Je me réjouis d’être sur la même longueur que Biram Dah Abeid et ses camarades qui luttent avec courage, au péril de leurs vies, pour abolir les viles pratiques ancestrales, les plus ignobles que l’humanité ait connues, qui existent, toujours, au début de ce 21ème siècle, en Mauritanie !
« Ira Mauritanie dit la réalité du système, la décrit, la dénude, la décortique, la vide de tout son mystère, afin d’en mieux exposer l’inanité ; ainsi, les masses, désabusées, désaliénées par l’exposé clinique du mensonge d’Etat, trouvent-elles la ressource morale de le déconstruire ». Tout est dit. Tout est bien dit, en ces quelques mots, lourds de sens, car ils proviennent des tréfonds d’une âme qui n’a jamais cessé de gémir de souffrances les plus atroces, depuis des siècles et des siècles. Depuis que les vents de sables soufflent dans le désert de Mauritanie. Des vents de sables qui ont vu des millions d’hommes, de femmes, d’enfants, ligotés, assoiffés, nus et pieds nus, marchant au pas, trainés par des caravaniers maures, sans scrupule aucun, qui les menaient vers les sinistres marchés où ils sont vendus comme des bestiaux... Et quand ils ne parvenaient pas à destination, morts sous les effets conjugués de la torture et de l’épuisement, leurs pauvres corps étaient tout simplement abandonnés sur le chemin. Et les chacals faisaient le reste...
Alors, oui, il faut écouter le cri de Biram Dah Abeid ! Car, en effet, dans cette tragédie, la Mauritanie, a ceci de particulier, c’est qu’elle est le seul endroit au monde, où dans l’instinct collectif de la composante maure, il n’y a que deux types d’hommes : le maitre et l’esclave ! Et bien évidemment, au dernier tout est nié, jusqu’à même la qualité d’être humain : « Mour, Manek et regaje ! » (Honte à toi, tu n’es personne !), peut-on entendre un Maure dire à un esclave (car au moment où j’écris ces lignes il y a de nombreux esclaves en Mauritanie) ou un harratin lorsqu’il n’a pas accompli une tâche comme il le lui avait demandé. En effet, quoique, théoriquement libre, comme l’étymologie du mot « hartani » l’indique, le Hartani est considéré par le Maure qu’il sert, comme un esclave, quand bien même ce Hartani est le chauffeur, l’agent public de l’administration, le haut fonctionnaire ou le sans grade utilisé par un officier supérieur maure de l’armée mauritanienne pour garder ses chameaux !
Témoignage : Un souvenir amer
Quant j’étais enfant, vers l’âge de 6 ou 7 ans, il me souvient, qu’un matin, vers l’aube, alors que mon taleb (maître de l’école coranique) me faisait réciter quelques versets du Coran, j’aperçois, une chose qui n’était pas habituelle : un petit hartani, tout nu, tenant ferment de ses deux petites mains, son loh (planche de bois sur laquelle le tabeb ou l’élève écrit les versets à réciter), assis à mes côtés, parmi d’autres élèves. Et je compris, malgré la cohue, qu’il répétait inlassablement ces mots : « Ma gra bouk, te gra ente ! Ma gra bouk, te gra ente ! ... » Ce que l’on peut tenter de traduire par : « Jamais ton père n’a appris, tu n’apprendras point ! ». J’interrompis ma récitation pour demander à mon maître : « Pourquoi, mon petit camarade répète-t-il sans cesse ces paroles insensées ? Pourquoi n’apprend-t-il pas comme nous ? ». Comme seule réponse, je reçus un terrible coup de cravache, sans doute, non pas tant parce que j’ai osé poser cette question qui n’avait pas lieu d’être posée aux yeux de mon maître, mais parce que j’avais interrompu ma récitation. Je fis alors ce que jamais aucun petit maure ne pouvait faire en ces temps-là : j’ai jeté mon ardoise et je pris la fuite chez moi pour jurer à mère que je ne reviendrai plus dans cette école.
Le mépris à l’endroit des Harattin et du Noir, en général, fait incontestable partie de la culture maure. Toutes les tribus maures ont eu des esclaves. Beaucoup en ont encore à travers toute la Mauritanie et le Sahara Occidental. Ceci est indéniable. Si, personnellement, je ne l’ai jamais pratiqué, comme peuvent en témoigner tous mes camarades d’école (harratins devenus fonctionnaires et même hauts fonctionnaires pour la plupart), c’est que j’ai eu l’immense privilège d’avoir eu un père exceptionnel qui faisait tout de ses mains, sans jamais faire appel à aucun domestique et qui obligeait ses enfants à faire de même. Et j’ai pu constater, chez les Maures, de ma génération, que je suis une exception.
Mais nos ancêtres, nous les Maures, ont commis des crimes dont nous sommes tous redevables envers la composante harratine de Mauritanie. Son cri de douleur doit être entendu et compris par tous.
Le combat de l’Ira est juste et mérite d’être soutenu par tous les Mauritaniens, à tous les niveaux, et dans la pratique, qui désirent abolir en nous tout ce qui est de plus inhumain : refuser tout, toute liberté, toute la dignité d’Homme à beaucoup d’entre nous : Les Harratins et les nombreux esclaves encore dans les fers de leurs maîtres maures, dans toute la Mauritanie et le Sahara Occidental.
Mais je crains fort que les revendications de l’Ira ne soient jamais entendues par un régime fantoche, établi par un putschiste véreux plus prompt à matraquer et à insulter les citoyens qu’à rendre le pouvoir qu’il a spolié uniquement pour préserver les biens volés au peuple mauritanien, au cours des trois dernières décennies, par lui, les siens et tous leurs nombreux complices.
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