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samedi 24 mars 2012

Adresse présentant la plateforme nationale pour le règlement définitif et global du passif humanitaire

L’expression de « passif humanitaire » désignant de manière euphémique les violations graves et massives des droits de l’homme, à caractère racial et ethnique, qui ont été commises en Mauritanie, a eu le mérite de libérer la parole dans l’espace public, aboutissant ainsi à une reconnaissance de la responsabilité de l’État. Pour autant celle-ci n’est, à ce jour, pas clairement définie, ce qui tend à remettre en cause la détermination sincère requise pour faire la lumière complète sur cette tragédie nationale. L’opinion publique est en droit de s’interroger sur le fait de savoir si, comme pour la lutte contre l’esclavage, il persiste toujours un but non avoué de protéger quelques individus, au détriment du droit fondamental à la justice, en faisant le choix étriqué de l’impunité plutôt que celui de s’engager résolument vers une véritable réconciliation nationale.
Pour ne plus réveiller les multiples germes de la fitna liés à l’instrumentalisation, de tous bords, qui prévaut jusqu'à aujourd’hui, des violations majeures, à caractère racial et ethnique, des droits de l’homme en Mauritanie, il faudrait enfin que nous nous affranchissions de notre « passif humanitaire ». Nous devons le faire de manière sérieuse, sans tabou ni faux fuyant, et globalement, pour le résorber définitivement, en tenant compte des spécificités du contexte politique et social de notre pays, au travers d’une large discussion, à organiser à l’échelle de la nation entière, de manière formalisée, avec des outils reconnus et expérimentés, ayant servi de manière remarquablement efficace dans d’autres situations similaires.
D’abord nous tenons à affirmer, avec la plus grande énergie, notre refus absolu de la stigmatisation collective d’une communauté ou d’une autre, les responsabilités devant être définies individuellement.
Ensuite nous voulons dénoncer les solutions étriquées actuelles, qui ne sont que des manœuvres dilatoires continuant de biaiser la réalité, dans le seul but, avec l’illusion de croire que nous pourrions en faire l’économie, de passer outre les compromis historiques, pourtant nécessaires. C’est à l’échelle de la nation entière, que les compromis historiques entre le traitement du passé, auquel nous devons faire face, et, la construction impérieuse du présent, base structurante d’un avenir commun durable, doivent être décidés.
Pour se faire, il faut mettre en œuvre une stratégie concertée et inclusive, au delà des logiques communautaristes, extrémistes et fanatiques, idéologiques, politiciennes ou partisanes, des uns et des autres, en identifiant tous les aspects qui devront être discutés, sans tabous, et en mobilisant toutes les parties représentatives, impliquant en particulier, fortement, les acteurs locaux (associations de victimes et praticiens des droits de l’homme…) pour créer une jonction synergique historique exceptionnelle entre toutes les forces citoyennes, patriotiques et politiques afin de développer une réflexion commune, et construire ensemble un consensus national sur le règlement global et définitif de notre passif humanitaire.
Nous attirons, particulièrement, l’attention de l’opinion publique sur la tentative étriquée actuelle de la démarche solitaire et secrète, présentée comme la solution tant attendue au règlement du passif humanitaire, excluant toute concertation, à l’opposé de ce qui avait été initié précédemment, pour soit disant dédommager les victimes rescapées et ayants droits des victimes assassinées, que sont les veuves et les orphelins, contre leur silence et l’abandon de toutes poursuites. L’amnistie, « auto votée » par l’oligarchie « militaro-politico-financière », dans le simulacre de démocratie qui habille ses actes afin de les justifier et de mieux les imposer, sans établissement de la vérité, est une supercherie de plus dans la construction bancale de l’unité de la nation. L’argent dépensé pour acheter les consciences et les contraindre à abandonner le droit fondamental à la justice est une humiliation supplémentaire au peuple de Mauritanie.
Il ne s’agit plus simplement d’une affaire opposant les seuls, auteurs présumés et victimes, des violations de droit de l’homme mais de pré-requis incontournables pour la réconciliation du corps social de la nation mauritanienne en construction.
En Mauritanie, nous devons donc, nous engager dans la recherche de la vérité, en nous fondant sur le contexte spécifique dans lequel ces violations des droits de l’homme incriminées ont été commises, pour appréhender la réalité de celles-ci, ainsi que leur nature et leur dimension mais aussi identifier les auteurs et les victimes. Il faut donner l’opportunité aux victimes rescapées et aux ayants droits des victimes assassinées ainsi qu’aux auteurs présumés de se faire entendre et de s’exprimer mais aussi obtenir les réponses aux questions multiples que se posent les mauritaniens dans leur majorité. Il faut rendre compte de l’Histoire et permettre ainsi de tourner la page sur ce passé douloureux qui divise, en s’en affranchissant, mais aussi remplir le devoir de mémoire pour informer les générations futures et éviter que ne se répètent les erreurs dramatiques du passé. De plus, il faut aussi, pour prévenir les éventualités de récurrence qui pourraient être liées à l’impunité et remplir une fonction restauratrice nécessaire à la réconciliation, garantir l’effectivité du droit à la justice et dire le droit, équitablement en toute impartialité et en toute indépendance. Il s’agit plus de déterminer les responsabilités juridiques individuelles et institutionnelles que de sanctionner purement et simplement les auteurs présumés. Ceci dans le noble but, salvateur, de rendre, considération, honneur et dignité aux victimes, en les réhabilitant comme partie intégrante et à part entière du peuple, de la société et de la nation mauritanienne en construction. Les institutions de l’État, qui n’auraient pas joué leur rôle de protecteur au service du citoyen, doivent être réformées et assainies par l’exclusion des responsables reconnus, de toutes positions de pouvoir. Cette détermination des responsabilités juridiques va en outre permettre d’évaluer, le niveau approprié de véritables réparations par rapport aux souffrances et préjudices moraux et matériels subis par les victimes rescapées et les ayants droits des victimes assassinées.
Fort du succès des journées commémoratives aux martyrs d’Inal des 27 et 28 novembre 2011, le comité d’organisation de ces journées propose dans le même format ouvert à toute contribution constructive de se transformer en comite de suivi de la plateforme nationale du règlement définitif et global du passif humanitaire.
Ceci pour que nous ne soyons plus tenter d’enfouir notre passé de discorde, comme si cela était suffisant pour l’effacer, sous le prétexte fallacieux de nous éviter la « fitna ». Bien au contraire, la « fitna » réside dans le fait de se voiler la face en se refusant d’analyser, dans leur réalité et loin de toutes instrumentalisation, les erreurs d’un passé qui est, ô combien instructif, pour construire la nation post-identitaire définie comme ayant sublimé ses différences identitaires pour affirmer le caractère inaliénable de son identité plurielle sans hiérarchisation.
Outouma SOUMARÉ
Président du comité de suivi de la plateforme

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