Cousins germains Ely Ould Mohamed Vall et Mohamed Ould Abdel Aziz n'en demeurent pas moins farouches adversaires et ne semblent pas pour autant s'estimer. Loin s'en faut. Le premier, officier valeureux au cours de la guerre du Sahara a gravi tous les échelons de l’armée jusqu’au grade de colonel, dans une institution militaire qui a toujours voulu, sous Taya, rester « modeste » en terme de hiérarchie, puisque, disait-on, ses effectifs ne permettaient pas de passer au grade de général.
Ely, comme on l’appelle, plus simplement, est aussi connu pour l’homme de l’ombre, la sécurité et les renseignements, durant 20 ans, avant le coup d’Etat du 3 août 2005 contre Maaouiya, qui a fait de lui le chef de la junte, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), dirigeant le pays durant 19 mois de transition démocratique rondement menée, et propulsé son cousin, Mohamed Ould Abdel Aziz, alors commandant du BASEP (bataillon de la sécurité présidentielle) au devant de la scène, comme principal instigateur du putsch et homme fort de l’armée qui, de manipulations à manipulations, allait réussir un second coup d’Etat contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, « démocratiquement élu après une transition militaire parfaite » au cours de laquelle Ely a tenu parole, en se désengageant de la politique, pensant que tous les autres membres du CMJD allaient tenir leurs serments et en faire de même.
C’est d’ailleurs pourquoi, le colonel Ely Ould Mohamed Vall a pris le parti de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui cherche, par tous les moyens, à « dégager » Aziz auteur, non pas d’un second putsch contre Sidi, mais d’une « rébellion » que l’ancien président du CMJD ne cesse de dénoncer aujourd’hui.
En fait, tout comme les colonels Abderrahmane Ould Boubakar, ancien chef d’état-major de l’armée, et Mohamed Ould Sid’Ahmed Lek’hal, président du parti « Hamam », qui fini par claquer la porte du dialogue mené avec le pouvoir en compagnie de trois autres formations politiques (APP, ALWIAM et SAWAB), le colonel Ely Ould Mohamed Vall semble ne pas pardonner à son ancien compagnon d'armes de les avoir "roulé" mais, surtout, d’avoir failli à la parole donnée et donc à l’honneur de l’armée : Le retrait de la politique, après avoir menée une transition démocratique reconnue par la communauté internationale comme « exemplaire », ayant fait de la Mauritanie une référence en Afrique et dans le monde arabe, au même titre que le Sénégal, pays qui n’a jamais connu de coup d’Etat, et le Mali qui, en 1991, avait mené un coup d’état contre Moussa Traoré, mené une transition démocratique et quitté le pouvoir, pour revenir, par la grande porte, à l’issue d’une élection libre et transparente.
Ould Abdel Aziz est aussi doublement « coupable », au sens des règlements militaires les plus orthodoxes, d’avoir brûlé la politesse à ses ainés, quand il a suggéré au président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi de l'élever au grade de Général alors qu’il était loin d’être le plus ancien dans le grade de colonel ! Une provocation qui s’est poursuivie avec la promotion à la pelle d’officiers généraux dont la plupart étaient membres, comme lui, nom pas du CMJD d’Ely mais de son propre Haut Conseil d’Etat (HCE) qui l’avait accompagné dans sa « rébellion » contre Sidi, comme Ould Mohamed Vall a tendance aujourd’hui à qualifier le coup de tête d’Aziz, quand Ould Cheikh Abdallahi l’avait limogé, le 06 août 2008, prenant le risque d’être destitué.
Comparaison est raison
Dans cette lutte à mort politique entre Ely et Aziz, le premier semble dispose, quoi qu’on dise, de solides arguments. Malgré la forte propagande que mène contre lui actuellement la machine du pouvoir.
D’abord, le fait d’avoir tenu promesse en quittant le pouvoir n’est pas une mince affaire. Si en Mauritanie, certains s’évertuent à vouloir donner une tournure « azizienne » à cet aspect important de la transition démocratique menée par le CMJD, à l’extérieur, la communauté internationale ne reconnait de mérite qu’à Ely Ould Mohamed Vall, qui a tenu promesse, permettant à la Mauritanie de mettre en place un système démocratique fiable. La preuve, ce sont ces forums et rencontres à travers le monde qui l’ont invité pour évoquer cette expérience et livrer les secrets de sa réussite en moins de deux ans.
Il y a aussi que sous Ely, les Mauritaniens n’avaient pas de difficultés de vie particulières. Ils sont même reconnaissants au président de l’époque d’avoir augmenté de 100% les salaires, chose qu’un professeur, ayant passé 24 ans dans l’enseignement ne manque de souligner, indiquant qu’il est passé subitement de 46.000 UM à 89.000 UM. Aujourd’hui, Aziz rit de la sécheresse, quand elle menaçait de « brûler le vert et le sec », ignore la flambée des prix des denrées de première nécessité, les mettant sur le dos d’une conjoncture internationale, et s’évertue même à accepter que les prix du carburant augmente deux fois en ce mois béni de Ramadan.
Avec tous ces atouts contre Aziz, dont la supposée popularité de « président des pauvres » commence à refluer, il n'est pas exclu de voir une réorganisation de l'opposition autour du colonel Ely Ould Mohamed Vall. L’homme qui a dirigé la Transition 2005, œuvré à la mise en place d'un projet de Constitution approuvé par référendum le 25 juin, visant à ancrer le principe de l'alternance démocratique et à baliser le chemin menant à l'élection présidentielle de mars 2007, épilogue de la transition, semble ne pas accepter que son travail soit détourné de sa finalité. Ce serait cela le but de son combat. "Le coup d'Etat ne s'explique pas. Il était possible de trouver une solution politique à la crise », avait-il dit, quand il a fallu sortir de sa réserve.
Par la force de la contradiction et de la parole, Ely Ould Mohamed Vall est sans doute, en train de gagner du terrain. Dans les faits, le ton a bien changé depuis quelque temps. Nombre de Mauritaniens sont en train de réviser leur position sur Ely Ould Mohamed Vall qui apporte une sorte de « virilité politique » au combat de la COD pour dire "non" au pouvoir actuel.
En tout cas, si les "vieux" opposants de la CODse donnent le temps de réfléchir, et de voir si Aziz ne va pas être victime de ses propres erreurs, Ely Ould Mohamed Vall donne l'impression de ne pas vouloir passer en perte et profit toute une expérience militaire et politique à l'issue d'une simple élection présidentielle. Car il relève maintenant de l'histoire, que l'ex-Président du CMJD a justifié et endossé le coup d'Etat du 3 août 2005, et qu'il a initié la période de transition démocratique 2005-2007 dans le consensus pour mettre fin aux mauvaises pratiques de prise du pouvoir par la force. A l'époque, l'ensemble des acteurs politiques et de la société civile avaient fait le voyage de Bruxelles pour exposer, dans le cadre des accords de Cotonou, le plan du retour à la légalité constitutionnelle. Ceci avait, d'ailleurs, permis aux différents partenaires au développement de la Mauritanie de soutenir la transition démocratique 2005-2007. Mais surtout, le colonel Ely Ould Mohamed Vall avaitfait interdire, par ordonnance, la candidature des membres du CMJD et de son gouvernement aux différentes échéances électorales.
Et même si l’on continue à penser que l'ex-chef de l'Etat pensait sans doute avoir préparé les conditions d'un retour triomphal à la ATT (du nom du président malien qui avait quitté le pouvoir avant de le reprendre de manière démocratique), cela ne donne nullement raison aux généraux Aziz et Ghazouani qui ont tué dans l’œuf une expérience démocratique bien réussie.
Le sentier n°29
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