Mesdames,
Messieurs, chers invités, en ce 20 juin 2013, c’est
avec un immense plaisir que nous célébrons avec vous, aujourd’hui , cette journée internationale consacrée
chaque année, par solidarité, à
tous les réfugiés du monde. Aussi,
nous vous souhaitons honorables invités
ici présents la bienvenue et vous remercions d’avoir répondu à notre invitation.
Permettez-nous, à cette occasion, d’avoir une pensée pieuse pour ces millions
d’individus qui vivent, le plus souvent,
un exil forcé en dehors de leurs pays. Un exil qui a duré, plus de 24 ans, pour la plupart des réfugiés mauritaniens que
nous sommes. C’est pour vous dire, que ce long et douloureux exil n’a pas entamé,
pour autant, notre sentiment d’appartenance à notre chère patrie qu’est la
Mauritanie. Si nous pouvons prétendre ou aspirer à une certaine tranquillité
dans notre pays d’asile, le Sénégal, c’est bien parce qu’avec générosité la
république du Sénégal a bien voulu, en coopération avec le Haut commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), nous octroyer un statut sur son territoire et en conformité avec les
lois internationales régissant le droit d’asile
et telles que contenues dans la
convention de Genève de 1951 et du
protocole de 1967. Nous vous en savons gré de nous avoir assuré une protection
internationale. Aussi, nous remercions chaleureusement les autorités du Sénégal et le HCNUR et leurs représentants
et partenaires, en l’occurrence l’Office africaine pour le développement et la
coopération (OFADEC). Toutefois, nous sommes tenus de rappeler que notre
aspiration profonde, à rentrer un jour chez nous, demeure encore ancrée dans nos cœurs. Un jour que nous
espérons toujours plus proche. Pour preuve, nous restons toujours, pour
l’essentiel, des réfugiés apatrides qui
un jour d’avril 1989 ont été victimes d’un programme d’expulsions massives de caractère raciste et ce de la part de nos
propres autorités gouvernementales qui
nous ont déniés et privés de notre citoyenneté mauritanienne. Certes,
après moult refus de reconnaitre les
crimes de déportations dont nous avons été victimes et du droit de recouvrer
notre citoyenneté et nos biens spoliés, il
a fallu attendre près de 19 ans , à la faveur du coup d’état militaire d’aout 2005 et une transition démocratique de
19 mois, pour qu’enfin soit
envisagée une solution au lancinant
problème des réfugiés mauritaniens. C’est ainsi que l’ex-président mauritanien
Sidi Ould Cheikh Abdallah démocratiquement élu en avril 2007 a reconnu, entre
autres, les crimes de déportations et les dénis de droits contre une catégorie
de citoyens mauritaniens. Tout en exprimant sa compassion à l’endroit des
victimes, il n’en appelle pas moins
à la mobilisation des mauritaniens et
aux partenaires au développement afin de rechercher les voies et moyens
appropriés pour le retour des réfugiés. C’est dans ce nouveau contexte
politique que seront organisées des opérations de rapatriement des réfugiés
mauritaniens qui vivaient au Sénégal. Des opérations qui débuteront en
janvier 2008.Ces rapatriements organisés sous l’égide du HCNUR s’inscrivaient
dans le cadre des accords tripartites signés en novembre 2012 à Nouakchott
entre l’Etat du Sénégal, de Mauritanie et le HCNUR. Il est vrai que ces rapatriements vont continuer
avec des longues périodes de perturbations dues au coup d’état militaire survenu en aout 2008
contre le nouveau régime démocratiquement
élu. En effet, près de 20000 réfugiés mauritaniens sont rentrés au pays dans des
conditions que regrettent et dénoncent, encore aujourd’hui, beaucoup de rapatriés rentrés entre janvier
2008 et mars 2012, en raison des manquements qui caractérisent leurs réinsertions.
Dénonciations qui seront relayées par les organisations non gouvernementales de
défense des droits de l’homme. Le forum des organisations nationales des droits
de l’homme en Mauritanie (FONADH)
regroupant 13 structures reconnaissaient récemment qu’il ya eu certes des
avancées en matière d’insertion des rapatriés du Sénégal mais cela cache mal
des situations défavorables liées notamment à la non délivrance des pièces d’états
civils à bon nombre d’entre eux et à la persistance des questions liées au
foncier, touchant ceux qui ont été dépossédés de leurs terres agricoles, lors
de leurs expulsions en 1989. Plus
récemment, en mars 2013, l’Union
nationale des rapatriés mauritaniens du Sénégal a dénoncé la dissolution de
l’agence nationale d’appui et d’insertion
des réfugiés (ANAIR) consécutive au communiqué du conseil des ministres
mauritaniens du 21 mars 2013. Elle estime que cette dissolution ne se justifie
pas et qu’elle intervient alors qu’aucune
réponse n’a été apportée à la question
des terres spoliées, à l’indemnisation des éleveurs, au passif
humanitaire, toutes choses relatives aux
violations massives des droits de l’homme perpétrées contre les citoyens
non-arabes de Mauritanie, entre 1989 et
1991. Après tant de souffrances endurées
par les citoyens noirs mauritaniens au cours de ces dernières décennies, nous
avons le sentiment que cette tragédie
tente de se répéter. En effet, un grand danger risque encore une fois de plus
de mettre à mal d’avantage le précaire équilibre social fortement ébranlé lors
des événements douloureux de 1989 susmentionnés. Il s’agit du
recensement démographique en cours et visant à l’établissement d’un nouveau
système d’identification en Mauritanie. Ce qui devait se présenter comme une
démarche administrative et technique routinière se relève être un grand danger,
en raison non seulement des manifestations violentes qu’elle a suscitées de la
part des communautés noires mauritaniennes qui ont jugé ce recensement discriminatoire à leur endroit, mais aussi
des actes de répressions policières qui s’en suivirent. Permettez-nous de
remercier le mouvement mauritanien Ne Touche pas à ma nationalité (TPMN) dirigé
par Abdoul Birane Wane, qui s’insurge courageusement contre ces discriminations liées aux dénis de
citoyenneté, nous n’oublions pas dans
nos remerciements toutes les organisations de la Diaspora mauritanienne qui
luttent pour mettre fin aux discriminations en cours dans notre pays et contre
l’impunité. Nous ne saurions oublier de remercier notre cher compatriote Biram
Dah Ould Abeid qui préside l’organisation de défense des droits de l’homme, Initiatitives
du Mouvement de Résurgence Abolitionniste en Mauritanie (IRA) qui lutte sans
compromission et au péril de sa vie contre
l’esclavage qui prévaut encore dans le pays et contre toutes les violations des
droits de l’homme.
Mesdames,
Messieurs, c’est conscients d’un côté des dangers récurrents qui ne cessent de menacer l’équilibre ethnique
toujours fragile de notre pays la Mauritanie, et de l’autre du problème de gouvernance qui y prévaut depuis
le coup d’état militaire d’aout 2008 et comme en témoigne le non renouvellement du mandat de l’assemblée
nationale qui a pris fin depuis novembre 2011, que nous
réfugiés mauritaniens au Sénégal avons décidé en connaissance de cause de
sursoir à notre rapatriement, en attendant que des conditions sociopolitiques
favorables surviennent dans notre pays.
Par
ailleurs, nous sommes solidaires de nos concitoyens réfugiés maliens venus
célébrer avec nous, cette merveilleuse journée internationale du réfugié, ici à
Richard Toll et cela dans le cadre de
la coordination que nous avons en
commun. Nous rappelons que les réfugiés mauritaniens au Mali ont fait l’objet
d’un recensement par le HCNUR, et nous nous en félicitons, malgré les
dénégations quant à leur existence formulée à tord, par un haut représentant
des autorités mauritaniennes et pas le moindre.
Pour
conclure, nous attirons la communauté internationale sur les menaces qui pourraient
découler de la non-résolution définitive
de la question des réfugiés de la zone sahélo-saharienne, dans ce contexte de
la guerre au Mali. En effet, la présence, d’une part, de dizaines de milliers
de réfugiés et déplacés maliens
touaregs dans leur propre pays, au
Niger, en Mauritanie, au Burkina Faso, en Algérie, fuyant la guerre engendrée
par des forces islamistes obscurantistes et
la présence d’autre part de milliers de réfugiés mauritaniens au Sénégal
et au Mali victimes des déportations en 1989,
sont des questions qui doivent trouver des solutions justes et équitables
pour toutes les victimes et sans discrimination, au risque de constituer une
source d’instabilité durable de la zone sahélo-saharienne.
Aussi,
nous appelons la communauté internationale à œuvrer dans ce sens, afin que
notre sous région retrouve la paix la sécurité indispensables pour tout
développement.
Nous
vous remercions pour votre attention, et
remercions toutes les bonnes volontés
qui ont contribué discrètement à faire
de cette journée de célébration du 20
juin un succès.
Richard Toll, le 20 /06/
2013
Source! Moustapha Touré
Source! Moustapha Touré
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