L' Editorial de La Nouvelle Expression : A mon ami Biram.
Autodafé. C’est ce dont on t’accuse. On t’accuse d’autodafé sur des écrits d’un jurisconsulte musulman, Mukhtasar khalil. Des écrits qui légitiment l’esclavage dans l’islam alors qu’Allah (SWT) dit : «Point de distinction de race ou de rang en Islam ». Une vérité coranique bottée en touche en Mauritanie, notre pays. Dans notre religion, l’Islam, c'est Dieu, de toute évidence, Qui est l'Absolu ; et l'homme est le relatif.Mon ami, par ton acte, Aziz se voit revigoré ; si bien qu’il demande l’application de la Charia. Par ton geste contre l’opinion de ce jurisconsulte, tu es livré à la vindicte populaire. Des foules sont instrumentalisées, avec, parfois, désinformation, mensonge.
Les auteurs de ces mensonges disent vouloir défendre l’Islam. Selon eux, notre religion (le monothéisme pur) vient de subir un coup par ton fait. Oublient-ils que le Prophète (PSL) a dit, s’adressant aux musulmans : « Le menteur n’est pas de nous » ?
Mon ami, à voir l’indignation de certains (contrairement à celle, de bonne foi d’autres), ce n’est pas pour l’autodafé qu’ils demandent qu’on te règle les comptes, mais pour ta qualité de militant des droits de l’homme qui dérange. Beaucoup de ces indignés (je ne parle pas de ceux qui le sont réellement, et qu’on comprend), ne sont pas plus pieux que toi. Il ne serait pas exagéré de dire qu’ils ne sont musulmans que de nom.
Biram, ceux qui se réclament comme étant le peuple demandant ta tête aujourd’hui sont ce même « peuple » qui n’a pas bronché, quand sur les « ondes nationales », un mufti saoudien a lancé un appel à ses compatriotes à qui il a demandé, pour expier leurs pêchés, de venir racheter des esclaves en Mauritanie.
Mon ami, ce « peuple » et ses ulémas, qui marchent contre toi, n’est-ce pas les mêmes qui, jamais, n’ont marché pour la misère, la barbarie et les injustices contre leurs propres compatriotes musulmans tués, torturés, chassés ?
Mon ami, ce « peuple », ses ulémas, son élite et ses pouvoirs publics qui veulent te bannir sont ceux-là même qui n’ont jamais levé le petit doigt quand des enquêtes sérieuses de notre journal avaient révélé l’existence, sur notre territoire, d’une secte protestante qui évangélisait des citoyens mauritaniens et avait profané le Coran (notre livre saint), d’après le ministère l’Intérieur, au bord de la mer.
Pire. A l’époque, ce même ministère de l’Intérieur avait demandé à notre journal de surseoir à la publication de nos investigations, pour besoin d’enquête (disait-il). Ce ministère disait que notre journal avait rendu un grand service au pays ; que l’heure était grave ; que la balle était désormais dans le camp des autorités.
Des mois s’étaient pourtant écoulés sans que le ministère n’ait pris la moindre décision faisant croire qu’il voulait mettre un terme aux méfaits de cette secte, poussant ainsi notre journal à reprendre ses publications sur le sujet, autant pour mettre en garde nos compatriotes contre les agissements de ceux qui, sous le manteau de l’aide, voulaient en sourdine acculturer notre peuple et détourner ses fils de leur religion et des valeurs qui la fondent. Nous n’avions fait que notre devoir et par amour pour notre sainte religion et celui de notre pays.
Nous l’avions fait malgré les intimidations, et même des tracasseries venues du plus haut niveau de l’Etat. Curieusement, seul un imam était venu à notre rescousse, exception faite, récemment, d’un homme de presse qui a financé des cassettes audio sous forme de campagne contre cette agression culturelle et cultuelle inacceptable.
Mon ami Biram, quel crédit donner à certains de « ces gens » qui nous parlent, ici, de l’Islam et de sa protection alors que tout indique que, dans leur comportement de tous les jours, ils sont hypocrites, qu’ils sont malhonnêtes? Qui croient-ils tromper ? Les humains ? Dieu, certainement pas. Comme l’a dit, à juste titre, un savant musulman : «Avec DIEU, on se permet tout mais IL sait se défendre», DIEU étant Le Meilleur juge.
Mais, où étaient donc certains de ces défenseurs de l’Islam, notre religion, quand un religieux, donnant un livre de Coran comme cadeau à Ould Taya, avait déclaré « Excellence, veuillez accepter ce modeste cadeau !! » ? Ils étaient où quand on tuait d’autres musulmans en plein Ramadan sur cette terre de Mauritanie ? Ils étaient où ces marcheurs, défenseurs de l’Islam, quand on saccageait les mosquées dans ce pays, la patrie marcheurs contre l’autodafé des écrits du savant égyptien ? Ils étaient où quand un ministre chargé du culte avait menacé de transformer les mosquées – qu’il trouvait nombreuses (le comble !) – en boulangeries ? Tout ceci s’est passé pourtant ici sans que certains, à l’indignation bien sélective, ne bronchent ou n’aient eu à redire !
Mon ami, cet Etat qui dit défendre l’Islam par l’introduction de la Charia, n’est-il pas le même qui expropriait et déportait ses citoyens, dilapidait les biens publics, accentuait la disparité entre ses administrés, entretenait le régionalisme, le chauvinisme, favorisait l’incivisme et cultivait l’hypocrisie ? Cet Etat là peut-il vraiment être le défenseur de l’Islam ? Un Etat qui excelle dans le reniement, le dédit, le déni… Un Etat qui exclut et frustre sa population ne peut prétendre défendre l’Islam. L’Islam, notre religion, a suffisamment de défenseurs pour que l’Etat vienne y mettre sa patte (pâte) ; et le jour des comptes chacun sera rétribué selon ses mérites. Dieu Est Juste. Dans cette rétribution, les hypocrites ne seront pas oubliés.
Mon ami Biram, ce que tu as fait est une occasion rêvée pour tes contradicteurs. Ils se sont jetés là-dessus comme des mouches sur une viande pourrie et, depuis, chacun d’eux y va de sa salve et de sa littérature. Alors pour cela, pour tant d’admirateurs, pour l’indignation que ton geste pouvait susciter chez les musulmans honnêtes, tu aurais du ne pas le faire…
Malgré tout, ceux qui connaissent ton combat contre l’esclavage, ta lutte contre l’impunité, ton engagement pour les victimes de la barbarie sur cette terre, ta prière de l’absent à Inal (village de l’horreur), ceux-là n’oublient pas ; car ils furent à la fois victimes de la cruauté de leurs assassins et le silence coupable de la plupart des individus qui, aujourd’hui, se parent à moindres frais des oripeaux de défenseurs de l’Islam alors que nul ne les a vus, ni entendus quand il s’est agi de dénoncer les horreurs de Sorimalé, de J’reida, d’Azlat, d’Inal… (hauts lieux, chez nous, de la barbarie d’hommes sanguinaires dont beaucoup sont encore là ; certains rasant les murs, d’autres affichant la morgue et la suffisance de brigands patentés).
Mon ami Biram, puis-je me permettre, à ton nom, de présenter mes excuses à ceux qui, honnêtement blessés dans leurs convictions, ont condamné ton acte ? Je pense que oui. Quant à ceux qui battent le macadam et vocifèrent des imprécations, sans la moindre conviction, nul besoin de leur accorder un quelconque égard : ceux qui marchent pour le ventre s’indignent toujours faux. Il s’agit de souteneurs qui ont là, hélas, une possibilité de se faire voir ; comme ils se faisaient voir hier à des accueils présidentiels ou à des séminaires de partis ; ces gens se préoccupent peu de l’Islam; ces gens sont connus pour leur goût du lucre et leur déficit moral.
Courage, mon ami, et à très bientôt.
Seydi Moussa Camara
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