Translate

samedi 24 septembre 2011

« N’est esclave que celui qui veut l’être » : Quand le pouvoir prend parti

« N’est esclave que celui qui veut l’être » : Quand le pouvoir prend parti

La dernière intervention du président de la République sur Kassataya au sujet de l’esclavage aura sans doute eu comme mérite de réduire comme peau de chagrin les espoirs de ceux qui aspirent à une société égalitaire. En affirmant que « n’est esclave que celui qui veut l’être », le président confirme ce qu’il avait déjà affirmé le 05 mai à la télévision nationale et mieux encore, il enfonce le clou.

Ces déclarations laissent perplexes à plus d’un titre. Comment choisir de naître au plus bas de l’échelle sociale et par conséquent de se voir privé d’un droit fondamental de la personne humaine qui va de pair avec la liberté : la dignité.

Peut-on parler de libre arbitre pour une personne qui vit une situation uniquement parce qu’elle est née du « mauvais côté » ? Il n’est dès lors plus étonnant que depuis l’adoption de la loi n° 2007-48 du 08 août 2007 criminalisant les pratiques esclavagistes, sur tous les cas d’esclavage dénoncés à la justice, pas un seul n’ait abouti à une réelle condamnation. Que vaut une loi sans effectivité ? Serait-elle déjà désuète ?

Si la loi n’a plus d’objet puisque l’élément sur lequel elle légifère n’existe pas, en l’occurrence l’esclavage, conserve t-elle alors elle sa raison d’être ? Et dire que « n’est esclave que celui qui veut l’être » n’est ce pas conforter dans leur suffisance ceux qui font perdurer ces pratiques et décourager ceux qui voudraient s’affranchir.

Il « existe une parfaite symbiose entre les familles, certaines confiant leurs enfants à d’autres », soit ! Mais alors comment expliquer que ces enfants confiés à la tutelle d’autres familles ne bénéficient pas d’instruction au même titre que ceux de leurs tuteurs ? Comment expliquer que eux gardent les bambins alors que les autres suivent une éducation à l’occidentale dans les écoles françaises ?

Nous ne nions pas la survivance du phénomène dans presque toutes les communautés du pays mais force est également de reconnaitre qu’il ne survit pas de la même façon chez toutes les ethnies.

Nous sommes également contre la violence car comme le dit si bien l’adage « nul ne peut se faire justice à soi-même » mais encore faudrait-il que ceux là mêmes qui sont chargés de veiller au respect de la loi affichent leur neutralité, à commencer par le premier garant de l’unité de la nation, une nation ô combien fragile.

L’heure ne devrait pas être à la remise en question de l’existence de cette pratique. La Mauritanie n’est pas esclavagiste mais il existe des esclavagistes parmi ses fils. Dès lors, la réflexion devrait plutôt se porter sur les moyens d’assurer une réponse efficace aux cas posés à la justice et à l’accompagnement économique des nouveaux affranchis.

N’instaurons pas une sorte d’irresponsabilité pénale en faisant croire à ceux qui enfreignent la loi que ce qu’ils font ne constitue nullement un crime car leurs victimes en naissant esclaves l’ont voulu.

Fatimata B. TAGOURLA
Juriste


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire