Une nouvelle année se pointe à l´horizon et avec elle des nouveaux défis pour les opprimés et victimes de l´exclusion en Mauritanie. Flamnet inaugure sa nouvelle série d´interviews avec le coordinateur du mouvement Touche pas à ma nationalité(TPMN), une organisation qui n´est plus à présenter aux mauritaniens. En moins d´une année ce mouvement rebelles au Système ethno-génocidaire et à l´ordre injuste s´est imposé sur le terrain politique national et dans le landerneau de la société civile et est considéré même par une partie de la communauté négro-mauritanienne comme un nouveau porte-flambeau de la lutte. Ce mouvement nous rappelle ce que disait Nelson Mandela de la génération du mouvement « Conscience Noire » de Steve Biko dans les années 70 après l´arrestation et l´exil forcé des dirigeants de l´ANC. L´esprit de contestation de masse qui était endormi pendant les années 60 semblait se réveiller avec cette jeunesse; ces jeunes, nous disait Madiba « étaient différents de tous ceux que nous avions vus jusqu´ici. Ils se montraient courageux, hostiles et agressifs, ils refusaient d´obeïr aux ordres et criaient Amandla ! à chaque occasion ». Les jeunes du TPMN à l´instar de leurs frères et sœurs sud-africains des années 70, ont, pendant cet été par leur détermination et engagement, sur le terrain « équilibré la terreur » ou changé le "camp de la peur" à Nouakchott et dans la vallée et crient à qui veut les entendre « Touche pas » et reprennent avec fierté et courage le slogan de rédemption « la lutte continue » dans leur forum sur Facebook. N´est-ce pas Frantz Fanon qui disait « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l'accomplir ou la trahir » ? les jeunes du TPMN ont bien compris et assimilé l´auteur des "damnés de la terre". Pour faire le petit bilan de parcours, les nouvelles perspectives, les stratégies de lutte de cette organisation, l´état de santé des camarades bléssés Flamnet recoit à nouveau notre camarade Abdoul Birane Wane le coordinateur du mouvement comme invité du site. Entretien…
FLAMNET : Bonjour camarade, nos félicitations pour votre nomination parmi les hommes de l´année de 2011 en Mauritanie et à travers vous TPMN, à moins d´une année vous-êtes arrivés à vous imposer sur la scène politique nationale, pouvez-vous nous faire le petit bilan du parcours du mouvement ?
Abdoul Birane Wane : Bonjour camarade, je tiens d'abord à préciser que cette nomination est le résultat d'un travail intense de toute une équipe autour de moi, une équipe qui se sacrifie pour la cause. c'est vraiment le travail de toute la coordination et des délégués, je précise aussi que c'est grâce à vous la diaspora, contrairement à ce que certains pensent, votre rôle est déterminant dans notre lutte surtout dans le cadre de la médiatisation. Aujourd'hui le mouvement s'implante partout à Nouakchott avec la mise sur pieds de cellules dirigées par des jeunes que nous avons responsabilisés. A l'intérieur aussi, surtout dans la vallée le mouvement devient de plus en plus présent et gagne une certaine crédibilité par ses actions concrètes sur le terrain. Ce qui est surtout satisfaisant, il faut le dire en toute modestie ,"Touche pas à ma nationalité" est le premier mouvement noir qui fait descendre des milliers de personnes sur le terrain pour défier les autorités racistes dans la capitale et dans la vallée. Loin de verser dans l'auto-satisfaction je dirai que jusqu'à présent on est sur la bonne voie.
Quel bilan faites-vous du régne du Général Mohamed ould Abdel Aziz, remarquez-vous quelques changements de politique par rapport à la question nationale à savoir le racisme d´Etat, l´esclavage et la lutte contre l´impunité?
ABW: Le bilan du règne du général est catastrophique, il s'entoure d'éléments baathistes ceux-là même qui ont planifié la marginalisation et l'extermination des noirs. Le racisme d'état a atteint son paroxysme avec le général-président, les recensements ne suffisent-ils pas comme exemple? je me dis même que Ould Abdel Aziz s'est fixé un défi: faire pire que ould Taya, Quant à l'impunité en Mauritanie, elle demeure une règle, certains citoyens se croient supérieurs aux autres en s'appuyant sur une justice fantoche et raciste. Ce qui est inadmissible, c'est le comportement du général- président qui veut gérer le pays comme il gère sa propriété personnelle.
FLAMNET : Quelles sont les nouvelles perspectives sur le plan de l´organisation structurelle et de la mobilisation des masses pour l´année qui s´annonce?
ABW : Nous avons un objectif particulier pour cette année 2012, faire de "Touche pas à ma nationalité" un mouvement de masses, nous sommes déjà bien représentés. Pour 2012 nous voulons que la coordination entre Nouakchott, l'intérieur et l'extérieur soit parfaite car nos ambitions pour cette année sont immenses. Nous avons des objectifs immenses pour 2012, mais nous sommes tenus à ne pas les dévoiler pour le moment.
FLAMNET : Le pouvoir et certains cercles vous accusent de pratiquer la "violence" pendant vos manifestations, que répondez-vous à ces incriminations et quelle est votre stratégie ou méthode de lutte et qu´est-ce qui vous différencie des autres mouvements sur le terrain?
ABW : Je tiens avant tout à préciser que notre mouvement a ses propres réalités et il est forcément marqué par le passé de ceux qui l'ont constitué. Je m'explique, nous avons eu une enfance marquée par les atrocités commises entre 1986 et 1991, le génocide, les déportations, les emprisonnements arbitraires, les viols, les humiliations au quotidien de notre communauté, nous sommes un produit de cette violence que les négro-Mauritaniens n'ont cessé de subir. Nous nous souvenons encore de 1989 avec des hordes de barbares armés de gourdins qui ne faisaient aucune différence entre femmes, enfants et vieux. Ceux qui ont planifié ces massacres sont toujours là et exercent encore cette violence contre nous en toute impunité totale et curieusement c'est nous qu´on accuse injustement de violents ! Je vous rappelle encore que nous sommes un mouvement non violent et cela ne veut pas dire que nous donnerons généreusement nos corps aux policiers criminels et racistes qui éprouvent un grand plaisir à battre les noirs. Nous somme un mouvement indépendant, nous avons fait un choix : nous défendre et riposter quand la police nous attaque. Cependant j'ai ma propre idée de la non violence, je crois que les gens se trompent sur cette théorie. Ce n'est pas parce que Gandhi a réussi à convaincre par cette méthode que partout ce sera le cas. Je rappelle que les Indiens luttaient contre les britanniques qui sont les champions des droits de l'Homme depuis 1679 avec la loi de l'Habeas corpus et celle de 1689 (Bill of rights ). Le peuple anglais avait une certaine maturité. Aux USA ,le combat de Martin Luther King a été facilité par des blancs conscients d’appartenir à un pays, le premier à se doter d'une constitution depuis 1787.Peut-on comparer la Mauritanie à ces pays? qui sont les éléments du maintien d'ordre ? d'abord ce sont des jeunes analphabètes le plus souvent délinquants et drogués qui ne peuvent aucunement avoir du respect pour un être humain. Alors la non violence n'est pas adaptée face aux forces du désordre (formées pour réprimer) en Mauritanie, c'est comme si on voulait utiliser une voiture deux chevaux dans le grand désert du Sahara. Nous avons fait un choix que nous assumons jusqu'au bout.
Quelles sont les dernières nouvelles sur l´état de santé des militants victimes de la répression barbare du régime policier, je pense particulièrement aux camarades OusmaneSow, Bakary Bathily, les jeunes du Maghama et du jeune rappeur Abou Fall de « haboobe e baasal »?
ABW : Bathily se rétablit, il reprend ses activités au sein du mouvement, il est plus déterminé que jamais, Abou Fall doit subir une nouvelle opération chirurgicale il fait preuve d'un courage remarquable, Ousmane Sow va mieux, quant aux jeunes de Maghama blessés par balles, certains parmi eux reviennent à Nouakchott pour leurs soins,ils ont eu l'occasion d'être présentés aux chercheurs d' Amnesty international, Gaetan Motoo et Salvator Sagess.
FLAMNET : Où en-êtes-vous avec le dossier du martyr Lamine Mangane? les nouvelles de la famille et de son meurtrier?
ABW : Des plaintes ont été déposées par les familles de Bathily et Lamine Mangane, Me Fatimata M'baye s'occupe des dossiers et elle a tout notre soutien ,elle le mérite cette brave dame. Le meurtrier de Lamine Mangane est toujours protégé par les autorités racistes.
Votre dernier mot , vos voeux ou appel à l´occasion du nouvel an?
ABW : Nous réaffirmons notre engagement à prendre en charge, en toute légitimité les problèmes des négro-Mauritaniens, nous nous battrons jusqu'au dernier souffle pour abattre ce racisme d'état qui équivaut à l'Apartheid. Nous appelons les Mauritaniens à se mobiliser pour que l'année 2012 soit la fin du pouvoir totalitaire du général et qu'elle marque la chute brutale du système raciste.
De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace. La lutte continue !
FLAMNET : Oui camarade, il faut de l´audace, courage et la lutte continue !
Propos recueillis par Kaaw Touré
Flamnet : O2 janvier 2012
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