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jeudi 1 septembre 2011

Aberrations et contradictions



 
Le Journal

On ne sait réellement pas que faut-il penser du verdict de la Cour criminelle dans l’affaires des récents détenus de l’IRA. L’Etat les accusait de tout un tas de chefs d’inculpation dont chacun, pris en singleton, pouvait constituer un motif de mise au frais pour de longues années. Les activistes anti-esclavagistes, eux, niaient tout en bloc et martelaient, invariablement, que leur action était pacifique et que c’est la police qui les a chargés. Mieux, ils se sont abstenus de répondre à la "provocation" des forces de l’ordre. Mieux encore, ils avaient demandé, en vain, au juge d’exiger la comparution des éléments de police qui avaient pris part à la "battue" contre eux.
Et à voir le verdict, l’on ne peut que s’étonner de sa "clémence" et s’insurger, quelque part, de l’évidente incohérence de notre appareil judiciaire. Il libère des détenus et les blanchit sans accepter d’entendre des témoins clés, ni ouvrir des compléments d’enquête sur les allégations de torture. Plus grave, quel sort réserve-t-on à la présumée esclavagiste par qui tout est arrivée ? Pourquoi n’a-telle pas comparu, ne serait-ce que comme témoin ? Pourquoi tait-t-on l’intrusion d’un homme qui se dit politique, chef d’une "grande" famille, armes aux mains à l’intérieur du commissariat pour agresser des policiers dont les noms avaient été donnés dans les déclarations publiques de l’IRA ? Pourquoi lui aussi n’a-t-il pas été entendu, ne serait-ce que pour justifier ses déclarations, lui qui a affirmé contre les accusations portées contre lui, qu’au moment des faits, il se trouvait à 15 kilomètres des lieux.
L’épisode de ce procès doit être édifiant pour tous. Il est aberrant á l’image de beaucoup de choses dans ce pays. L’Etat vote une loi criminalisant l’esclavage et le Chef de l’Etat dit que l’esclavage n’existe pas. Des militants pionniers démasquent des cas présumés d’esclavage et l’Etat s’évertue à les masquer, à faire disparaître les indices compromettant, s’abstient de poursuivre correctement les supposés coupables et emprisonne les dénonciateurs.
Ce genre de comportement en dit long sur la crise des valeurs de notre société hypocrite. Elle se dit démocratique et refuse l’égalité, préférant donner des droits naturels acquis pour certains à cause de leur naissance et interdit aux autres, même le droit de manifester, pour la même raison. Elle se dit musulmane et fait fi, si les intérêts des gardiens du temple sont en jeu, de toutes les règles de l’Islam pour donner libre cours au primitif instinct grégaire de la race, voire de la couleur de la peau.
De cette contradiction que nos décideurs n’arrivent pas ou ne veulent pas gérer de manière objective que naissent les intégrismes et les extrémismes. La radicalité du discours de l’IRA se fonde justement sur ce profond sentiment d’injustice que ressentent des couches entières de la société. D’où l’accaparement des pouvoirs politiques, militaires et sécuritaires et j’en passe.
Si Biram parle de la justice des "maîtres d’esclaves" ou de "l’exclusion des composantes noires" des centres de décision, de l’armée, de la police et d’autres services, y compris l’administration territoriale, ceci doit nous amener à réfléchir sérieusement sur notre situation, en nous regardant dans la glace, sans complexe, aux fins de corriger certaines de nos habitudes rétrogrades que nous considérons comme des règles naturelles, des règles de droit. .
Si un groupe de dix officiers se retrouve et l’on ne voit que des citoyens d’une seule région, voire d’une seule tribu, cela fait forcément peur. Si dans un corps tout entier, comme la police ou la garde, il n’y a pas un seul officier supérieur qui ne soit pas d’une "communauté donné", ca doit pousser les Mauritaniens à s’interroger sur les fondements de leur modèle de cohabitation. Si vous retrouvez partout, des walis, des hakems, des chefs d’arrondissement de la même ethnie et souvent de la même tribu, vous vous dites que, quelque part, quelque chose cloche. Ici donc s’impose la nécessaire rupture avec les déséquilibres "régulés" par l’Etat et entretenus par lui. En d’autres termes, la stabilité de ce pays ne dépendra, dans l’avenir, que la prise en considération des aspirations de tous et intégrer définitivement les valeurs d’égalité, de justice et du mérite entre les citoyens dans tous les actes que l’Etat posera !
Amar Ould Béjà.

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