La Nouvelle Expression : Pouvez-vous nous parler de ce qui s’est passé la journée du 4 Janvier 2012 devant le Ministère de la Justice, au cours de votre sit-in de soutien à l’opposant Moustapha O. Limam Chaafi ? Avez-vous des liens particuliers avec ce dernier ?
Biram Dah Abeid : J’ai constaté, dès le début du sit-in, à ma gauche, la présence d’un policier que je connais bien de vue. Il était ce jour là habillé en civil et paraissait vouloir s’approcher de moi davantage. Entre lui et moi, il y avait les trois députés, Moustapha Ould Bedredine, Nana Mint Mohamed Laghdaf et Saleck Ould Sidi Mahmoud et bien d’autres personnes. Je le surveillais du coin de l’œil et, à un certain moment, seul Moustapha Ould Bedredine me séparait de lui.
C’est à ce moment-là que je l’ai signalé, par un clin d’œil, aux jeunes de la sécurité de IRA. Les jeunes ont fermé l’angle que ce policier voulait occuper entre Bedredine et moi. Il s’est retiré et nous l’avons presque oublié, quand un jeune de la sécurité crie, derrière nous : « Attention, il est entrain de prendre son arme ! ».
A cet instant - diront les témoins oculaires - le brigadier de police, actuellement en service à la Direction de la Sureté de l’Etat (DES), avait introduit sa main sous ses habits, tentant de dégainer son arme. Notre sécurité rapprochée l’a maitrisé, l’a désarmé et, tout en empêchant la foule de s’en prendre à lui, l’a remis à une brigade de la garde, venue à la rescousse de l’on ne sait où. Je note, en plus, deux éléments qui éclairent l’incident : 1) notre commission de sécurité n’intervient qu’au cas où un agresseur est doté d’une arme et est entré en phase d’exécution ; 2) l’agresseur est le brigadier de police Isselmou Ould Mohamd El Mostapha, en fonction à la Direction de la Sûreté et est originaire d’Aioun…
Pour répondre au deuxième aspect de votre question, bien sûr que j’ai des liens particuliers avec Moustapha Ould Limam Chaafii : nous sommes unis par notre ambition commune et désintéressée pour la Mauritanie de l’égalité d’abord, de la paix dans la justice ensuite. Notre dessein pour ce peuple, ce pays, consiste à l’émanciper, définitivement, des anachronismes comme l’esclavage, le racisme et leurs corollaires, à commencer par la sacralisation du pouvoir autoritaire, la crainte des représailles, la résignation et l’apolitisme. Nous combattons la mauvaise gouvernance et le népotisme, deux grands maux incarnées, aujourd’hui, par le général Mohamed Ould Abdel Aziz.
En effet, Moustapha et moi, et bien d’autres fils dignes et intègres de ce pays, sommes liés par le serment de mettre un terme au système de brigandage, d’injustice et d’oppression que les militaires ont implanté dans le pays. Nous voulons en finir avec l’implication des officiers et soldats dans la régulation et la compétition politiques.
Sur quelles observations vous basez-vous pour conclure à une tentative d’assassinat contre votre personne ?
BDA : Que vous appeliez cela tentative d’assassinat ou d’intimidation, les termes importent peu face à des faits incontestables : le policier armé n’était pas en position de veiller à l’ordre pendant le sit-in car habillé en civil et se faufilait à la recherche de sa cible ; d’ailleurs, ce jour-là, nous avons remarqué une forte présence d’agents sans uniforme. Il fallait, pour les services de sécurité, créer un désordre pendant le meeting ; il n y a avait pas des forces de l’ordre pour canaliser la manifestation et prévenir les débordements mais, plutôt, des éléments infiltrés afin de susciter un désordre.
Nous avons remarqué que les élément de police désignés pour cette mission étaient issus des deux tribus Tajakanett et Oulad Naceur, ce qui a un rapport avec Moustapha Chaffii et Saleh Ould Hanena. Or, l’arrivée tardive de Saleh Ould Hanana sur les lieux du sit-in et la vigilance des membres de l’IRA nous ont fait éviter le pire. En tout état de cause, si le présumé agresseur n’avait pas tenté de dégainer son arme, personne ne l’aurait appréhendé.
Avez-vous porté plainte ? Si oui, où en est-on avec la procédure ?
BDA : Nous sommes en concertation avec nos avocats pour le besoin de la plainte.
Quelle explication donnez-vous à ce qui ressemble de plus en plus à un acharnement du système contre vous ?
BDA : L’intensité, la prégnance et la forte résonnance du discours de IRA au sein des milieux populaires et de la classe moyenne mettent les groupes dominants en alerte permanente. Ces milieux sentent qu’un changement qualitatif, une rupture, se profile à travers l’agglomération des forces progressistes du pays, une conjonction des forces sociales, politiques et civiles où l’IRA joue un rôle de catalyseur. Le président de IRA incarne la visibilité de cet effort ; l’assassinat de n’importe quel autre opposant mauritanien va sceller, très rapidement, la fin du pouvoir raciste, esclavagiste et tribalo-clanique de Mohamed Ould Abdel Aziz.
IRA était connue jusque-là comme une organisation de défense des droits de l’homme. Mais récemment, elle se serait érigée en front politique. Pouvez-vous donner des éclairages sur ce glissement ?
BDA : Notre organisation reste une ong des droits humains, doublée d’un mouvement d’idées et, sans aucune intention de proposer un projet de société, ni aucune aspiration à prendre le pouvoir ou gouverner ; ceci reste pour nous, l’apanage des partis politiques.
En plus, le président de IRA, en tout cas son président actuel, il s’agit de moi Biram Ould Dah Ould Abeid, je renonce solennellement et définitivement à occuper des postes politiques ou de gestion des affaires publiques dans mon pays ; mon rôle consisterait à contribuer par mes idées, mes actions sur le terrain et mon sacrifice, à la déconstructions totale des systèmes social et étatique en Mauritanie basés sur l’injustice, le non-droit, le racisme et l’esclavage. Il n’est pas de notre faute qu’en raison de l’impunité et de la culture de l’amnistie-amnésie, tous les enjeux publics se politisent dans notre pays.
Il n’est plus possible d’entamer une revendication catégorielle, circonstancielle ou corporatiste sans qu’elle croise une revendication partisane ou une réaction du pouvoir. A force de surseoir, de diluer, de différer, les contradictions s’accumulent, se lient et la politique envahit l’espace social jusqu’à la saturer. C’est ainsi qu’interviennent les ruptures douloureuses. La Mauritanie a atteint ce stade.
Vous avez récemment rencontré l’ancien Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi. Peut-on connaître la teneur de cet entretien ?
BDA : L’entretien avec le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi relève d’abord de ma mission en tant qu’initiateur du deuil de Inal et de coordonateur de cette action entre les différents acteurs qui ont pris part à ce très haut acte de portée nationale, humaine et humanitaire. Des recommandations importantes, sous forme de mémorandum, ont conclu le voyage de Inal, le 28 novembre passé. Le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, par sa probité, la force de ses principes et son statut d’unique Président démocratiquement élu en Mauritanie, devait être sollicité pour apporter son soutien et sa bénédiction à la démarche et en connaitre la suite.
Comment voyez-vous l’avenir de la Mauritanie en 2012 ?
BDA : L’avenir de la Mauritanie est très sombre, malheureusement, car nous pouvons basculer dans le désordre et la violence indicible à tout moment : Ould Abdel Aziz - qui a donné suffisamment de preuves de son incapacité à réfléchir et agir en homme d’Etat – doit être neutralisé et mis hors d’état de nuire. Et un tel impératif interpelle, aujourd’hui, chaque Mauritanien. Nos compatriotes ont eu le temps de méditer le Printemps arabe.
Propos recueillis par Seydi Moussa Camara
Biram Dah Abeid : J’ai constaté, dès le début du sit-in, à ma gauche, la présence d’un policier que je connais bien de vue. Il était ce jour là habillé en civil et paraissait vouloir s’approcher de moi davantage. Entre lui et moi, il y avait les trois députés, Moustapha Ould Bedredine, Nana Mint Mohamed Laghdaf et Saleck Ould Sidi Mahmoud et bien d’autres personnes. Je le surveillais du coin de l’œil et, à un certain moment, seul Moustapha Ould Bedredine me séparait de lui.
C’est à ce moment-là que je l’ai signalé, par un clin d’œil, aux jeunes de la sécurité de IRA. Les jeunes ont fermé l’angle que ce policier voulait occuper entre Bedredine et moi. Il s’est retiré et nous l’avons presque oublié, quand un jeune de la sécurité crie, derrière nous : « Attention, il est entrain de prendre son arme ! ».
A cet instant - diront les témoins oculaires - le brigadier de police, actuellement en service à la Direction de la Sureté de l’Etat (DES), avait introduit sa main sous ses habits, tentant de dégainer son arme. Notre sécurité rapprochée l’a maitrisé, l’a désarmé et, tout en empêchant la foule de s’en prendre à lui, l’a remis à une brigade de la garde, venue à la rescousse de l’on ne sait où. Je note, en plus, deux éléments qui éclairent l’incident : 1) notre commission de sécurité n’intervient qu’au cas où un agresseur est doté d’une arme et est entré en phase d’exécution ; 2) l’agresseur est le brigadier de police Isselmou Ould Mohamd El Mostapha, en fonction à la Direction de la Sûreté et est originaire d’Aioun…
Pour répondre au deuxième aspect de votre question, bien sûr que j’ai des liens particuliers avec Moustapha Ould Limam Chaafii : nous sommes unis par notre ambition commune et désintéressée pour la Mauritanie de l’égalité d’abord, de la paix dans la justice ensuite. Notre dessein pour ce peuple, ce pays, consiste à l’émanciper, définitivement, des anachronismes comme l’esclavage, le racisme et leurs corollaires, à commencer par la sacralisation du pouvoir autoritaire, la crainte des représailles, la résignation et l’apolitisme. Nous combattons la mauvaise gouvernance et le népotisme, deux grands maux incarnées, aujourd’hui, par le général Mohamed Ould Abdel Aziz.
En effet, Moustapha et moi, et bien d’autres fils dignes et intègres de ce pays, sommes liés par le serment de mettre un terme au système de brigandage, d’injustice et d’oppression que les militaires ont implanté dans le pays. Nous voulons en finir avec l’implication des officiers et soldats dans la régulation et la compétition politiques.
Sur quelles observations vous basez-vous pour conclure à une tentative d’assassinat contre votre personne ?
BDA : Que vous appeliez cela tentative d’assassinat ou d’intimidation, les termes importent peu face à des faits incontestables : le policier armé n’était pas en position de veiller à l’ordre pendant le sit-in car habillé en civil et se faufilait à la recherche de sa cible ; d’ailleurs, ce jour-là, nous avons remarqué une forte présence d’agents sans uniforme. Il fallait, pour les services de sécurité, créer un désordre pendant le meeting ; il n y a avait pas des forces de l’ordre pour canaliser la manifestation et prévenir les débordements mais, plutôt, des éléments infiltrés afin de susciter un désordre.
Nous avons remarqué que les élément de police désignés pour cette mission étaient issus des deux tribus Tajakanett et Oulad Naceur, ce qui a un rapport avec Moustapha Chaffii et Saleh Ould Hanena. Or, l’arrivée tardive de Saleh Ould Hanana sur les lieux du sit-in et la vigilance des membres de l’IRA nous ont fait éviter le pire. En tout état de cause, si le présumé agresseur n’avait pas tenté de dégainer son arme, personne ne l’aurait appréhendé.
Avez-vous porté plainte ? Si oui, où en est-on avec la procédure ?
BDA : Nous sommes en concertation avec nos avocats pour le besoin de la plainte.
Quelle explication donnez-vous à ce qui ressemble de plus en plus à un acharnement du système contre vous ?
BDA : L’intensité, la prégnance et la forte résonnance du discours de IRA au sein des milieux populaires et de la classe moyenne mettent les groupes dominants en alerte permanente. Ces milieux sentent qu’un changement qualitatif, une rupture, se profile à travers l’agglomération des forces progressistes du pays, une conjonction des forces sociales, politiques et civiles où l’IRA joue un rôle de catalyseur. Le président de IRA incarne la visibilité de cet effort ; l’assassinat de n’importe quel autre opposant mauritanien va sceller, très rapidement, la fin du pouvoir raciste, esclavagiste et tribalo-clanique de Mohamed Ould Abdel Aziz.
IRA était connue jusque-là comme une organisation de défense des droits de l’homme. Mais récemment, elle se serait érigée en front politique. Pouvez-vous donner des éclairages sur ce glissement ?
BDA : Notre organisation reste une ong des droits humains, doublée d’un mouvement d’idées et, sans aucune intention de proposer un projet de société, ni aucune aspiration à prendre le pouvoir ou gouverner ; ceci reste pour nous, l’apanage des partis politiques.
En plus, le président de IRA, en tout cas son président actuel, il s’agit de moi Biram Ould Dah Ould Abeid, je renonce solennellement et définitivement à occuper des postes politiques ou de gestion des affaires publiques dans mon pays ; mon rôle consisterait à contribuer par mes idées, mes actions sur le terrain et mon sacrifice, à la déconstructions totale des systèmes social et étatique en Mauritanie basés sur l’injustice, le non-droit, le racisme et l’esclavage. Il n’est pas de notre faute qu’en raison de l’impunité et de la culture de l’amnistie-amnésie, tous les enjeux publics se politisent dans notre pays.
Il n’est plus possible d’entamer une revendication catégorielle, circonstancielle ou corporatiste sans qu’elle croise une revendication partisane ou une réaction du pouvoir. A force de surseoir, de diluer, de différer, les contradictions s’accumulent, se lient et la politique envahit l’espace social jusqu’à la saturer. C’est ainsi qu’interviennent les ruptures douloureuses. La Mauritanie a atteint ce stade.
Vous avez récemment rencontré l’ancien Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi. Peut-on connaître la teneur de cet entretien ?
BDA : L’entretien avec le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi relève d’abord de ma mission en tant qu’initiateur du deuil de Inal et de coordonateur de cette action entre les différents acteurs qui ont pris part à ce très haut acte de portée nationale, humaine et humanitaire. Des recommandations importantes, sous forme de mémorandum, ont conclu le voyage de Inal, le 28 novembre passé. Le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, par sa probité, la force de ses principes et son statut d’unique Président démocratiquement élu en Mauritanie, devait être sollicité pour apporter son soutien et sa bénédiction à la démarche et en connaitre la suite.
Comment voyez-vous l’avenir de la Mauritanie en 2012 ?
BDA : L’avenir de la Mauritanie est très sombre, malheureusement, car nous pouvons basculer dans le désordre et la violence indicible à tout moment : Ould Abdel Aziz - qui a donné suffisamment de preuves de son incapacité à réfléchir et agir en homme d’Etat – doit être neutralisé et mis hors d’état de nuire. Et un tel impératif interpelle, aujourd’hui, chaque Mauritanien. Nos compatriotes ont eu le temps de méditer le Printemps arabe.
Propos recueillis par Seydi Moussa Camara
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