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mardi 3 janvier 2012

L’énigme du mot Harratine ou Hratin


Certains ne veulent pas entendre ce mot se prononcer à côté d’eux; d’autres le qualifie d’insulte et les plus pragmatiques le considère comme un mot qui divise mais les indexés d’extrémistes  en sont fiers.  Chose étrange, l’origine de  ce mot qui laisse tout  Mauritanien perplexe, ne coule  ni l’encre  des écrivains nationaux, ni  des journalistes  ni de nos historiens.  Le fait de prononcer ce mot ou de le citer dans les écrits est-il un tabou ?  Pourquoi le mot Hratin  dérange aussi bien au niveau populaire qu’au niveau officiel ?  Pourquoi les Hratin ne sont pas reconnus  comme une unité  dans un pays où ils représentent la moitie de la population ?  
              Plusieurs interprétations  sont avancées comme origine du mot Hratin. La définition la plus divulguée et la plus populaire est celle qui avance que le mot Hratin vient du mot « Hor » et « Tarri », littéralement le « nouveau homme libre ». Une autre définition, qui est aussi assez populaire, énonce  que Hratin vient du mot Harathine, les cultivateurs.  Pour ne pas se perdre dans les méandres de  l’histoire où les références sont très rares sur ce sujet précis, nous allons rétablir le mot Hratin dans le contexte socioculturel  local actuel.     
              Dans la Mauritanie contemporaine, après la guerre  de Char Baba, le mot Hratin est toujours resté inhérent à l’esclavage, même si la pyramide élaborée  par la société bidhane place les Hratins juste au-dessous des arabes et des zawayas et au-dessus  des  forgerons, des griots et des esclaves.  Pour cette société, tout citoyen qui n’est pas un Kori, Pulaar, Wolof ou Soninké,  est  Abde (esclave), ou un Hartani de telle tribu  dans le meilleur  des cas.  Assurément, dans le langage local,  le mot Hratin est utilisé pour designer un subalterne dans la société. Pour l’homme libre qui est bien accueilli dans l’aristocratie de Tevragh Zeina, quartier chic de Nouakchott, fondée sur la richesse et non sur la noblesse généalogique, ce mot chambarde.
              Le mot entrave son intégration dans la société Bidhan.  Dans son imagination, il est devenu un maître comme les fils des grandes familles. Il possède une grande villa pleine de domestiques qu’ils peuvent réduire en esclaves  car rien ne l’entrave; ni l’application de la loi ni les plaintes pouvant parvenir des domestiques eux-mêmes.  Il assiste  aux réunions organisées par la tribu et il peut même donner son avis. Il se considère  comme  un Bidhani plus Bidhani même que les Bidhanes qui le signalent comme un Hartani.  Enigme difficile à comprendre si on ne vit pas en Mauritanie.
                     La société Bidhane a toujours expurgé les mœurs et les cultures non arabes dans le pays pour confectionner une société Bidhane d’origine arabe à 100%.  La civilisation berbère est radiée  totalement de l’histoire du pays.  La culture africaine est façonnée et adaptée au contexte Bidhane.  Les Hratin  aristocrates ont copié un mode de vie Bidhane. Ils ne sont plus des Hratins mais des Bidhanes.  Ils sont complexés maintenant d’être des Hratins. Sont-ils phagocytés par la société Bidhane ou c’est eux qui se sont déracinés pour trouver une place dans cette société instable ?  La société Bidhane va-t-elle  réussir à absorber la société Hratine.       
              Nous sommes semblables disent les bidhane et les  hratins qui vivent dans la paranoïa le croient. Ces Hratins  vivent dans une phobie absolue. Ils ont révoqué  leur origine pour se faire une nouvelle personnalité. Possible certes, il peut réussir comme les gens qu’ils ont imités mais, se sera pour un temps court. Car n’ira pas loin celui qui ne sait pas d’où il vient. Ils ne réussiront pas. Ils seront des étrangers dans cette société fantôme. Pire, ils seront des esclaves de leur acte. Ils sont conscients en eux-mêmes qu’ils ne sont pas des Bidhans, ni par leur origine ni par leur physionomie. Même quand on fouille dans l’histoire contemporaine, ont trouve facilement leur origine Hratin. Donc, ils sont des Hratins mais ils sont complexés de ce mot.   
              Enfin, quand ces Hratins quittent le pouvoir et  redeviennent pauvres comme leurs vrais semblables, ils pourront apercevoir qu’ils ne sont pas comparables avec les Bidhans. Ils seront obligés de vivre dans les quartiers populaires entre les Hratins alors que les Bidhans qui quittent le pouvoir vont rejoindre leur villa au Maroc ou en Espagne. Quand ils visitent les administrations, ils vont apercevoir que les postes des cadres sont occupés par les Bidhans et que les postes subalternes sont détenus  par les Hratins. Ils pourront aussi découvrir que les admis pour les concours des cadres, soit dans l’administration ou dans les différents corps  militaires, sont à 99% des Bidhans. Ils pourront aussi remarquer que les bourses octroyées chaque année pour des études et les formations  à l’étranger  sont réservées exclusivement aux Bidhans. Dans les deux chambres du Parlement, les Bidhan représentent  90%  alors qu’ils ne constituent  pas plus de 25% de la société !
              Pour conclure,  je reviens sur l’adage Wolof qui dit « le séjour du bâton dans l’eau ne fait pas de lui un crocodile ». Les Hratins sont des Hratins et resteront des Hratins. C’est à eux de valoriser leur origine et de forger leur place dans la société. Soyons fiers de ce mot qui nous conglomère tous : esclaves, esclaves affranchies, descendants d’esclaves ou nègres  apparentés aux Hratin.  Nous avons une culture propre à nous. Luttons pour la préservation de notre culture. Luttons pour la création d’un institut de recherches et des études de la culture Hratin.  Luttons pour la reconnaissance des Hratin comme une composante indépendante de la société Mauritanienne.
Cheikh Abdel Ahad
Membre dirigeant de l’IRA

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