Le débat
sur la féodalité ou le système des castes en milieu négro-africain de
Mauritanie fait rage. A en croire les sorties de nombreux mauritaniens, ce
débat « est nul et non avenu ». Mais de quoi parle t-on exactement.
Il ressort de l’analyse des différentes interventions qu’il s’agit d’une
injustice mais que celle-ci doit être reléguée au second plan. A tel point que
ceux qui s’aventurent à imposer ce débat sont considérés comme « des
diviseurs » de la communauté négro-africaine ou promoteurs des Harratines ou
les excités du net. Sur cette dernière critique il faut admettre que le combat
sur le terrain n’a jamais été la qualité dominante des mauritaniens. Ceux-là
mêmes qui parlent d’excités du net en usent et en abusent.
En
plus, en font une arme de destruction contre ceux qui ont compris que le
problème mauritanien est beaucoup plus complexe que ce qu’on veut nous faire
croire. Une tentative de dissuasion qui rappelle les méthodes utilisées par le
système raciste mauritanien qui accuse de racisme toute personne qui dénonce
les discriminations et exclusions qui font figure de règle dans le pays.
Pourquoi alors cette problématique ne devrait pas être abordée au même titre
que les autres ?
La féodalité engraisse le système
L’organisation
sociale de chaque société ne peut faire l’objet de critique que si elle est
fondée sur la hiérarchisation entre les différentes catégories qui la
composent. En Mauritanie, outre, le racisme, l’esclavage, le système des castes
dans le milieu négro-africain n’est guère moins stigmatisant.
Selon
Doudou DIENE dans son rapport sur les formes contemporaines de racisme,
d’exclusion… : « la société mauritanienne est traversée en profondeur
par des pratiques persistantes de discrimination de nature ethnique et raciale,
ancrées dans les traditions culturelles et prégnantes dans les structures
sociales, les principales institutions de l’appareil d’État mentalités. »
(Rapport du 16 mars 2009, page 2). Il rajoutera aussi la profondeur culturelle
et sociale du système des castes. L’organisation sociale en elle-même ne
constitue pas un problème, elle peut même être, à bien des égards une source de
richesse et d’originalité. Mais le fait de se servir de celle-ci pour
hiérarchiser la société à tel point que certaines catégories soient exclues de
la gestion des affaires publiques, constitue le fondement d’une injustice
intolérable qui devrait faire partie des principales préoccupations des
mauritaniens.
C’est
partant de là, que le régime mauritanien s’est toujours servi et se sert encore
de ce système de castes pour maintenir sa domination sur l’ensemble des
composantes, y compris celles qui s’adonnent à cette injustice. Dès lors, qu’on
ne remet pas en cause cette connivence entre les forces féodales dans certaines
villes et le régime mauritanien, on ne verra pas l’émergence d’un véritable
Etat de droit.
La
rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’esclavage rappelle, dans son
rapport sur la Mauritanie, le paradigme d’origine sociale dans les institutions
de l’Etat. « La Rapporteuse spéciale a ainsi eu connaissance d’une
situation où un membre de la communauté soninké appartenant à une caste
inférieure a été nommé Ministre mais sa propre communauté a refusé de le
reconnaître. Cela montre que, même lorsque le Gouvernement a eu recours à la
discrimination positive, les bénéficiaires ont rencontré des difficultés car
certaines communautés ont refusé d’abandonner leurs vieilles idées
traditionnelles concernant l’esclavage fondé sur la caste. » (Rapport sur
l’esclavage en Mauritanie 24 aout 2010 page 14). La prégnance de l’idée de
supériorité de certains sur d’autres handicape fortement la naissance d’une
société égalitaire et constitue un obstacle dans le combat pour une Mauritanie
juste.
L’Etat
s’est greffé sur le système de caste qui est antérieur à sa création pour
maintenir sa clientèle politique. Ainsi, depuis les indépendances à nos jours,
les responsabilités aux plus hautes fonctions de l’Etat sont confiées à des
personnes considérées comme d’ascendance noble. Pendant ce temps, les membres
des castes considérées comme inférieur, malgré leurs mérites, ont du mal à se
faire une place dans les institutions de l’Etat. Les nombreuses nominations
auxquelles procèdent les autorités mauritaniennes montrent clairement qu’elles
ont compris que, quelque part aussi, nous surfons sur la même vague.
Cela
n’a semblé choquer personne et les pseudos militants des droits de l’homme et
les partis politiques ne se sont guère intéressés à cette forme d’injustice.
Telle ne semble pas être leurs priorités. En effet, dans le combat mené par les
partis politiques mauritaniens, il est relativement aisé de constater que la
course à la conquête du pouvoir prime sur la mise en place d’un projet de
société qui promeut une égalité dans son approche la plus globale. Car, il est
admis qu’on ne peut pas combattre une injustice de manière partielle et
partiale.
Qu’on
ne vienne pas nous dire qu’il s’agit d’un problème social et non juridique car,
le droit résulte souvent de la nécessité de réglementer les rapports sociaux.
En effet, la plupart des textes de lois ne sont que la transposition d’une
norme sociale en règle juridique. Le législateur mauritanien peut ainsi
s’intéresser à ce phénomène pour légiférer en matière de lutte contre toutes
les formes de discriminations en mettant en place des garde-fous pour renforcer
la discrimination fondée sur l’origine sociale.
La théorie du
complot
La
chose la plus frappante dans ce débat est la réaction hostile de certains
mauritaniens. On en vient à penser que dénoncer une injustice devient plus
grave que l’injustice elle-même. Une solidarité de façade semble se construire
pour combattre ceux qui s’indignent contre cette forme d’exclusion.
Pour
faire court certains parlent de manipulation et crient au complot. Il faut leur
rappeler qu’il ne s’agit là que d’une prise de conscience d’une injustice qui
n’a que trop durer. Faut-il fermer les yeux devant une injustice fondée sur
l’idée de supériorité des uns sur des autres ? La plupart de ceux qui
dénoncent cette injustice sont issues de la communauté elle-même, mais ils ont
réussi à transcender leur appartenance communautaire pour ne voir que la
stricte vérité. Dire les choses telles qu’elles sont ne fait jamais de mal.
Simplement tel n’est pas le cas pour les mauritaniens qui ne veulent pas que
l’accent soit mis sur l’instrumentalisation du système de castes,
instrumentalisation qui fait les affaires du régime et de ses sbires.
L’approche
qui consiste à crier à la manipulation et à la volonté de division parait trop
simpliste pour empêcher ceux qui sont animés de bonne volonté d’aller au bout
de leur raisonnement. Beaucoup de personnes victimes de cette forme d’exclusion
accumulent au fond d’eux une grande frustration et ressentent une forme de gène
de porter de telles revendications au risque d’être traité de complexé comme
dirait l’autre. Il importe d’être à leur écoute et de faire des propositions
concrètes pour que leur accès aux plus hautes fonctions de l’Etat ne soit plus
entravé. A ceux qui accusent les initiateurs de ce débat de faire les affaires
du système, ils doivent se rendre à l’évidence que le régime se nourrit de ces
injustices et le seul moyen de le mettre à terre c’est d’en finir avec cette
injustice.
La rédaction du flere.fr
Source:flere.fr
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