Interview pas comme les autres, nous recevons une
militante exceptionnelle, Madame Rosita Destival, une grande militante
abolitionniste dans l’âme, à cœur ouvert, pour répondre à nos questions. Bonne
lecture chers « es » lecteurs « trices »
1-Madame
Rosita Destival bonjour, vous êtes une grande militante abolitionniste mais peu
connue sur la toile, présentez vous à nos lecteurs, et présentez nous le
mouvement dans lequel vous militez et
menez vos actions.
Puisque vous me demandez de me présenter je
veux d’abord vous dire que je suis une des filles de Mamy Romain, ce qui
parlera aux anciens militants de la région parisienne des années soixante dix
etc.. En particulier ceux qui ont pris part à la lutte contre l’apartheid en Afrique australe, ceux qui
ont participé à la lutte pour la décolonisation
des Antilles (Radio VOKA...) et à la lutte pour les réparations (Comité International des Peuples Noirs…), ou ceux qui
en région parisienne se sont engagés dans la
reconstruction de la Nation africaine en faisant société
autrement (Centre Bossuet, Famille Dambala à Vanves etc.). Bref tous ceux
de l’époque ou Tonton David chantait « Issu d’un peuple qui a beaucoup
souffert, Issu d’un peuple qui ne veut plus souffrir » et du début des
radios libres.
Mon père quant à lui fut également un
militant syndical connu en Guadeloupe.
Ma maman nous a quittés le 1er mai
2002, mais la lutte continue. Son dernier engagement fut dans le Collectif
International Panafricain pour la libération de Mumia Abu Jamal et des prisonniers
politiques US, et elle relisait souvent les ouvrages de Mumia dont celui
traduit en français sous le Titre « La Mort en Fleurs » préfacé par Julia Wright.
En ce qui me concerne je suis la seconde
Vice-Présidente du MIR-France, le Mouvement International pour les Réparations,
la première vice-présidente étant Rosa
Amelia Plumelle Uribe,
auteure notamment de « La férocité blanche : des non-Blancs aux
non-Aryens, ces génocides occultés de 1492 à nos jours » préfacée par Lluis Sala-Molins,
« Traite des blancs, traites des noirs : Aspects méconnus et conséquences
actuelles », « Victimes des esclavagistes musulmans, chrétiens et
juifs : Racialisation et banalisation d'un crime contre l'humanité »,
« Kongo, les mains coupées ».
Dans la suite de cet interview je
m’exprimerai à la fois en mon nom propre et au nom du Mouvement International pour les Réparations (MIR).
2-
Est-ce que les pays occidentaux continuent encore à pratiquer l’esclavage
malgré les lois abolissant le phénomène depuis plus d’un siècle ?
Répondre à cette question
prendrait pas mal de temps ; pour « les pays occidentaux », il
faut voir au cas par cas.
Mais pour ce qui est de la
France, sans vouloir vous contredire, je me permets de revenir sur ce que vous
appelez « les lois abolissant le
phénomène depuis plus d’un siècle ».
L’État français républicain a
procédé en 1848 à l’affranchissement général dans ses vieilles colonies
(Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion…) et la loi du 30 avril 1849 à fixé
les modalités d’indemnisation des colons, bref, du rachat des captifs aux
maîtres.
A cette même période, la France
part à la conquête de l’Afrique, et à mesure de l’avancée de ses troupes
instaure le travail forcé dans les nouveaux territoires colonisés. Au terme
d’un demi-siècle de guerre et de résistance africaine, à la fin du 19 eme
siècle, la France est parvenue à se tailler un empire africain. Un empire où
elle n’abolit le travail forcé qu’il y a une soixantaine d’années, en 1946, au
sortir de la guerre contre l’Allemagne dans laquelle la participation des
troupes africaines a été décisive. Au point que la ville de Brazzaville (Congo)
était devenue pendant cette guerre « Capitale de la France Libre ».
Encore faut-il que les Africains bataillent pour que l’État français abolisse
le travail forcé.
Et cette abolition gagnée par les
colonisés, ne signifie bien sur pas la fin de l’asservissement du travail
africain au capital colonial européen. C’est d’ailleurs un descendant de colons
esclavagistes de Guadeloupe, Jacques Koch-FOCCART, qui sera chargé par la
République française de veiller à maintenir le statu quo : éviter
l’indépendance par tous les moyens y compris l’assassinat, et lorsque
l’indépendance est inévitable éliminer les militants et instaurer le
néocolonialisme.
3-
Dans le monde arabo-musulman, notamment en Mauritanie, l’esclavage continue
comme durant l’antiquité. Malgré tout, nous voyons rarement des mouvements des
droits de l’homme, les abolitionnistes en général sur le plan
international qui s’intéressent de près
à la traite arabe. Mais ils nous parlent beaucoup de la traite des Occidentaux.
Pourtant l’histoire montre bien que la traite négrière arabe date de bien avant
et continue de nos jours : pourquoi ce silence autour de la traite
arabo-musulmane ?
Tout d’abord, je tiens à vous
dire que nous militants du MIR, nous évitons d’employer le mot « traite »
quand nous le pouvons. C’est un mot qu’on emploie pour les marchandises, pour
les produits agricoles. Or dans l’espace euro-américain vendre et acheter des
êtres humains fut de tout temps un trafic honteux. Si vous lisez les archives, vous constaterez
que ce ne fut pas un commerce ordinaire comme on voudrait aujourd’hui nous le
faire croire, et qu’il y a toujours eu des gens pour le dénoncer. C’est bien
pour cela qu’on appelait les gens « Pièces d’Inde » ou « Bois
d’ébène ». Pour voiler le fait qu’il s’agissait d’êtres humains. Mais
l’appât du gain a été le plus fort.
Concernant la capture, la
déportation, le commerce et la détention en esclavage des Africains par les
Européens, laissez-moi vous dire que si on en parle aujourd’hui en Occident, c’est
parce que la communauté noire s’est levée, en commençant par celle des USA.
Sinon c’était une histoire enfouie autour de laquelle les pouvoirs politiques
occidentaux avaient organisé l’oubli. D’ailleurs en France les manuels
scolaires faisaient l’impasse dessus. Et quand on en parlait, c’était pour dire
que les victimes étaient responsables de leur malheur. Ce qui d’ailleurs est un
classique. Si on prend le cas des femmes, il n’y a pas si longtemps que le viol
en Occident a réellement été criminalisé.
Auparavant on disait que celles qui étaient violées, c’était celles qui
l’avaient cherché.
Bref, si on parle aujourd’hui de
l’esclavage transatlantique sous sceau chrétien, c’est que les militants noirs
ont lutté et continuent de lutter pour faire connaître la vérité sur ce qui
s’est réellement passé et pour que cette tragédie intègre la mémoire collective
de l’humanité.
Quant à l’esclavage sous sceau
musulman, nous MIR, nous l’avons toujours dénoncé, d’une part parce que les
deux trafics sont intimement liés, d’autre part parce que l’esclavage sous
sceau musulman perdure aujourd’hui dans certains pays tels que la Mauritanie.
Et s’il perdure, c’est parce que les puissances militaires occidentales, si
promptes à s’ingérer partout, restent muettes sur cette question. Là encore, et
comme toujours, leur amour de l’argent est plus fort que les grands principes
dont elles aiment se parer.
4-
L’écrivain français d’origine camerounaise Gaston Kelman semble cette année
avoir été recruté pour étouffer l’information sur la traite arabo-berbère en
Mauritanie, allant très loin avec des affirmations du type :
« J’affirme que les scandales sur l’esclavage qui émaillent les rubriques
françaises ne sont point mauritaniens. » Que pensez-vous de ces
affirmations ?
M. Gaston Kelman a demandé à être reçu par plusieurs
gouvernements africains et aucun n’a accepté à l’exception de la Mauritanie qui
l’a reçu à bras ouverts et en grandes pompes. Comme l’ont dit les autorités
mauritaniennes elles-mêmes, un Noir qui de son vivant « a rencontré un tel
succès chez les Blancs » ne peut qu’être intéressant pour eux et donne
automatiquement au Président mauritanien
« bien envie de le rencontrer ».
Il ne faut pas oublier que les Maures blancs
furent les premiers partenaires des Européens dans l’esclavage transatlantique,
depuis le milieu du XVè siècle, avant même que Cristobal Colon ne découvre
l’Amérique. A cette époque les Africains capturés étaient déportés vers le
Portugal, l’Espagne et les îles de la méditerranée pour servir dans les
plantations de canne et de coton, les moulins et les mines.
Et il ne faut pas non plus oublier qu’en
1848, ces mêmes Maures blancs ont été indemnisés par la République française
comme l’ont été les colons des Antilles-Guyane pour le rachat de leurs captifs.
Et il faut souligner que malgré cette indemnisation, ces Maures ont comme par
le passé continué à pratiquer l’esclavage des autochtones au vu et au su de
tout le monde, sans être inquiétés par les autorités coloniales. D’ailleurs,
dés le début de la colonisation, les autorités coloniales encourageaient les
colons européens à se mettre en ménage avec des mauresques blanches en leur
disant qu’ « elles sont notre race ». Il y a donc derrière tout
cela une histoire de plusieurs siècles de partenariat privilégié avec l’État
français, en particulier en matière d’esclavage.
Pour en revenir à M. Kelman et à cette année 2013, ce qu’on
apprend c’est qu’après une semaine parmi les officiels de la Mauritanie, pays
où il débarque pour la première fois et dont il ne parle aucune langue,
M. Kelman est devenu
expert. Et l’expert Kelman
nous informe qu’il n’y a pas d’esclavage en Mauritanie. Que voulez-vous que je
vous dise de plus ? …Mais après tout, c’est le même Gaston Kelman qui nous dit qu’aux USA, après
l’élection d’un président noir, « même les Black panthers ont compris que
leur combat serait désormais d’arrière-garde ». Je vous laisse juge :
« d’arrière garde » alors qu’à l’heure où nous sommes, et cela depuis
près d’un demi siècle, des milliers de prisonniers politiques issus en
particulier des Black Panthers croupissent dans les geôles américaines (ce n’est pas moi qui le dit c’est Andrew Young,
premier Africain-américain nommé ambassadeur des USA à l’ONU dans un interview à
Paris de 1978), alors que l’écrasante
majorité d’entre eux n’a jamais
tué personne en ce temps de ségrégation institutionnelle aux USA. Mais là
encore M. KELMAN s’érige en expert…
5-
En France et dans certains pays du
monde, ceux qui font l’apologie d’un crime contre l’humanité ou pratiquent le
négationnisme peuvent se retrouver devant les juges, poursuivis par des ONG et
Associations des droits humains. L’esclavage est un crime contre l’humanité.
Quand les ONG en France et ailleurs dans le monde se réveilleront-elles pour
traquer ceux qui banalisent l’esclavage qui est un crime contre l’humanité
comme l’a fait récemment Gaston Kelman par exemple ?
Qui mieux que vous peut les faire se
réveiller ? Et pourquoi attendre des organisations qui vous montrent
qu’elles n’en ont que faire ? Si l’AHME, l’IRA, Sos Esclaves, les FLAM et d’autres décident de poursuivre
M. Kelman, qu’elles
élaborent un solide dossier sur le fond, et le MIR sera à leurs côtés avec ses
avocats. Et nous ne doutons pas que de nombreuses autres associations et personnalités
nous rejoindront.
6-
L’esclavage a été criminalisé seulement en 2007 en Mauritanie par une loi.
Désormais le phénomène est transcrit dans la constitution mais l’état
Mauritanien persiste à nier l’existence même du crime qu’il a criminalisé. à quoi sert de faire des lois en
refusant de reconnaitre le crime en tant que tel ?
On l’a vu dans les combats pour
l’indépendance, dans la lutte contre la ségrégation et dans la lutte contre
l’apartheid.
Produire le juste droit c’est l’étape 1.
Produire le rapport de force pour faire
appliquer ce droit c’est l’étape 2.
Concrètement depuis 50 ans, tous vos
dirigeants sont issus de grandes familles esclavagistes de temps immémoriaux.
Si en 2007 le pouvoir aux commandes en Mauritanie finit par criminaliser
l’institution sur laquelle ce pouvoir est lui-même fondé, c’est que vous êtes
parvenus à franchir l’étape 1 et êtes en cour de lutte pour atteindre la 2.
La question est comment intensifier la
mobilisation interne et externe pour accélérer la marche vers cette seconde
victoire.
Vous êtes confrontés à l’esclavage. Nous
Guadeloupéens en sommes à quelque chose de moins dramatique mais d’également archaïque : la colonisation. Et
cela malgré le droit international. Nous sommes les dernières colonies. Mais
comme on le dit, les desseins de Dieu sont impénétrables… La preuve en est que
c’est par des ressortissants de ces dernières colonies, qu’un État européen, la
France, a pour la première fois été traîné devant les tribunaux pour réparer le
crime contre l’humanité de l’esclavage. Cela devant le TGI (Tribunal de Grande
Instance, 2005) de Fort-de-France où 7 ans d’une bataille judiciaire engagée en
2005 par le MIR-Martinique a permis d’enregistrer d’importantes avancées pour
le mouvement pour les réparations. Je ne
m’écarte pas de votre question. Je le répète, les desseins de Dieu sont
impénétrables, et l’avenir seul nous dira qui est insignifiant et qui ne
l’est pas. Dans ce monde où il est dit que « l’argent est le nerf de la
guerre », y a t-il plus insignifiant
qu’un esclave ? plus insignifiant qu’un colonisé ?
-7 Un livre code noir abrégé du Khlil qu’enseigne les religieux en
Mauritanie a été brulé par Birame Dah Ould Abeid, président de IRA-Mauritanie
(L'Initiative pour la Résurgence de l’Abolitionnisme) et ces camarades
abolitionnistes sur place à Nouakchott, ils ont été arrêtés, puis libérés provisoirement. Ils
sont accusés d’apostasie, donc passible de la peine mort en droit musulman,
dans une république « Islamique ». Dans ce livre qui a été brûlé, le
statut de l’esclave est défini comme ainsi:
- La femme esclave doit entretenir son maître par
sa chair.
- Elle ne doit pas couvrir son corps du regard de
son maître.
- l'esclave qui n'obéit pas à son maître est promis
à l'enfer
- Un maître peut vendre ou marier son esclave à qui
il veut et à tout moment.
- Le maître peut mettre fin au mariage de son
esclave lorsqu'il le souhaite.
- Interdiction pour un esclave ou descendant
d'esclaves de diriger la prière
- Un maître peut à tout moment entretenir des rapports
sexuels avec son esclave.
Qu’en pensez-vous ? Donnez nous vos sentiments les plus
profonds en tant que femme libre
d’abord, ensuite pourquoi le silence des mouvements féministes sur ces
faits graves qui touchent les femmes esclaves Mauritaniennes?
Dans la « République Islamique » de
Mauritanie, Birame a mis publiquement au feu des ouvrages auto-proclamés
religieux, qui sont les références actuelles des esclavagistes pour réglementer
l’asservissement des esclaves sous sceau musulman en Mauritanie et ailleurs.
Mais tout d’abord, à l’attention de lecteurs
de cet interview qui ne connaissent pas forcément ce qu’est la Mauritanie, je
vais rapporter une information qui les éclairera sur le contexte général dans
lequel s’inscrit l’acte posé le vendredi 27 avril 2012 par Birame Dah o/ Abeid, fondateur de l’IRA.
En avril 2012, il y a une polémique en
Mauritanie, certains Maures blancs critiquant les autorités mauritaniennes pour
ce qu’ils considèrent comme une faute politique et même un manque
d’intelligence.
De quoi s’agit-il ? Les autorités ont
autorisé la diffusion par une radio religieuse d’une injonction (fatwa) d’un
Imam d’Arabie Saoudite, recommandant aux croyants des États du Golf d’acheter
des esclaves en Mauritanie pour les libérer et ainsi expier leurs péchés.
Pourquoi la Mauritanie ? Parce que le
pays est réputé dans le monde musulman pour tenir en esclavage le tiers de ses
habitants et donc disposer en abondance d’esclaves à acheter.
L’affaire proposée est d’ailleurs assez
intéressante tant pour les ressortissants des émirats, auxquels on propose
ainsi d'acheter leur place au paradis à bon compte, que pour les esclavagistes
mauritaniens qui disposent de centaines de milliers de captifs :
l’annonceur indique à la radio le cours du jour, soit pour un adulte, 10.000
riyals saoudiens équivalent à 800.000 ouguiyas mauritaniens ou à plus de
2000 euros.
Nous sommes là au cœur de la réalité
mauritanienne.
En toute impunité on capture, on vend, on
achète, on viole, on surexploite, on torture, on mutile et on tue, et de la
même manière qu’on déporte aujourd’hui davantage en camions et en avions qu’à
dos de chameau, certains n’ont pas compris où était le problème à vouloir utiliser
la radio pour commercer.
Voilà donc le contexte dans lequel, en avril
2012, Birame Dah o/Abeid a engagé avec ses camarades, au péril de leur
vie et de la vie de leurs proches,
w le combat pour la désacralisation des codes
esclavagistes sous sceau musulman,
w la lutte pour la dés-institutionnalisation du
racisme et la mise à bas de la suprématie blanche incarnée en Mauritanie par la
minorité arabo-berbère.
Pour ce qui est de la teneur des livres de jurisprudence
malikite brulés par l’IRA, loin d’être une provocation, c’est un enseignement et une thérapie.
Dans un pays où on instille la terreur en
menaçant de l’enfer aussi bien celui qui ne suit pas la religion musulmane que
l’esclave qui n’obéit pas à son maître, non seulement il fallait le faire, mais
il faut espérer que le mouvement va gagner en ampleur et se répandre à travers
non seulement l’Afrique, mais l’Asie et le monde.
En parallèle, ces ouvrages sectaires de
propagande mensongère qui nous plongent au temps de l’inquisition européenne,
devraient être étudiés dans les départements de psychologie et de science
politique des universités du monde, car ils font partie des armes de destruction massive les plus
insidieuses jamais élaborées. On sait où mènent ces théorisations des
sous-hommes versus sur-hommes, a fortiori quand ces élucubrations sont attribuées à Dieu.
Ce qui se passe en Mauritanie, c’est le génocide de l’Africain.
Cet holocauste, nous le connaissons bien dans
la diaspora des Amériques.
L’Africain doit disparaître. Seul doit subsister un individu décervelé,
sous contrôle mental du maître, adhérant à la culture raciste du maître.
L’Africain doit être transformé en un appendice de la communauté du maître,
dont le destin est de travailler au bien-être de la communauté du maître.
Le système
esclavagiste repose aujourd’hui en Mauritanie, comme hier dans l’esclavage
européen transatlantique, sur le racisme et la violence institutionnels
matérialisés par la dévalorisation des vies noires, le harcèlement policier et
l’impunité judiciaire.
On retrouve
dans le brigandage négrier et l'esclavage de la colonisation transatlantique et
de la colonisation arabo-berbère, la même organisation, la même logique, la
même culture sous-jacente.
Ce que l’on retrouve en Mauritanie, c’est un
schéma colonial. Avec des colonisés de l’intérieur vivant sous régime
d’exception.
Les Haratine ne sont pas plus des Arabes que
les Guadeloupéens ne sont des Français.
Et compte tenu de l’histoire de
la France je ne m’étonne pas que l’appui à Birame ne soit pas venu de l’ancien colonisateur, la France,
mais plutôt d’Irlande, un pays qui a lui-même connu la colonisation et le
racisme qui va avec. Pour ceux de vos lecteurs qui ne seraient pas informés,
rappelons que le 3 mai 2013, le Président d’Irlande Michael D. Higgins a
décerné à Birame Dah o/Abeid
fondateur de l’IRA, le Prix Front Line Defenders pour celles et ceux qui
défendent des droits humains en danger.
Vous me
demandez ce que je ressens en tant que femme et pourquoi le silence des
mouvements féministes européens ? Je vous dirai qu’hier comme aujourd’hui,
les femmes détenues en esclavage sont complètement déshumanisées par
l'industrie de la reproduction forcée de main-d’œuvre gratuite, et que le viol
institutionnalisé et la pédophilie qui y est liée, est un instrument de
destruction massive individuelle et collective.
Parce qu’en Occident le Noir continue d’être perçu comme un sous-homme,
la situation qui nous est faite en Mauritanie ne peut soulever l’indignation
qu’elle susciterait s’il s’agissait de femmes européennes. Seule la poursuite
du combat parviendra à faire reculer l'ignorance, le déni, la banalisation, la
complicité, l'apologie de crime contre l'humanité, en mettant tous les
coupables face à leurs responsabilités.
En Afrique
les populations noires autochtones qui peuplaient l’ensemble du continent ont
été au fil des millénaires asservies par les envahisseurs, kidnappées et
déportées d’une région à l’autre de l’Afrique, ou hors du continent à travers
les océans. Et ce qui me semble essentiel c'est de réaffirmer avec force la
motivation croissante des descendants de ces populations razziées sommées
d’adhérer à l’ordre raciste dominant, de retrouver leur filiation et leur
identité.
Cette année,
en mai 2013 pour la commémoration des abolitions de l’esclavage, notre
mouvement a amplement contribué à l’organisation au Parlement de Bruxelles avec
les députés Eva Joly et
Jean-Jacob BICEP (de Guadeloupe) du Groupe des Verts, de la première édition de
la Semaine européenne pour la
reconnaissance de la colonisation, de l'esclavage colonial et pour les
réparations.
Un jour
viendra où nous en ferons autant auprès de l’Organisation de la Coopération
Islamique. Vérité et justice. Il nous reste à nous militants,
beaucoup à faire. Mais la feuille de route est là, et nous savons que là encore
nous vaincrons.
8-
Connaissez vous l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E),
que pensez-vous de leurs activités depuis 2001 date de sa création ?
A-t-elle jouée son rôle de dénonciation du crime de l’esclavage en Mauritanie
sur le plan international ? Êtes-vous en relation avec cette
association ?
Je connais
l'A.H.M.E depuis plusieurs années
puisque c'est en France l'organisation qui est à la pointe de la dénonciation
et de la lutte contre l'esclavage arabo-berbère sous sceau musulman.
Ce que
l’AHME ne cesse de démontrer c’est que les mécanismes sont les mêmes que pour
l'esclavage transatlantique. Il s’agit d’un crime d’État. Sans l’acquiescement
des autorités politiques il n’y aurait pas d’esclavage en Mauritanie
aujourd’hui, comme il n’y aurait pas eu d’esclavage transatlantique hier. Dans
ce système, parallèlement à la politique d’asservissement économique, est
déployée une politique d’enchaînement mental. Les religions dites révélées
[judéo-christianisme et islam] sont instrumentalisées pour jouer exactement le
même rôle-clef dans cette manipulation qui consiste à faire croire à une
population militairement vaincue,
qu’elle est
maudite et intrinsèquement mauvaise,
que ce qui
lui arrive émane de la volonté de Dieu, et
qu’en
servant la population élue de Dieu, elle pourra éventuellement échapper à
l’enfer auquel elle est normalement destinée parce que mauvaise.
J'ai assisté
à bon nombre de conférences, colloques, réunions-débats et séminaires où le
Président de l'A.H.M.E, le Dr Mohamed Yahya Ould Ciré s'est exprimé pour décrire la situation de
détresse dans laquelle se trouvent nos frères et sœurs en Mauritanie et au
Soudan.
L’enchaînement
mental de la majorité des esclaves et affranchis de la Mauritanie qu’il
décrivait, me renvoyait directement à l’enchaînement mental qui perdure jusqu’à
aujourd’hui chez la majorité des descendants d’esclaves des Antilles françaises,
convaincus de leur infériorité, de leur impossibilité à s’en sortir sans les
Blancs. Cela plus d’un siècle et demi après l’affranchissement général de 1848.
Et je me
rappelle précisément d'une rencontre organisée par le CM98, où le décryptage a mis en exergue le lien, les articulations
et complicités entre l'administration française et le gouvernement mauritanien
pour harceler et racketter les Haratine jusqu’en France, y compris sur leur
lieu de travail. Il y a une complicité historique, un lien secret entre tenants
de ce même système esclavagiste.
Nous sommes
dans la même situation, faisons face aux mêmes enjeux et devons impérativement
unir nos forces pour vaincre notre ennemi commun le système esclavagiste, le
système féodal, le système raciste qui scinde l’humanité entre supérieurs et
inférieurs et constitue l’idéologie commune aux sociétés judéo-chrétiennes et
musulmanes. Et puisque vous me demandez si nous sommes en relation avec
l’A.H.M.E,
demandez donc au doyen o/Ciré de bien vouloir vous communiquer une des
photos faites chez lui en famille en 2011, avec le Président du
MIR-France le Dr Martin OKEKE et Malaak SHABAZZ (fille de Malcolm X)
ainsi qu’avec ME Bankie FORSTER BANKIE, que nous avions invités en
France pour commémorer à l’UNESCO la lutte contre l’esclavage et le
racisme le 10 mai 2011. Bankie Forster Bankie qui est Ghanéo-Gambien et vit en Namibie, est un militant historique bien connu de la lutte contre l’esclavage arabo-berbère, très engagé côté anglophone, au Soudan, et qui, comme le Dr Chinweizu, a toujours dénoncé en parallèle, l’apartheid qui sévissait en Afrique australe et l’apartheid arabo-berbère sous sceau musulman en Afrique et au Moyen-Orient, ainsi que l’aliénation qui y est liée.
demandez donc au doyen o/Ciré de bien vouloir vous communiquer une des
photos faites chez lui en famille en 2011, avec le Président du
MIR-France le Dr Martin OKEKE et Malaak SHABAZZ (fille de Malcolm X)
ainsi qu’avec ME Bankie FORSTER BANKIE, que nous avions invités en
France pour commémorer à l’UNESCO la lutte contre l’esclavage et le
racisme le 10 mai 2011. Bankie Forster Bankie qui est Ghanéo-Gambien et vit en Namibie, est un militant historique bien connu de la lutte contre l’esclavage arabo-berbère, très engagé côté anglophone, au Soudan, et qui, comme le Dr Chinweizu, a toujours dénoncé en parallèle, l’apartheid qui sévissait en Afrique australe et l’apartheid arabo-berbère sous sceau musulman en Afrique et au Moyen-Orient, ainsi que l’aliénation qui y est liée.
Et pour en
revenir à l’enchaînement mental, le MIR avait d’ailleurs échangé avec Malaak Shabazz sur l’impératif de dénoncer
l’imposture de la sacralisation d’ouvrages tels que la Risala (Ouvrage donnant notamment des directives aux
maîtres quant à la meilleure gestion de leurs esclaves à l’image des
« Codes noirs » européens) et nous lui avions d’ailleurs présenté
en version bilingue arabe/français cet ouvrage de référence du rite malékite,
qu’elle ne connaissait pas.
C’est vous
dire que quand nous avons appris que c’est précisément à ce combat essentiel,
de désaliénation mentale, que notre frère Birame et ses camarades se sont
attelés frontalement, en Mauritanie même, et de la meilleure manière, nous
avons eu une nouvelle preuve de la convergence de nos analyses.
Au secours des haratine :
SOS-Abolition remercie infiniment Madame Rosita Destival d’avoir accepté de
répondre à nos questions, nous lui souhaitons bon courage dans le noble combat contre l’esclavage et les inégalités
dans le monde.
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