Les
histoires d’esclavage en Mauritanie se suivent et se ressemblent.
Inexorablement, l’issue de toutes les parodies de procès est la même :
L’esclavagiste, quelque soient les preuves qui l’accablent est laissé libre en
vertu d’une complaisante liberté provisoire que le juge prononce en sa faveur
et la victime délaissée à elle-même pour aller souffrir le martyr quelques
parts avec d’hypothétiques parents ou retourner d’où elle vient, faute de
structures lui permettant de s’intégrer valablement dans la société. La récente
histoire d’El Gawva Mint M’barek dont la fille a retrouvé au marché de
Bassiknou son maître contre lequel elle a déposé en 2009 une plainte à la
brigade de gendarmerie est éloquente à ce sujet. Isselkha Mint Sidi voulait
juste que son ancien maître Sidi Ould Hbabe accepte de lui remettre sa maman
Gawva Mint M’barek et ses fils, Sidi Ould El Gawva (8 ans) et Mabrouka Mint El
Gawva (10 ans). La gendarmerie de Bassiknou arrête Sidi Ould Hbabe, mais sur
intervention d’un influent militaire d’une puissante tribu locale répondant au
nom de Sidi Mohamed Ould Ghalla, il décide de le libérer après s’être
engagé de ramener El Gawva et ses deux enfants. Lorsque le procureur de Néma
l’apprit, il donna ordre à la gendarmerie de reprendre l’esclavagiste et les
victimes et de les acheminer à Néma. Devant lui, El Gawva déclare qu’elle était
la propriété du père de Sidi Ould Hbabe qui n’est selon elle que son frère de
lait et dont elle use des biens à sa convenance. Visiblement, du n’importe quoi.
Des propos que le maître confirme en ajoutant qu’il a demandé à Gawva de le
quitter, mais qu’elle a refusé. Le procureur, sentant l’éternel montage que les
maîtres apprennent à leurs esclaves chaque fois qu’ils sont devant les
tribunaux, déclare ouvertement à Gawva et à son maître que leurs propos sont
faux et complètement fabriqués. Envoyé devant le juge d’instruction, celui-ci
a, comme d’habitude dans les affaires d’esclavage décidé de mettre Sidi Ould
Hbabe en contrôle judiciaire au niveau de la brigade de Bassiknou et demandé à
El Gawva d’aller où elle veut. Du ridicule. Une affaire dans laquelle, le
maître et la victime reconnaissent ouvertement des pratiques esclavagistes à
travers leur aveu qu’El Gawva était propriétaire du père de Sidi et que celui-ci
l’a obtenue en héritage est aussi facilement liquidée en contrôle judiciaire et
autres petites combines qui prouvent que la Mauritanie et ses appareils
administratifs, de justice et de sécurité se mobilisent pour protéger les
esclavagistes au détriment des victimes. En cela déclare Boubacar Messoud tout
en colère : « « L’ indépendance » des juges que
les pouvoirs publics citent à tout vent ne sert en réalité qu’à assurer
l’impunité aux esclavagistes à travers la mise en liberté provisoire de tous
les inculpés. Le parquet et le ministère de la justice se cachent derrière
cette « indépendance » des juges pour faire échapper des criminels à
leurs peines ». Depuis 2007, date de l’adoption de la loi, tous les
accusés de pratiques esclavagistes qui se sont présentés devant les tribunaux
ont bénéficié de libertés provisoires. Citons à titre d’exemples, l’affaire de
Zouerate inscrite sous le dossier 21/2013 dans laquelle la cour d’appel de
Nouadhibou a tout simplement mis en liberté provisoire M’Hamed Ould Brahim et
son fils Mohamed Salem, malgré les preuves accablantes retenues contre eux de
mise en esclavage pendant plusieurs années de Shoueida et ses neuf enfants.
L’affaire du jeune Esseh Ould Messe (23 ans), dossier 374/2013 mettant en cause
Mohamed Salem Ould Mouhamedou qui a été tout aussi mis en liberté provisoire.
L’affaire 252/2011 dite affaire de Nouadhibou, la mise en cause Riv’a Mint
Mohamed Hassoune a tout simplement été mise en liberté provisoire avec
évocation par le juge de justifications fallacieuses. L’affaire Oumoulkhair
Mint Yarbe et fils mettant en cause l’ancien colonel Viyah Ould Maayouf qui n’a
même pas été convoqué par la justice. Le dossier 501/2011 communément connu
sous le nom affaire Yarg et Saïd dans lequel l’esclavagiste Ahmed Ould Hassine
qui, au lieu d’écoper des cinq ans et dix millions d’ouguiyas prévues par la
loi n’a été condamné qu’à deux ans et deux cent mille ouguiyas avant d’être mis
en liberté provisoire depuis un an six mois. L’affaire Rahma Mint
Legreivi ; dossier 179/2013 dans lequel la mise en cause a bénéficié d’une
liberté provisoire. Selon certains exégètes du droit, spécialistes de
l’interprétation tendancieuse des lois, la constitution du délit d’esclavage
est axée fondamentalement sur la démonstration de l’existence d’un travail
forcé non rémunéré. Visiblement les faits avérés, la reconnaissance et la
flagrance des transgressions ne valent plus. Sinon comment un juge de Néma
devant lequel un présumé esclave a reconnu que ces personnes sont ses esclaves
hérités de son père, peut-il ensuite lui accorder une liberté provisoire au
motif d’être un bienfaiteur puisque l’un des enfants esclaves récite la Fatiha
où que les autres dressés pour servir le maître pleurent en apprenant que
celui-ci ira en prison ? L’attitude des juges en faveur des esclavagistes
est normale eu égard que le Président par le déni de l’esclavage au moins par
deux fois semble être le premier défenseur de ces esclavagistes. Dans un pays
comme la Mauritanie, les faits, propos et gestes du chef constituent une source
d’inspiration à tous les autres démembrements de l’Etat. Le zèle aidant,
certains percevront ces attitudes comme des signaux forts pour faire ou ne pas
faire quitte à tordre copieusement et continuellement le cou des lois et des
conventions. Le refus incompréhensible aux sociétés des droits de l’homme
spécialisées de opouvoir se constituer en partie civile dans les affaires
d’esclavage n’est qu’une autre manifestation de cette absence de volonté réelle
d’éradiquer ce phénomène. La confiscation de cette partie civile et son
assujettissement à une institution dépendant de l’exécutif est une autre preuve
on ne peut plus éloquente de contrôler effectivement la question de la gestion
de la problématique de l’esclavage.
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