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mercredi 30 janvier 2013

Exclusivité : Esclavage en Mauritanie : Aime la vérité mais pardonne à l'erreur.


prCe texte vient d'être de remporter Prix Habib Ould Mahfoud du Jeune Journaliste en Herbe 2012. Son Auteur Dialtabé Diop est aujourd'hui parmi les rares journalistes mauritaniens  à dénoncer  les pratiques esclavagistes en Mauritanie, le règlement du passif humanitaire et la discrimination des négro-mauritaniens.  Son auteur est lauréat de la mention spéciale du journalisme contre l'impunité en Afrique, 2012 organisé au Cameroun.
 J'ai le plaisir de vous le partager avec vous avant toute publication officielle.
« Il est beau de ne pratiquer aucun métier, car un homme libre ne doit pas vivre pour servir autrui. » disait Aristote.
Bien qu’il ait été aboli en 1981, l’esclavage continue d’exister en Mauritanie. La Loi N° 2007-048 du 03-09-200, portant incrimination de l’esclavage est restée comme un cautère sur une jambe de bois, sur le dos des asservisseurs. Son adoption en 2007 par le parlement n’a pas eu le coup d’éclat escompté, malgré l’appel de pied des organisations de droits de l’homme qui continuent de crier au scandale. « Quiconque réduit autrui en esclavage ou incite à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d'une personne à sa charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni d'une peine d'emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de cinq cent mille ouguiyas (500.000 UM) à un million d'ouguiyas (1 000 000 UM). »
Voté et adopté par les parlementaires, l’article 4de la loi No 2007, incriminant l’esclavage n’inquiète guère les esclavagistes. L’affaire des deux mineures, Selama Mint Mbarek et de sa sœur Maimouna Mint Mbarek, a montré les limites de son application. Âgées respectivement de 14 et 10 ans, leur histoire avait ulcéré au mois de mars dernier, l’opinion public et suscité un tollé dans le rang des anti-esclavagistes.

Devenu un sujet tabou, l’esclavage en Mauritanie n’a pas encore livré tous ses secrets. Les témoignages des victimes, le combat mené par les organisations anti-esclavagistes, ainsi que la criminalisation de l’esclavage par l’Etat n’ont pas permis d’éveiller les consciences des esclavagistes et de beaucoup d’esclaves qui continuent de broyer le pain noir.En Mauritanie, l’esclavage et ses séquelles demeurent des réalités incontestables et ils sont liés aux systèmes de castes.
« Les mortels sont égaux; ce n'est point la naissance, C'est la seule vertu qui fait leur différence. » La population de la Mauritanie est composée de deux grands groupes culturels et ethnolinguistiques: les Arabo-Berbères et les négro-africains (pular, soninké et ouolof,), il existe une autre communauté de noirs, appelés les Haratines. Nombreux d’entre eux vivent jusqu’à présent sous le joug de l’esclavage, même si certaines personnes continuent de le nier. MOB, est un descendant d’esclaves. La trentaine, il est cadre dans la fonction publique, il nous raconte les dessous de l’esclavage «Les esclaves harratines sont considérés par leurs maitres (arabo-berbères) comme des possessions et subissent des traitements dégradants. Ils travaillent pendant de longues heures et ne sont pas rémunérés pour leur travail. Ils dépendent totalement de leurs maîtres pour leur nourriture, leur habillement et leur logement. » Une dépendance économique et psychologique qui empêche l’esclave de quitter son maitre, même s’il est affranchi, car il ne sait pas où aller.
Une exploitation physique et morale qui a été souvent décriée par les ONG anti-esclavagistes, telles que SOS-ESCLAVES et IRA.
Affranchis ou en fuite, les esclaves harratines vivent dans des conditions difficiles à l’extérieur des grandes villes. Pauvres, ils n’ont guère accès aux services de base tels que l’éducation et leurs possibilités d’emploi sont limitées. Ils occupent fréquemment des emplois emplois subalternes dans les centres urbains ou deviennent des dockers au port ou gardiens de maison. Nombreux d’entre eux n’ont pas été déclaré par leur maitre à leur naissance, entrainant de problèmes majeurs d’identification dans les registres nationales. En nombre, les esclaves affranchis vivent dans des régions pauvres et reculés (triangle de la pauvreté, Lexeiba Barkéol et Mbout)L’autodafé perpétré par le leader de l’IRA (incinération de livres du rite malékite jugés esclavagistes) est venu éveiller les consciences sur ce fléau.
Selon notre interlocuteur, cet acte controversé dénonce le ras bol des ongs antiesclavagistes qui ne savent plus à quel saint se vouer.Lors d’une conférence de presse organisée au mois de mai dernier, le président de l’assemblée nationale avait réagi face au refus des pouvoirs publics de reconnaitre l’esclavage en Mauritanie. « En Mauritanie, où l’esclavage est officiellement interdit depuis 31 ans et criminalisé depuis cinq ans, cette pratique « existe bien » et le nier « nuirait à son éradication ». L’esclavage existe bien en Mauritanie, nous devons le reconnaître et éviter de le nier parce que cela nuirait à son éradication», avait-il déclaré .
En milieu negro-africain, l’esclavage est beaucoup moins visible. Les esclaves et leurs descendants occupent le dernier rang de l’échelle sociale, mais ne dépendent pas de leurs maitres pour survivre par rapport aux esclaves harratines. Les nobles et les hommes libres sont au sommet de la hiérarchie, suivis par les forgerons et les musiciens. Ce que l’esclave négro-africain partage avec le haratin, c’est le mépris dans le regard du prétendu noble.Aujourd’hui nous n’avons pas un chiffre exact du nombre de personnes qui vivent en situation d’esclavage en Mauritanie, aussi bien dans les villes que dans les campagnes mauritaniennes.L'esclavage dont souffre le pays a de profondes racines historiques, sociologiques, culturelles et économiques et la lutte pour l’éradiquer est par définition un processus long et complexe comme le prouvent les expériences de nombreux autres pays. Le faible niveau d'information des victimes et des populations en général, les préjuges sociaux tenaces, les lacunes de l'arsenal juridique, la mauvaise volonté de nombreux secteur de l'appareil d'Etat, le faible niveau de scolarisation et de succès scolaire, la pauvreté et la marginalisation qui en découlent, mais aussi la résistance tenace des forces conservatrices de la société sont autant de facteurs qui limitent les progrès dans ce domaine.
« Les lois sont faites pour secourir les citoyens autant que pour les intimider. »
L’ordonnance no 081-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l’esclavage constituait une mesure extrêmement importante, mais elle comportait plusieurs lacunes.
L’adoption, le 3 septembre 2007, de la loi portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes a constitué une étape cruciale dans l’approche de cette question en Mauritanie, même si l’application des textes a toujours fait défaut.Pour trouver une solution à ce fléau qui menace l’unité nationale, nous avons rencontré quelques leaders d’ong de droits, de l’homme.
Fervent défenseur des droits de l’Homme, Boubacar Ould Messaoud, président de l’ONG SOS-ESCLAVE, déclare « Il est essentiel, que les victimes, la société civile, et les autorités a tous les niveaux unissent leurs efforts pour surmonter les nombreux obstacles a travers une volonté politique réelle et sincère, une vision et une stratégie et des programmes appuyés par des ressources conséquentes. Il faut pour cela que des études scientifiques soient encouragées pour approfondir les connaissances sur la situation et identifier des critères objectifs de mesures des progrès. Il faut que les victimes et les ONG concernées jouent un rôle actif à cet égard et ne soient pas maintenues à l'écart de la planification, de gestion de tels programmes. »
Même son de cloche pour le président du Forum National des droits humains(Fonadh), Mamadou Sar qui déclare « En adoptant une nouvelle loi sur l’esclavage en septembre 2007, la Mauritanie a, pour la première fois, levé un pan du tabou sur l’esclavage, même s’il a fallu plusieurs décennies de lutte pour qu’une loi incriminant l’esclavage puisse être adoptée.
Cependant, l’esclavage continue d’être pratiqué en Mauritanie du fait de l’absence des mesures d’accompagnement efficaces pour lutter contre ce phénomène, mais aussi de la non application de la loi, qui fait désormais de l’esclavage un crime.
Les cas d’esclavage traités depuis l’adoption de loi 2007-048 démontrent que les pratiques esclavagistes demeurent récurrentes en Mauritanie. Mais au vu de ce qui précède, il n’est pas étonnant que les autorités contribuent à perpétuer ces pratiques d’un autre âge par le silence et la collusion, la banalisation des faits qui consiste à réduire des pratiques esclavagistes en une simple affaire d’exploitation domestique. »
La présidente du Comité de Solidarité avec les victimes, Mme Lalla Aicha Sy demande quant à elle, l’application des textes juridiques. « Pour lutter contre l’esclavage l’Etat mauritanien doit : prévoir de meilleures conditions de vie pour les esclaves (travail décent, santé, éducation logement …). L’Etat doit veiller à l’application des textes juridiques, en sanctionnant ceux qui pratiquent l’esclavage. Sensibiliser les esclavagistes sur la loi incriminant l’esclavage et la conséquence fâcheuse et inadmissible de cette pratique. Veiller à l’application des textes juridiques, en sanctionnant ceux qui pratiquent l’esclavage, ce qui ne pourrait se faire qu’avec l’indépendance de la justice qui doit avoir les moyens adéquats pour accomplir cette mission. »
« C’est l’amour de nous-mêmes qui assiste l’amour des autres; c’est par nos besoins mutuels que nous sommes utiles au genre humain. »
Par ailleurs la lutte contre l'esclavage et ses séquelles doit être menée en coordination avec toutes les luttes contres toutes les injustices qui prévalent dans la société mauritanienne sur la base d'une analyse objective sans tabous et fondée sur les valeurs essentielles d'équité, de justice loin de toute instrumentalisation de type conjoncturel ou particulariste.
La lutte contre l'esclave est dirigée contre l'esclavage, les esclavagistes et ceux qui les soutiennent, pas contre une communauté quelconque en tant que telle et tous les citoyens mauritaniens épris de justice et d'équité et soucieux de l'avenir du pays devraient la rejoindre et y contribuer. La lutte contre l'esclavage est fondamentalement une lutte pour la justice et le respect de l'être humain. Elle puise ses sources aussi bien les orientations de notre religion, l’Islam, en faveur de la justice et de la liberté de l'homme, les traditions positives du peuple mauritanien que dans l'héritage commun de l'humanité en matière de droits de l'homme. Elle fait partie intégrante et contribue considérablement à la lutte générale pour la démocratie, le développement, la prospérité du pays, l'unité et le bonheur de son peuple.
Elle fait partie du vaste effort de tous les hommes sur tous les continents pour la construction d'un monde meilleur pour les générations actuelles et futures. La Cour Internationale de justice (CIJ) fait de la protection de l’esclavage l’un des deux exemples « d’obligations découlant du droit relatif aux droits de l’homme » ou obligations incombant à un Etat envers l’ensemble de la communauté internationale. La pratique de l’esclavage est donc universellement considérée comme un crime contre l’humanité, et le droit de ne pas être soumis à l’esclavage est jugé fondamental « que toutes les nations sont tenues d’attaquer les Etats qui le violent devant la Cour de justice »
Dialtabé Diop
Source: Flere.fr

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