Vous posez indirectement la question la plus
importante : faut-il assimiler la question ethnique à la question sociale en
Mauritanie, ou faut-il les distinguer ? Etant pour moi entendu que le remède à
tout est la démocratie sincère et vécue cordialement, et que de cette
démocratie procède tout naturellement un Etat de droit produisant et appliquant
des textes d'expérience et de consensus. - Travaillant dans les archives de
l'ambassade de France ouvertes et disponibles (à une heure de chez moi)
jusqu'en 1979, je constate que dès le "congrès de l'Unité" la
question ethnique s'ouvrit et fut en suspens, et qu'à la fin de 1964, ce qui
fit l'ambiance de la constitutionnalisation du Parti n'a pas été du tout
l'opposition de certaines personnalités par ailleurs très estimables ou
importantes, mais bien la question identitaire que reposait en termes
d'équilibre interne et d'alliances ou appartenances régionales, la possible
conciliation avec le Maroc (qui n'eut lieu que cinq ans plus tard). - Je
constate enfin que toutes ces questions mal posées mais très vécues n'ont pas
empêché, cher Hanoune, malgré qu'elles aient dégénéré de façon sanglante et
dramatique pendant "les années de braise", votre cher pays de
continuer, de s'affirmer et de demeurer une des réalités nationales les plus
cohérentes en Afrique alors même que le reste du Sahel donne les exemples
contraires.
Je vais vous lire avec plus de précision, mais écrivez
un livre d'ensemble. Contestable en partie ou pas, ce sera au moins un corpus.
Bien attentivement.
Bertrand Fessard de Foucault
10 Janvier 1966 à 12h45
discours radiodiffusé
(les « évènements »)
(transcription bande magnétique)
Mes Chers Compatriotes,
Lorsque le 28 Novembre 1960 à 0 heure, je
proclamais solennellement l’indépendance de la Mauritanie, je coupais,
du même coup, le lien de subordination qui reliait les hommes et les femmes de
Mauritanie à l’ancienne puissance coloniale.
Aussitôt après, lorsque vous m’avez tous élu
à l’unanimité Président de la
République, puis Secrétaire Général du Parti du Peuple, je me
suis engagé, devant Dieu et devant les hommes, à mener à la tête de l’Etat mauritanien,
une action susceptible d’améliorer le niveau économique et social de la nation.
Il va sans dire que cette action ne pouvait
et ne peut s’inscrire que dans le cadre et sur les bases d’une unité nationale
solide qui permette à l’ensemble du peuple mauritanien de supporter le lourd
fardeau de l’indépendance, et de lutter efficacement contre les ennemis
intérieurs et extérieurs de la
Nation.
Je me suis engagé solennellement engagé sous
serment à protéger et à renforcer cette unité.
Lorsque celle-ci a été menacée par les
revendications marocaines qui tentaient d’organiser dans notre Pays une
subversion visant, à terme, à faire de la Mauritanie une province marocaine, je n’ai pas
hésité à mâter ceux qui, de l’intérieur comme de l’extérieur, ont voulu ruiner
nos efforts et notre volonté de bâtir une Mauritanie forte et indépendante. Ce
ne fut pas en vain.
Aujourd’hui, certains compatriotes du Sud,
tous fonctionnaires et parfois hauts-fonctionnaires de l’Etat, aveuglés par des
positions passionnelles, se déclarent décidés, ni plus ni moins à mettre en
cause l’unité nationale, en menant une action contraire à la doctrine du Parti,
parti de l’Etat et contre les lois qui concrétisent cette doctrine.
En effet, ces compatriotes n’ont pas hésité à
diffuser un manifeste dans lequel ils appuient la grève des élèves des
établissements secondaires, et encouragent ceux-ci à refuser l’application de
la loi n° 65.026 du 30 janvier 1965 qui déclare obligatoire l’enseignement de
la langue arabe dans les établissements du second degré.
Ainsi, les signataires du « manifeste »,
lâchement – il faut le dire – ont engagé dans leur action néfaste des jeunes
gens chez lesquels il est trop facile de faire vibrer des cordes passionnelles
et irrationnelles.
Ils n’ont pas hésité, pour réaliser leur
dessein, à utiliser de jeunes Mauritaniennes et de jeunes Mauritaniens, dont la
seule préoccupation actuelle devrait être de poursuivre paisiblement leurs
études pour se préparer demain à assumer, à leur tour, les responsabilités du
pouvoir et à diriger les destinées de la nation.
Les signataires de ce « manifeste »,
enfin, ne sont mandatés par personne, ni dans le cadre des organes de l’Etat,
ni dans le cadre des organismes du Parti. Ils ont préféré la menace, le
chantage et l’intimidation au dialogue dans le cadre du Parti et de l’Etat.
J’ai toujours été quant à moi, partisan du
dialogue, chaque fois que l’exigeait l’intérêt général. Or, la voie choisie par
les signataires du « manifeste », c’est-à-dire, je le répète, la
menace, le chantage et l’exploitation coupable de la jeunesse scolaire
m’oblige, en tant que garant de la Constitution et de l’unité nationale à
sanctionner ceux qui se déclarent ouvertement contre la Constitution et les
lois de l’Etat et mettent en cause l’unité de la nation.
J’ai, en conséquence, décidé la suspension à
compter du mercredi 5 janvier, des 19 fonctionnaires signataires du « manifeste ».
Parallèlement, des poursuites
judiciaires seront engagées contre eux.
Je saisis l’occasion, qui m’est offerte ici,
pour avertir, solennellement, tout individu ou tout groupe d’individus, quel
qu’il soit, que toute action, visant à mettre en cause les fondements mêmes de
l’unité nationale, sera châtiée sans pitié.
Il reste entendu que tout les problèmes
nationaux doivent faire l’objet de discussions approfondies dans le cadre légal
des institutions du Parti et de l’Etat, afin de leur trouver des solutions
satisfaisantes pour tous.
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