Il y a quelques jours, j’ai rencontré un médecin français qui a vécu en Afrique. Il m’a dit que nous ne verrons pas, de notre vivant, une Afrique réveillée. Ce matin, j’ai parlé à un vieil ami militant qui m’a dit qu’il n’a plus d’espoir pour ce continent et en particulier pour la Mauritanie. Il m’a dit aussi, avec une voix empreinte de tristesse, « le Mali a tellement suscité d’espoirs mais voilà comment il finit. »
A fin de notre discussion, j’ouvre ma boite mail, je tombe sur un article relatif à Birane Wane, le leader du mouvement « Touche pas à Ma Nationalité » en Mauritanie, dans Jeune Afrique. Le désespoir qui m’a longtemps habité a voulu se réveiller.
Cela fait un certain temps que j’ai compris l’origine du mal dont l’Afrique est atteinte et cela a apaisé ma peine. Ce continent a été à la source de mes souffrances des années durant. Maintenant, je me sens soulagé car j’ai fini par comprendre que les Africains sont responsables de leur situation et qu’ils font peu de choses pour s’en sortir.
En fait, les peuples de ce continent, aujourd’hui, sont victimes de leur propre lâcheté, de leur inconscience. La preuve en est que dans les pays qui ont accepté d’agir avec conscience, le résultat se voit. C’est le cas du Cap vert, du Botswana.
Qu’on laisse de côté cet alibi qui voudrait que les Blancs soient derrière tout. Un peuple dominé, doit, en premier, s’interroger sur sa part de responsabilité. Il est facile de se réfugier derrière une victimisation pour masquer sa lâcheté. Le passé est là, mais il faut agir sur le présent. Personne ne peut nier les méfaits de la colonisation, du néocolonialisme mais on ne peut pas toujours vivre du passé. Ce qui compte, avec mon histoire, est ce que je peux en faire aujourd’hui. Aucun peuple ne peut être dominé s’il est déterminé. On a vu la force des Vietnamiens face aux Yankees.
Les Noirs mauritaniens sont victimes d’eux-mêmes, comme je l’ai souvent écrit, ils ont été victimes de leur propre lâcheté. Les propos d’Abdoul Birane Wane sont ahurissants. Voici ce qu’il dit dans cette interview à Jeune Afrique :
« Alors que nous sommes certains d’être en majorité par rapport aux Arabo-Berbères, les Négro-Mauritaniens restent discriminés dans tous les secteurs. Ceci dit, nous sommes convaincus de l’imminence d’un changement politique en Mauritanie. Une fois ce jour arrivé, nous ne voulons pas que les Négro-Mauritaniens partent en ordre dispersé dans les partis dirigés par les Arabo-Berbères ou les Haratines. C’est pour cette raison que nous ne ménageons aucun effort pour que toutes les forces négro-mauritaniennes soient présentes avec un seul pôle, fort et unifié. »
Les Négro-Mauritaniens ne sont guère majoritaires en Mauritanie. La majorité est Harratine. Je rappelle que les Harratines sont noirs.
Il me paraît idiot de penser en termes communautaires. L’appartenance ne définit pas un projet et ne suffit pas à fonder à une alliance. L’alliance doit avoir pour base un idéal, un projet.
Les Mauritaniens seront un jour ou l’autre obligés de trouver des valeurs qui leur permettront de vivre ensemble ou de se séparer.
Que chacun lutte contre les injustices qu’il subit, cela est normal. Mais cela ne doit pas faire oublier les injustices que subissent les autres. S’il y a une catégorie de population écrasée en Mauritanie, il s’agit bien de celle des Harratines et non des Haalpulaar, wolofs ou Soninké. Les Négro-Mauritaniens ont très tôt bénéficié d’une élite. Celle-ci, en accord avec la féodalité, a composé avec le pouvoir maure. Elles ne se sont guère soucié du sort des Harratines ni du sort des classes inférieures au sein du monde négro-mauritanien.
Wane fait comme si les Négro-Mauritaniens constituaient un bloc naturel. La couleur de peau, l’appartenance ethnique, ne peuvent fonder un combat pour la justice. Ce qui fonde le lien dans un combat est l’idéal. Or, par rapport à la domination maure, tous les Négro-Mauritaniens ne sont pas sur le même piédestal. La féodalité mauritanienne a toujours composé avec le pouvoir maure. Aujourd’hui, il y a des Négro-Mauritaniens qui soutiennent le pouvoir. C’est une erreur que de croire que le fait d’être négro-mauritanien suffit pour rapprocher les membres de cette communauté.
Le problème en Mauritanie est, comme je l’ai toujours souligné, que rares sont ceux qui croient à l’égalité entre les êtres humains. La plupart des militants mauritaniens sont liés par un esprit féodal. L’ignorance est partout en Mauritanie et l’aveuglement soutient une des prétentions. Chacun croit pouvoir tout faire. Il faut d’abord une bonne éducation, un apprentissage à la pensée et à la justice avant de prétendre prendre en charge la destinée de sa communauté.
Chacun veut lutter pour la justice au nom de sa communauté, oubliant que dans sa propre communauté il y a des injustices. C’est un leurre politique que de faire croire aux Maures qu’ils sont tous égaux dans le système. Malheureusement, il s’est enraciné en leur sein une idéologie qui fait qu’ils font bloc face aux autres communautés mauritaniennes. Je comprends que des gens aient tendance à réagir comme ceux qui les dominent. Le danger, avec cette démarche, est qu’ils reproduisent le système de ceux qui les ont soumis sous leur joug lorsqu’ils en auront les moyens. Le cas des Harratines est assez instructif. Certains Harratines, une fois libérés de l’esclavage, ont pu acquérir des esclaves noirs comme eux. Ils ont agi comme le font leurs maîtres.
Ce que je crains avec le raisonnement de Wane est qu’il ne cherche le pouvoir et qu’il ne reproduise ensuite le système maure. Ce système n’est pas juste car il écrase des communautés et exclut en son sein des individus : les basses couche, les hommes castés. La société négro-mauritanienne est une société inégalitaire. Ce que je crains avec la démarche de Wane est qu’elle ne laisse de côté cette donnée.
Je crois qu’il faut cesser de penser à un pouvoir communautariste. Il faut penser à établir un Etat égalitaire. Ainsi la lutte des Négro-Mauritaniens doit s’inscrire dans une stratégie de libération comme par exemple l’ont fait les Noirs américains. Aujourd’hui, Obama ne préside pas pour les Noirs américains mais pour tous les Américains.
Le combat qui est mené aujourd’hui doit être celui des droits civiques. Il faudra arriver à un Etat égalitaire et la question de l’égalité dépasse les clivages ethniques. Toutes les sociétés mauritaniennes sont inégalitaires. Il faut arriver à créer un Etat fondé sur l’égalité des citoyens. Dans cet Etat, les droits des Harratines, des Négro-Mauritaniens, des Maures seront respectés.
Oumar Diagne
Écrivain
Mr Diagne vous avez une vision tres ideale et idealiste de ce que doit etre le combat contre l'oppression et le systeme base sur la marginalisation des autres.Mais vous tombez dans la meme erreur que celle de Mr Wane.Vous avez plutot aligne votre analyse sur les droits d'une communaute et plus precisemment les Haratines.Les Haratines ont ete exploites par leurs maitres qui ont fait d'eux des esclaves et des sous hommes.Aujourd'hui le combat des Haratines doit concerner tout mauritanien soucieux de l'avenir du pays.On ne peut developper un pays en excluant une grande frange de ce pays.Le combat des Haratines et celui des Negros Mauritaniens sont les memes.Je crois que les gens honnetes des deux communautes doivent s'unir et mettre de cote les complexes ethnico raciales pour mener le combat ensembleEt bien sur cela ne signifie pas exclure les autres.Nous devons batir une Mauritanie egalitaire fondee sur des bases de justice sociale.
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