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mardi 27 septembre 2011

Où sont les frères arabo-berbères ? par Oumar Diagne

Où sont les frères arabo-berbères ? par Oumar Diagne
Où sont les Omar Ould Dedde, les Beddy Ould Ibnou, les Ould Yessa, etc.? C’est avec consternation que nous constatons l’attitude des militants arabo-berbères à Paris. A différentes occasions, ils se sont mobilisés aux côtés des Noirs de Mauritanie pour défendre la démocratie, les droits de l’Homme ou des maures victimes d’injustice. Comment expliquer leur absence face à la question d’un recensement qui vise à exclure les Négro-mauritaniens ?

Ce constat est, à nos yeux, grave. Il nous donne le sentiment qu’il n’y a pas une réelle volonté de la part de nos compatriotes arabo-berbères de défendre la Justice pour tous. C’est comme si, pour eux, la notion de justice ne s’appliquait point aux Négro- mauritaniens et aux Harratine.

Aujourd’hui, nous avons la preuve de l'inexistence d’une conscience trans-ethnique, du mépris du Maure à l’égard du Noir, de la lâcheté des lettrés mauritaniens, particulièrement, dans ce cas, des lettrés maures. Il s’agit d’un vrai sujet sur lequel, il faudrait se pencher. Nous avons la confirmation que le Mauritanien, d’une manière générale, n’a pas intégré la notion de justice et d’égalité des Hommes.

Nous pensons que l’on ne peut guère envisager de construire ainsi une Mauritanie d’avenir.

Dans nos articles précédents, nous avons souvent parlé de l’absence d’une élite en Mauritanie. En ce qui concerne, les Arabo- berbères, nous croyons qu’il y a un consensus, au moins inconscient, qui vise à réduire le Noir à moins que rien. Cette attitude n’encourage pas à dépasser les frontières des appartenances.

Les nations démocratiques se sont construites grâce à l’adhésion des individus à des valeurs au-delà de leur particularisme. Il est peut-être temps que Maures et Noirs, dépassent leur cadre étroit pour combattre toute forme d’injustice. C’est la condition pour la construction d’une Mauritanie moderne, démocratique et égalitaire. Si l’on continue la politique actuelle, il surgira, un jour ou l’autre, un conflit ethnique qui risque d’être sanglant. Le ras de bol commence à se faire sentir dans la communauté noire. Les extrêmes et la haine s’expriment de plus en plus. Il est temps d’agir avant que le chaos n’émerge.

La politique d’exclusion des Noirs depuis 1960 et avant pèse sur les consciences noires et répand des aigreurs. Les manifestations actuelles en Mauritanie témoignent de l'agacement des Négro-mauritaniens. Ils marquent aussi un progrès : les dominés commencent à se prendre en charge au risque de leur vie. Cela est important car aucun peuple ne peut se libérer que par lui-même. Il faudra surtout éviter la récupération politique. Car certains mouvements, se réclamant détenteurs de la seule vérité, ont toujours empêché l’unité.

Ce mouvement naissant doit se perpétuer. Il est impératif qu’il s’organise, organise les masses et s’inscrive dans la durée pour faire pression sur le pouvoir. Il serait illusoire qu'il se contente de petites concessions. Il est nécessaire qu'il se poursuive jusqu'à ce que la question noire soit définitivement réglée, car il est certain que l’objectif des Maures est de maintenir leur domination. La seule façon d’y mettre fin, c’est la lutte permanente. Aucun dominant ne lâche prise par conscience. Il y est contraint par un rapport de force.

Le pouvoir maure est déterminé à arriver à ses fins. Il faut comprendre qu’il ne les atteindrait que grâce à la lâcheté des Noirs. Le mouvement « Ne touche pas à ma nationalité" doit impérativement aller le plus loin possible. Il doit être fédérateur, en dehors de toute idéologie. Il doit avoir comme ciment la reconnaissance des droits des Noirs.

Il faudra aussi qu’il évite d’être exclusif, tout en bannissant la récupération. Il est utile aussi qu’il entre en contact avec la diaspora qui lutte. La cause harratine et toute autre cause injuste doit concerner les Négro-mauritaniens. Les Harratine sont des victimes comme eux. Une certaine maturité est indispensable, et il devra accepter le soutien de Harratine sincères. L’une des grandes erreurs des Négro-mauritaniens est de ne pas avoir soutenu la cause harratine. Cela s’explique par l’esprit féodal qui traverse la société négro-mauritanienne.

On peut comprendre qu’un mouvement soit spécialisé mais il doit s’ouvrir à d’autres personnes victimes d’injustice.

Enfin, il faudra veiller à la corruption du mouvement ou des leaders.

Nous devons prendre comme exemple Aimé Césaire qui était un « brasseur de souffrances et prenait sur lui tout ce sang, il s'affirme fondamentalement solidaire de tous les peuples piétinés " Il disait, « moi je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, de cultures piétinées, d'institutions niées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties ". Autant de paroles qui se conjuguent avec l’ébranlement d'un vaste mouvement émancipateur des peuples humiliés à la recherche d'un nom pour leur patrie comme le prophétisait son contemporain Jean Amrouche. »1

Ces remarquables mots de ce grand Nègre sont touchants et édifiants: « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir […] il n’y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre homme torturé en qui je ne sois assassiné et humilié. »
Une grande lucidité et un courage s’imposent aux Noirs afin qu’ils trouvent leur place et leur dignité en Mauritanie. Il est indispensable d’éviter une politisation idéologique et sectaire du mouvement car sur le long terme, il le rendrait stérile. Ce qui doit rassembler c’est la lutte contre les injustices.

Je laisse, ceux qui prendront le temps de lire ce texte, méditer sur les paroles de ce géant noir qu’est Martin Luther King :

« J'ai un rêve qu'un jour, sur les collines de terre rouge de la Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
J'ai un rêve qu'un jour même l'Etat de Mississippi, un désert étouffant d'injustice et d'oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.
»

La lutte doit continuer sans mépris de l’autre, animée par un esprit de justice et dans l’unité.

1 A.K, Ainsi parlait Césaire, in
http://wwwjohablogspotcom kaouah.blogspot.com/2011/04/ainsi-parlait-cesaire


Oumar Diagne  Ecrivain

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