurs propres préceptes si ces derniers
étaient en désaccord avec le Saint Coran
ou la Sunna.
Quant
à la pratique de l'autodafé et l'incinération de livres qui menacent la
cohésion entre les Musulmans, ce n'est pas IRA qui l'aura inaugurée. L'histoire
de l'Etat islamique en a connu un grand nombre et les livres y furent détruits
de diverses façons dont l'autodafé, l'enfouissement, la dissolution dans
l'eau...
Selon
Al Khazimi, après la reliure du Coran du Calif Ethmane, tous les autres Corans
furent brûlés pour éviter toute confusion. De nombreux autres exemples
d'incinération de livres ont été rapportés par différents auteurs et à
différentes époques sans que cela ne provoqua des accusations d'apostasie ou
d'hérésie.
IRA
a incinéré des livres qui faisaient l'apologie de l'esclavage en contradiction
flagrante avec la Constitution. C'est un
acte de portée purement symbolique et dont le seul but fut d'attirer
l'attention sur les dégâts que provoquèrent ces manuels dans la vie de milliers
de personnes. Elle voulait aussi provoquer un débat au sein de la société sur
cette question de l'esclavage. Il s'agit d'une protestation intellectuelle et
stratégique qu'IRA a jugée indispensable pour entamer une révision systématique
des programmes de formation et d'enseignement pour éviter de semer dans les
esprits des générations montantes l'idée que l'esclavage est une pratique
légale autorisée par la Chariaa.
La lutte contre l'injustice et l'arbitraire
dont sont victimes les ressortissants d'une communauté donnée nécessite non
seulement la révision des programmes et
de la jurisprudence mais aussi l'adoption du Coran et de la Sunna comme source
de droit à l'exclusion de tout autre manuel secondaire et surtout pas ceux qui nous
détaillent les modalités de vente d'un esclave, les conditions requises pour le
nourrir et toutes autres balivernes déjà interdites dans la plupart de Etats
musulmans.
La
situation des victimes de l'esclavage et la nécessité de les aider à devenir
des citoyens à part entière exigent l'instauration de nouvelles bases et d'un
nouveau référentiel éducatif d'où sera banni ce genre de spécialités qui
devrait être criminalisé. L'interdiction devrait aussi concerner la publicité
et la promotion de telles références à la radio, à la télévision et dans les
supports écrits.
IRA
insiste aussi sur l'urgence pour les Ouléma de produire, soit individuellement
soit en groupes, des Fatawa claires et non équivoques criminalisant l'esclavage
et expliquant aux communs des mortels qu'il n'avait aucun fondement religieux
ou moral. L'Initiative s'étonne du fait qu'à chaque fois qu'elle rencontre un
érudit ou un théologien, il lui explique que l'esclavage en Mauritanie n'avait
aucun fondement légal et qu'il était totalement étranger à l'Islam mais en même
temps aucune de ces voix autorisées n'a accepté de prendre l'initiative de
produire une Fatwa dans ce sens. D'aucuns aimeraient qu'on se contentât des
Fatawa des années 80 qui avaient prouvé leurs limites et leur incapacité à
éradiquer l'esclavage et l'esclavagisme ambiant. Les abolitionnistes ne
pourront et ne voudront plus se contenter de moins qu'une Fetwa claire, sans
équivoque et à même de récuser tous les arguments avancés par les propriétaires
d'esclaves pour garder sous leur joug ceux qu'ils considèrent être leurs biens
privés.
Par
ailleurs, outre les centaines d'esclaves qu'IRA a pu libérer par ses nombreuses
campagnes de sensibilisation sans le recours aux tribunaux, IRA a été obligée
bien des fois à se lancer dans d'interminables procédures judiciaires pour
libérer telle ou telle esclave ou parfois des familles entières. A chaque fois, le rangement de
l'Administration (police, gendarmerie, juge...) aux côtés des maîtres d'esclaves
était l'obstacle principal devant l'application la loi et la raison première de
l'impunité dont bénéficient les esclavagistes.
Pour
contrer cette résistance à l'application de la loi et des conventions signées
par notre pays, IRA s'épuise en mobilisation, marches, sit-in, articles,
conférences de presse pour que les dossiers ne soient pas enterrés. Cet
activisme a exposé IRA et ses dirigeants à toute sorte de tracasserie, à la
violence morale et physique faisant de ses militants les clients les plus
assidus des prisons de la République; ce
fut particulièrement le cas pour son président Biram Ould Dah.
Malgré
l'accord tacite entre Opposition et Majorité contre son projet abolitionniste
et en dépit de l'infestation de l'Etat
(gouvernement, administration, opposition, majorité, juge..) par les
forces féodales, l'IRA est plus que jamais décidée à poursuivre sa marche
pacifique et son combat pour l'application intégrale de la loi criminalisant
l'esclavage, l'insertion des victimes, la condamnation du racisme, l'obtention
par le Hratine de leur dû et la déconstruction
de la superstructure de domination au profit des couches marginalisées
par le recours à une politique de discrimination positive assumées.
De
nombreuses forces politiques, parmi elles des forces menées par des
responsables censés défendre les victimes de l'esclavage, ont proféré des
accusations de division à l'encontre d'IRA. C'est tout le contraire. Le combat
d'IRA est le meilleur garant contre les risques de guerre civile en cela qu'il
purge des abcès qui menace de gangréner toute la société.
La
lutte pour émanciper des esclaves, imposer l'égalité, appliquer la loi, diffuser
la justice, casser les monopoles ne peut être facteur de division. La meilleure
preuve du caractère unitaire et pacifique du combat d'IRA est bien la présence
en son sein depuis sa naissance de militants issus de toutes les communautés
nationales, Hratine, Bidhane et Kwar.
Pour
toutes ces raisons, IRA est devenue insensible aux attaques de chefs de partis
qui n'ont plus de programme que les calomnies colportées contre l'Initiative.
Quelle est donc cette unité nationale qui serait bâtie sur la marginalisation
d'une partie de la population et la mise en esclavage d'une autre?
Pour
IRA, l'unité nationale ne saurait être bâtie sur l'hégémonie d'une communauté sur les autres. Elle ne peut
se concevoir en dehors de l'égalité de tous et de la justice pour tous.
Pour
IRA, il n'y a pas d'unité qui vaille tant qu'il y aura consens entre majorité
et Opposition pour s'opposer à l'application de la loi, tant que l'Etat se refuse à l'appliquer y compris dans les cas
avérés que lui soumet l'Initiative et
tant les victimes ne trouve pour les accompagner et les soutenir qu'IRA et
quelques rares ONG de défenses des droits de l'homme. Autrement, toute unité
nationale se ferait aux dépends des mêmes, ce qui n'est plus acceptable ni supportable.
En
fin, IRA profite de cet anniversaire pour adresser ses vives remerciements aux
organisations et partis politiques nationaux, aux institutions internationales
et islamiques qui lui ont témoigné de leur solidarité et de leur soutien lors
de l'épreuve qui avait suivi l'incinération des manuels négriers. IRA réaffirme
ici avec toute la solennité nécessaire le caractère pacifique de son combat,
son attachement à l'unité du peuple mauritanien, sa détermination à
destructurer l'ordre injuste et sa volonté à continuer le combat par tous les
moyens légaux jusqu'à la libération du dernier esclave et l'insertion des
anciens esclaves. Le but de ce combat étant l'émergence du citoyen mauritanien,
conscients de ses droits et de ses devoirs, capable de vivre l'expérience
démocratique avec plénitude et de participer à l'effort de développement avec
fierté, adhésion et efficacité.
La Commission de Communication
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