Mercredi 27 juin 2012, à l’ouverture du procès des militants de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (Ira) - Biram Ould Dah Ould Abeid et 6 ses compagnons - la défense a attiré l’attention de la Cour sur un vice de forme dans la procédure du flagrant délit.
Elle a invoqué l’article 71 du code de procédure pénale qui dispose : « Pour des infractions passibles de la condamnation à mort, l’instruction préparatoire est obligatoire.»
Les avocats ont fait remarquer que le parquet, en appliquant la procédure de flagrance, a déposé les prévenus sans instruction préalable. Le Président de la Cour criminelle de Nouakchott constatant un vice de forme, s’est dessaisi du dossier aux motifs que « si la procédure de flagrance est nulle, le mandat de dépôt rendu contre Birame et les six autres militants de l’IRA, est également nul. »
A notre grande surprise, le jeudi 28 juin, le Procureur de la république a transmis l’affaire au juge d’instruction chargé du terrorisme et les militants d’IRA n’ont pas été libérés immédiatement malgré le constat de nullité sus exposé.
Au moment des faits et suite à l’arrestation du Président et de certains membres d’IRA, SOS-Esclaves avait fait remarquer que tout autodafé d’ouvrages de penseurs, à fortiori celui de penseurs islamiques, est choquante, que l’on soit d’accord ou non avec leur contenu.
SOS-Esclaves, cependant, rappelait que la récupération de l’événement ou son usage à des fins d’exclusion et d’intimidation reste tout aussi détestable. Si l’outrage est prouvé en l’occurrence, cela ne justifiait aucunement l’incitation radiotélévisée à l’homicide, la violation de la loi, sans omettre l’évacuation bien commode du débat sur l’esclavage ; aucune réponse, officielle ou sociale, aux demandes de solution religieuse à l’inégalité de naissance n’a suivi l’avènement.
C’est pourquoi SOS-Esclaves dénonçait la brutalité avec laquelle Birame et ses amis ont été appréhendés et appelait le pouvoir et les politiques à jouer un rôle de médiation sociale ; tant d’entre eux, hélas, ont mobilisé les média pour susciter la vindicte populaire quand ils auraient dû se montrer modérateurs de la controverse et acteurs de paix par le dialogue; dans cette affaire.
Ainsi le gouvernement n’a pas réagi en fonction du respect de la dignité de nombreux mauritaniens - les victimes de la servitude traditionnelle et leurs descendants - qu’insulte l’enseignement des préceptes esclavagistes et leur sacralisation.
Aujourd’hui, force est de constater que la classe politique, adopte le silence complice, face à ce qui prend la forme d’un règlement de compte historique, entre le système d’hégémonie ethno-tribal et les artisans de l’aspiration égalitaire à la citoyenneté.
Au moment où seuls les avocats de la défense contestent l’obstination du pouvoir exécutif à enfoncer Birame et ses amis en les faisant passer pour des prévenus dans le cadre du terrorisme, nulle formation politique, ne s’est élevée contre une pression aussi flagrante sur la justice, comme si tous étaient unanimes à ne pas accorder de l’importance au combat contre l’esclavage et ses pratiques; les mêmes étaient pourtant, unanimes, à monter au créneau lorsqu’il avait été question de la démission d’un président de la Cour suprême, lequel, finalement, finira par accepter un poste d’Ambassadeur et renoncera à défendre l’entrave à l’indépendance de sa profession.
Les leaders de partis de l’opposition, l’Ordre National des avocats, avaient vivement condamné cette tentative de contrôle de l’appareil judiciaire. Or, quant il a été clairement établi que le dossier de Birame et ses amis était vide, personne, au sein de la classe politique et la société civile organisée ne se prononcera pour, ne serait que, relever l’abus.
Cette attitude dénote une appropriation défensive et une utilisation abusive de l’Islam, comme parade devant la pressante exigence d’équité et le refus, par les victimes de l’esclavage, d’admettre, désormais, la persistance, à leurs dépens, du privilège et de l’impunité.
Comme le démontre l’affaire Birame, l’Etat mauritanien et ses élites organiquement liées à la domination, sont en train d’instituer le dangereux réflexe de la panique, sur la base d’un esprit de corps visant à perpétuer l'oppression, à décourager les défenseurs des droits de l'hommes, notamment des victimes de l'esclavage et à restreindre les libertés publiques.
Nouakchott, le 5 juin 2012
Boubacar Messaoud,
Président de SOS-Esclaves
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