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dimanche 3 juin 2012

Aziz et Biram…


Institution d’une Commission nationale des Fatwa, décapitation de l’appareil judiciaire, emprisonnement des militants anti-esclavagistes sont les sujets qui alimentent les rues du pays devenues des déversoirs de la protestation. Mais, en simplifiant, on peut ramener les sujets à deux hommes : le président (de la République) Abdel Aziz et le président (d’IRA Mauritanie) Biram. Deux hommes, deux destins et la Mauritanie. Dans leur engagement, si ces deux hommes n’avaient pas existé, le Mauritanien allait sans doute les créer. D’un côté un président iconoclaste que d’aucuns disent entêté et déterminé à mettre tout le monde au pas, comme des soldats ; qui se plait dans sa vision solitaire de la conduite des affaires de l’Etat. Un ami me disait au début du règne d’Abdel Aziz que la Mauritanie va être enfin sauvée car l’homme qui est à sa tête est un dictateur éclairé ayant une grande ambition pour la Mauritanie. Et que pour refaire ce pays, complètement laminé, il fallait et le bâton et la carotte ; et à son avis Aziz est l’homme qu’il faut pour le pays. Le même ami me disait la semaine dernière qu’Aziz est la manifestation radicale de la dictature la plus noire. Aziz est le président de la République ; il est le gouvernement, la justice mais aussi les autres démembrements de l’Etat. Il est tout, fait tout et est partout. Un président des pauvres qui ne chôme décidément pas. Une telle attitude a fini quand même par éveiller le « peuple » qui, longtemps resté en position horizontale car aplati par des régimes qui ne souffraient pas la contestation, (re)apprend maintenant à marcher. D’un autre côté, Biram, un homme atypique, un combattant, un fonceur d’un courage fou mais surtout aveuglé par la lutte au service des droits civiques. Son ambition est la déconstruction des fondements inégalitaires qui minent la cohésion sociale du pays : l’esclavage et le racisme. C’est un homme des extrêmes, des situations inédites et impossibles. Il est l’auteur ou l’inventeur des sit-in devant des commissariats de police pour dénoncer des cas d’esclavage. Biram qui, en tout lieu et en toute circonstance, est égal à lui-même. Il se plait à dire parfois : « Mais les gens pensent que nous farçons ; qu’ils se détrompent. A IRA pour le combat contre l’esclavage et le racisme, nous sommes prêts à faire le don de notre corps ; c'est-à-dire contre les esclavagistes et les racistes, nous demandons qu’ils agrandissent leurs hôpitaux, prisons ou cimetières ». Il a su forger des exclus et les transformer en militants ayant la capacité de se prendre en charge par la revendication pacifique de leurs droits. Pour des actions d’éclat, il est prêt à assumer seul la responsabilité, comme « l’affaire du commissariat d’Arafat I », qui lui a valu sa première détention. Pour Biram, son sort, sa vie, son existence sont liés au combat contre les injustices. L’homme du pèlerinage d’Inal, le village d’horreur (le camp dans lequel on a sommairement exécuté plusieurs dizaines de miliaires noirs mauritaniens) et qui se prépare pour Sorimalé (le village des fosses communes), rien ne semble l’arrêter tant que justice n’est pas faite. L’histoire des livres du jurisconsulte musulman du treize siècle est la parfaite illustration de l’engagement de cet autre iconoclaste. Et pour ça, il est en prison, et pour ça une Commission nationale pour les Fatwa a vu le jour. Une fatwa, dans l'islam, est un avis juridique donné par un spécialiste de la loi islamique sur une question particulière. Désormais, pour les Mauritaniens, des fatwas seront émises par une Commission mise en place par l’Etat. Cette Commission est constituée par des muftis « connus ». Ces muftis, qui étaient là et actifs, vont être occupés à nous servir des fatwas après que des livres du jurisconsulte ont été passés au feu par Biram. Ils le feront parce que maintenant le régime actuel le veut. Il le veut après la fatwa d’un autre érudit qui déculpabilise Biram. L’auteur de cette fatwa s’est vu obligé d’agir pour l’islam, par l’islam au service de l’islam sans attendre qu’on lui fasse la demande. Car il pense que c’est le devoir de tout musulman de servir sa religion comme Dieu le veut.
Nos muftis agiront parce que le pouvoir veut qu’ils le fassent. Ils ne l’ont pas fait durant tant d’années d’abjection dans nos comportements au quotidien. Et ces horreurs n’ont jamais fait réfléchir nos muftis pour servir la société positivement dans le sens de la justice et la cohésion sociale. Les muftis sont ces gens qui devront être au dessus de la mêlée et d’une indépendance sans ambigüité. Leur comportement au quotidien devrait être la manifestation ou la magnificence extérieure des écritures saintes. Des hommes vertueux, de moralité sans équivoque. De tels hommes ne peuvent et ne doivent agir sous les ordres des pouvoirs publics. Ils sont des guides qui, librement, peuvent et doivent éclairer la société comme le veut ALLAH (swt). Nos muftis auront du pain sur la planche pour requinquer leur image et celle de la Mauritanie par des fatwas de nature à servir la société réellement. Ces fatwas vont-elles supplanter l’appareil judiciaire, une justice où s’entrechoquent le droit positif et la loi islamique ? Avons-nous vraiment besoin de cette Commission et pourquoi maintenant ?
Quel sera son champ d’action et avec quelles prérogatives ? Notre appareil judiciaire recèle-t-elle des failles qui devront être comblées ? Mais, surtout, quels valeurs et crédits donner aux avis des muftis qu’on «autorise» d’agir ? Ces muftis avaient-ils besoin d’un cadre pour rendre des avis religieux au service d’une saine, égalitaire et juste société comme le veut notre religion ? Il est presque certain que des muftis qui agissent sous l’impulsion des pouvoirs publics… agiront difficilement contre ces mêmes pouvoirs publics.


Affaire Biram, ils étaient enchainés les uns avec les autres

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Trois sont libres. Et six ont été déposés à la prison civile de Nouakchott, dont Biram Dah Abeid et le journaliste Oubeid Imijine patron du site d’informations www.initi.net. Leur comparution devant le parquet s’est déroulé nuitamment et sans l’assistance de leurs avocats. Si Biram et Oubeid ont été isolés dans des cellules exigües à la Deuxième Compagnie de police (le commissariat situé à coté de la Brigade Routière), les autres détenus, qui étaient à la Première Compagnie, à coté de commissariat de Tevraghe-Zeina I en face du PNUD, ont été, durant plusieurs jours, enchainés aux pieds les uns avec les autres. Nous y reviendrons.

 
Le journaliste Oubeid Imijine est en prison. Motif : Porte-parole d’IRA MAURITANIE.
Notre confrère Oubeid Imijine est le Directeur de publication du percutant site d’informations : www.initi.net

Seydi Moussa Camara
Directeur journal la Nouvelle Expression

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