Translate

mardi 1 mai 2012

Quand Biram brûle des livres


Je suis surpris de la réaction de certains  prétendus intellectuels mauritaniens que j’appelle d’ailleurs des lettrés à propos de l’acte de Biram. Biram n’a pas brulé le Coran. Il a brulé des textes écrits de mains d’homme. Il s’      agit d’un acte de provocation pour marquer les esprits. Peut-on croire à un Dieu injuste. Dieu est un Dieu d’amour et de justice. Mohamed lui-même, de son vivant, a, malgré l’opposition d’une société rétrograde, condamné l’esclavage.
Comme le dit avec pertinence  Khaled Abass, « le tollé soulevé par cet acte, même auprès d'intellectuels dits libéraux, est effrayant. C'est à qui va faire le plus de surenchère islamique. C'est la démagogie dans ses formes les plus caricaturales.
 C'est effrayant parce que, si elles sont sincères, ces protestations, dénotent non seulement d'un obscurantisme généralisé mais aussi d'une unicité de la pensée qui met à nu un totalitarisme qui existait déjà  mais qu’on voudrait aujourd’hui imposer comme fait accompli : le malékisme est devenu religion imposée !!!? »1
« L'islam prend naissance dans un monde dont l'esclavage est une composante, et Mahomet accorde un statut aux esclaves différent de celui accordé aux esclaves chez les Grecs et les Romains avant lui. La tradition prophétique ne rapporte aucune réduction à l'esclavage d'où l'affirmation de certains que l'idéologie esclavagiste en islam est une institution ultérieure à Mahomet. Néanmoins, des compagnons ont rapportés ces paroles: "Je serai l’adversaire de trois catégories de personnes le Jour du Jugement. Et parmi ces trois catégories, il cita celui qui asservit un homme libre, puis le vend et récolte cet argent."
Seul livre religieux établissant un plan d'État et privé d'affranchissement systématique et progressif des esclaves, tel que l'allocation d'une part du budget de l'État pour l'émancipation, le Coran n'interdit pourtant pas formellement l'esclavage. Il légalise en fait la pratique, en vigueur à l'époque en Arabie comme ailleurs, consistant à réduire en esclavage les ennemis capturés sur le champ de bataille.
            L'asservissement des prisonniers de guerre n'est pas pratiqué par les premiers califes ; Omar ibn al-Khattab  (634-644) est d'ailleurs à l'origine d'une législation qui vise à interdire de mettre en servitude un musulman. Il y fait toutefois la distinction entre les « infidèles » et les croyants. Cette prescription, qui encourage les musulmans aura par la suite des répercussions dans le cadre des campagnes de razzias en Afrique noire et dans le Sud de l'Europe, où les habitants sont capturés puis livrés au trafic d'esclaves. Ainsi, Gao et surtout Tombouctou, villes à majorité musulmane, prospèrent aux XVe siècle et XVIe siècle grâce à la traite arabe transsaharienne. » 2
A titre  d’exemple, je trouve les propos d’El Arby Ould Salek très curieux. Voici ce qu’il dit : «  Le combat  des militants des Droits de l’Homme a ses règles et ses codes desquels on ne peut, on ne doit s’affranchir dans une société, un pays comme la Mauritanie où le référent idéologique en présence se nourrit d’une ignorance sans égard.
Dans la jeune histoire des militants des Droits de l’Homme mauritaniens le travail de Sisyphe entamé il y a peu vient d’être sapé dans son élan, par un acte irrationnel qui relève de l’émotion.
            De la même manière, les conséquences de cet acte auront obligatoirement une forte décharge émotionnelle en ce sens qu’il a été perpétré contre un symbole et non des moindres, la religion dans un pays qui porte en lui toutes les contradictions à commencer par sa dénomination : République Islamique….Dans le combat contre tous les monstres, la fin ne justifie pas tous les moyens.
            L’acte de Birame est d’abord une erreur stratégique dont les conséquences seront néfastes pour les personnes qu’il défend et les autres militants des Droits de l’Homme comme l’auteur de ces lignes qui n’a jamais partagé l’orientation et les méthodes de son combat. Ensuite il les rend,  vulnérable dans un pays où le socle culturel et social dominant se glorifie d’une religion, l’Islam. Il pose certes une bonne question intellectuelle  mais la réponse est maladroite, on ne s’attaque pas aux symboles de cette façon. Cette attitude peut paraître blessante, en un mot c’est une faute. S’attaquer aux symboles d’un État, privatisé et détourné de sa mission protectrice de l’individu peut être cautionné, voire même soutenu. Mais notre univers intellectuel doit nous commander de ne pas s’attaquer aux symboles d’une croyance même minoritaire. Une église, une mosquée, une synagogue, une Bible, un Coran, une Torah sont des symboles qui transcendent toutes les souffrances dans un monde où le choc des civilisations est érigé en combat. Nous n’avons pas besoin de cette approche et il est à se demander de quelle idéologie ses tenants se réclament… »
 Je suis étonné des prétentions  d’Ould Saleck. Qui a défini les règles du militantisme en matière des droits de l’Homme. Peut-il prédire avec exactitude  les conséquences de l’acte de Biram ? Cet acte ne pourrait-il  démystifier les écrits fallacieux de certains musulmans surtout arabes Il y a un complexe des Mauritaniens de tout ce qui vient des pays arabe, voilà qu’un homme ose brûlé un écrit d’un arabe. Je n’ai pas conseillé Biram de le faire mais je pense qu’il a déjà gagné. Son acte a fait écho.
La seconde erreur d’Ould Saleck est de confondre Coran et commentaire du Coran. Biram n’a pas brûlé un texte sacré. Il s’insurge contre une fausse lecture de ce texte et de son instrumentalisation en vue d’asservir des hommes. Les textes brûlés par Biram sont une horreur humaine et  Dieu ne peut cautionner ce qui est inhumain. Dieu peut-il être mauvais ? Peut-on croire à un Dieu de l’injustice ?
             Je suis aussi  surpris de ce communiqué de la direction de L’IRA où le mouvement dit  "regretter le mal commis par l’acte d’incinération que nous assumons du reste ».  Tout en le présentant comme « une erreur de parcours », le communiqué « assume » donc l’acte qu’il impute à la « déception de voir que toute une société, basée sur l’injustice et l’inégalité, se refuse à changer, en allant dans le bon sens de l’égalité entre tous ses membres".3
            Parfois, il faut accepter de ne pas être compris, heurter l’opinion. On ne peut pas toujours vouloir contenter l’des incultes Le devoir doit nous pousser à aller à l’encontre de l’opinion des masses. Un vrai démocrate est celui qui ose assumer.
             Que des mauritaniens soient choqués, cela est révélateur de leur ignorance. Comment peut-on croire en Dieu tout en  ignorant sa parole ?    Dieu exhorte les musulmans à connaître sa parole. Mohamed a dit : " Lisez le Coran ! Le jour de la résurrection il viendra intercéder en faveur de celui qui le récite." [Rapporté par Moslim] " Les cœurs se rouillent comme le fer ", dit le Prophète. "Comment leur rendre leur éclat ? ",  Demandèrent ses compagnons. "Par la récitation du Coran et l’évocation de la mort." L’idée centrale du Coran est celle de l’amour et de la justice. Voici ce que nous dit la Sourate 2, La vache (Al-Baqarah) verset 177 : « La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allah, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu'amour qu'on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l'aide et pour délier les jougs, d'accomplir la Salat et d'acquitter la Zakat.  Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu'ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux ! »
Dans  la sourate 3 (La famille d'Imran, Aal ‘Imran), verset 92.  Il est affirmé Vous n’atteindrez la vraie piété qu’en faisant aumône d’une part des biens que vous aimez. Et quelque aumône que vous fassiez, Dieu en est parfaitement informé.
Pour ce  qui est  de la justice,  les versets suivants sont assez évocateurs : « Nous avons effectivement envoyé Nos messagers avec des preuves évidentes, et Nous avons révélé, par leur intermédiaire, l’Écriture et la Balance, afin que les gens établissent la justice. » (Coran 57:25) ou « Certes, Dieu enjoint la justice, la bienfaisance et l’assistance aux proches.  Et Il interdit l’indécence, l’injustice et la rébellion » (Coran 16:90)
En ce qui concerne les Hadiths, on peut retenir ceux-ci : « Il y a sept catégories de personnes que Dieu abritera sous Son ombre au Jour où il n’y aura aucune ombre à part la Sienne.  L’une d’elles est un dirigeant juste. » (Sahih Mouslim) et  « Ô Mes serviteurs!  Je me suis interdit l’injustice à Moi-même, et Je vous l’ai également interdite.  Ne soyez donc pas injustes les uns envers les autres. » (Sahih Mouslim)
Que cela plaise ou pas à certains mauritaniens, tout ce qui n’est pas amour et justice n’est pas de Dieu. Ceux qui interprètent le Coran dans un sens autre que cela blasphèment. Les textes auxquels s’est attaqué Biram sont  donc blasphématoires. On peut donc en faire ce que l’on veut.
Si les Mauritaniens aimaient autant Dieu, ils haïraient l’esclavage et les théoriciens de sa légitimation.
Oumar Diagne
Ecrivain



1L’affaire Biram Ould Dah et les livres brûlés
2L’esclavage dans le monde arabo-musulman in http/://frwikipédia.org/wiki

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire