...au sein d'une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même
I) La Question Haratine : l’interminable exclusion
Après plus d’un
demi-siècle d’indépendance, la Mauritanie, pays multiethnique et
multiculturel par excellence, demeure plus que jamais confrontée au défi
de la mise en place d’un véritable contrat social, fondé sur
l’appartenance commune à une Nation Unifiée.
Toute l’histoire du pays témoigne d’une
constante exclusion politique, économique et sociale de larges franges
de la population et ce sur la base de leurs origines ou de leur statut
social.
Plus particulièrement,
les Haratines, esclaves ou abid et anciens esclaves ou leurs
descendants – composante principale et de plus en plus significative du
peuple mauritanien - sont confrontés, davantage que n’importe quelle
autre catégorie socio-ethnique, à l’injustice au quotidien, au manque de
perspectives et de débouchés, sans compter les pratiques récurrentes de
l’état mauritanien moderne, pour les maintenir dans la condition
servile de citoyens de seconde zone.
Sur le plan
symbolique, la stigmatisation est absolue : le sort des haratines est à
ce point si peu enviable qu’une partie de leur communauté éprouve de la
honte à assumer son appartenance et son statut pour le revendiquer avec
la fierté requise.
Briser le cercle
vicieux de cette condescendance teintée de dédain, ayant conduit à une
mise à l’écart programmée, ne peut se concevoir que par une refondation
de la république sur la base d’un réel partage du pouvoir et des
ressources du pays entre l’ensemble de ses fils. Une telle option
s’impose - plus que jamais - comme l’unique voie de salut pour mettre un
terme à cette sempiternelle injustice, générée par une histoire
séculaire mais, hélas, toujours inaltérée.
Dans la vie de tous
les jours, la marginalisation des haratines est à la fois évidente et
systématique. Elle se traduit aussi bien en termes de liberté
individuelle et d’autonomie collective, qu’en déficits d’accès à
l’éducation, aux services sociaux de base et encore plus aux richesses
nationales ou au pouvoir politique. La condition générale de cette
communauté demeure marquée par l’esclavage et ses séquelles :
l’exclusion, l’ignorance et la pauvreté y prévalent dans l’indifférence
totale des pouvoirs publics.
De même, la survivance
de l’esclavage traditionnel est restée une réalité massive dans la
Mauritanie postcoloniale et le demeure encore aujourd’hui, en dépit des
dénégations officielles et officieuses. Certes, il y a eu la loi
d’abolition de 1981 qui est restée lettre morte et n’a eu aucun effet
sur le vécu quotidien des Harratines. Par la suite, les différents
régimes politiques du pays ont constamment adopté des attitudes ambiguës
mêlant le déni, l’embarras et le laisser-faire avant qu’en 2007, le
gouvernement mauritanien consente, de bien mauvaise grâce, et sous la
pression du collectif des victimes, à adopter un cadre juridique de
pénalisation qui, malgré ses nombreuses insuffisances, est tout de même
théoriquement abolitionniste mais en pratique largement inappliqué. La
mauvaise foi du dit gouvernement a été très vite mise en évidence par
les nombreuses altercations et violences verbales qui ont émaillé toutes
les réunions ayant rassemblé les organisations de la société civile
avec la commission ministérielle chargée, pourtant, d’expliquer la dite
loi.
Parallèlement à ces timides avancées, de nouvelles formes d’exclusion et d’esclavage modernes ont vu le jour.
Tant de Haratines sont
enkystés dans des poches de misère : ils occupent des habitations de
fortune, faites de bric-et-de-broc dans des enceintes disséminées au
milieu des quartiers chics de Nouakchott où ils s’entassent les uns sur
les autres dans la promiscuité la plus totale. Au sein des grandes
cités, l’essentiel de cette communauté se concentre à la périphérie,
dans les kebbas (bidonvilles) et les quartiers pauvres où ils
constituent l’essentiel de la population. Pire encore est la situation
de ceux qui restent à la campagne; la plupart d’entre eux vivent à
portée de main de leurs anciens maîtres dans des ghettos (Adwabas) de
brousse où règnent la pauvreté, le désœuvrement et l’ignorance et tant
d’entre eux succombent à la délinquance quand ils quittent la campagne
pour la ville.
Sur le plan
démographique, les haratines représentent plus ou moins 50% de la
population du pays; ils continuent pourtant d’être, et de loin, la
communauté la plus défavorisée politiquement, économiquement,
culturellement et socialement. Cette sujétion incomparable, avatar d’un
asservissement multiséculaire, se perpétue par la volonté d’un système
né de l’injustice et survivant de l’inégalité. Cette inégalité de
naissance, normée par des us et coutumes surannées, s’est transformée en
une inégalité des chances ou « malchance structurelle » par le
truchement des régimes politiques successifs dont la plupart se sont
évertués, insidieusement, à transposer et à reproduire la logique
pyramidale de la tribu en lieu et place de la rationalité démocratique
supposée de l’Etat moderne.
En effet, des dizaines
d’années durant, les armes de l’ignorance et la marginalisation
économique ont été largement et abusivement utilisées contre cette
communauté et leurs dégâts sont tels, qu’aujourd’hui, l’essentiel de ses
membres sont réduits à être presque les seuls à occuper des emplois
subalternes dans les activités urbaines et rurales. Les enfants
Haratines, privés de scolarité et réduits à ramasser les ordures ou
peupler les rues des villes et même des petits hameaux, constituent une
preuve irréfutable du caractère profondément injuste et discriminatoire
des pouvoirs publics qui continuent de cautionner, là où s’impose une
rupture radicale, la pire des injustices : celle de l’inégalité des
chances dans l’éducation des enfants.
L’absence - très
remarquée - des Haratines dans les filières d’emplois des secteurs
publics et semi-publics est à mettre sur le compte des politiques
délibérées d’un état, patrimoine exclusif de bandes de prévaricateurs
communautairement très typés ; et de surcroît, continuellement assailli
de demandes pressantes de l’alliance militaro – tribale dont il est la
chasse gardée. La même approche semble avoir été, malheureusement, faite
sienne par les représentations internationales en Mauritanie (PNUD,
OMS, UNICEF, Union Européenne…etc.) qui ne recrutent presque jamais de
cadres ou même de simples employés subalternes Haratines en leur sein. A
cela s’ajoute le rôle négatif joué par le colonisateur dans la
perpétuation du phénomène de l’esclavage et du maintien de l’ordre
féodal établi…
Toute tentative
d’émancipation se trouve donc compromise d’office et bien lourdement par
le sabotage délibéré de l’école publique et l’obstruction faite à toute
opportunité de réussite économique qui constitue la clé de voûte de
toute promotion sociale. Ainsi, patiemment, de pillages en détournements
de deniers publics, de l’attribution des meilleurs lots du cadastre en
milieu urbain en quasi monopole du foncier agraire ainsi que des
licences de pêche ; et de contrats en prêts complaisants de banques et
d’institutions étatiques, s’est constitué, en toute impunité et au
profit quasi-exclusif des seuls anciens maîtres, un capital privé
national, résultat du détournement de la fonction
politico-administrative, et ce pendant un processus tri décennal. Dans
le même temps, des agglomérations entières (adwabas et kebba) et des
générations de centaines de milliers de Haratines sont maintenus hors du
temps, dans le trou noir de l’ignorance et de l’iniquité.
Un tel état de fait
n’est pas le fruit du hasard mais découle bien des choix délibérés et
conscients de la part des tenants successifs du pouvoir dont la plupart
s’avéraient profondément incapables de saisir le sens même du projet de
Nation ; en somme l’intérêt général, au point qu’ils ne semblent avoir
comme ambitions pour ce pays que de sauvegarder la rigide règle de
reproduction des privilèges d’un passé révolu.
L’accumulation des
frustrations a eu pour résultat la différenciation galopante dans le
tissu social de ce qui était connu, jadis, sous le label de « MAURES »,
en deux entités de plus en plus distinctes (Bidhanes d’un côté et
Haratines de l’autre); différenciation qui est à inscrire dans la
logique de cette bombe à retardement qu’on appelle injustice et dont
l’histoire nous enseigne qu’elle explose toujours à l’improviste et sans
crier gare.
Partant du constat de
cette réalité exécrable, qui ne fait honneur à personne, le système
militaro-féodal qui use et abuse de tous les moyens étatiques pour
pérenniser une domination devenue impossible, est appelé à prendre
conscience, aujourd’hui, que les victimes, jusqu’ici consentantes de
l’état mauritanien moderne, sont parvenus au seuil de l’insupportable et
en ont ras-le-bol de subir indéfiniment les affres d’un système
irresponsable, sans foi ni loi.
Nonobstant la
centralité grandissante du débat sur cette question vitale pour le
devenir de la Mauritanie et les acquis symboliques du mouvement national
de lutte contre l’esclavage, les conditions de vie des Haratines
continuent de connaître une dégradation sans précédent. La pérennisation
de cet état de fait sonnera inéluctablement le glas de l’ordre établi
dont l’essence inégalitaire et l’impossible réforme conduiront
inévitablement, à un moment ou un autre, à l’implosion sociale.
L’objet du présent
document est de faire un état des lieux de cette situation plus d’un
demi-siècle après l’indépendance et d’oser des propositions pratiques
pour corriger ce qui doit l’être dans les délais les plus rapides
possibles sur la base des principes fondamentaux des droits de l’homme
et du citoyen en vue de préserver la paix civile par le moyen unique de
la justice. Les auteurs sont pleinement conscients de l’existence
d’autres injustices qui frappent d’autres communautés et segments de
notre peuple, notamment les pauvres, quelle que soit leur origine, les
castes considérées « inférieures »- particulièrement la «caste des
forgerons »-, certaines franges des communautés négro-mauritaniennes,
les femmes…etc. Ils ne conçoivent le règlement définitif de la «
question Haratine » que dans le cadre d’un effort global sur la voie de
l’égalité, de la rationalité, de la fin de l’impunité et de l’abrogation
des privilèges tribaux qui ne profitent qu’à une infime minorité, aux
dépens des intérêts de la collectivité nationale et même tribale.
II) L’état des lieux : des chaînes de l’esclavage aux barreaux de l’exclusion
Le diagnostic de la
situation passée et actuelle des haratines fait ressortir un tableau
sombre, marqué par les ravages de l’esclavage, de la domination, de
l’exclusion et de l’injustice. Le mal s’est perpétué sous la chape de
plomb d’un ordre empreint d’archaïsmes et d’inaptitude à l’autocritique,
finalement réfractaire à toute remise en question interne.
Loin des discours
idéologiques ou partisans, un simple survol de quelques chiffres et
indicateurs permet de donner la mesure exacte de cette triste réalité :
- Plusieurs dizaines à
plusieurs centaines de milliers de haratines (les estimations sont
approximatives en l’absence d’études indépendantes du fait des tabous
nés du refus systématique par les gouvernements successifs) sont encore
réduits à l’abominable esclavage de naissance, de statut et de condition
avec toutes les sujétions et les traitements inhumains et dégradants
qui s’y attachent : travail forcé et non rémunéré, viols et exploitation
sexuelle, séparation des familles, ignorance et pauvreté, misère
sociale et économique, absence de perspectives d’avenir et exclusion…etc
;
- Plus de 80% des 1 400 000 personnes les plus pauvres en Mauritanie sont issus de la communauté Haratine ;
- Plus de 85 % des 1500 000 analphabètes en Mauritanie en sont également issus;
- Près de 90 % des
petits paysans sans terre du fait de la tenure traditionnelle du sol ou
de l’exploitation féodalo-esclavagiste, se recrutent au sein de ce
groupe;
- Moins de 10 % des 30
000 hectares attribuées légalement et aménagés dans la vallée du fleuve
ont profité aux petits paysans locaux, le reste à quelques dizaines de
fonctionnaires, commerçants et hommes d’affaire souvent natifs des
Wilayas non agricoles ;
- La parcelle d’un
paysan local est en moyenne de 0,25 à 0,5 hectare contre une moyenne de
200 hectares pour la parcelle d’un fonctionnaire ou homme d’affaires
agriculteur d’occasion;
- Moins de 10% des 2
à3 milliards d’UM de prêts accordés annuellement par le Crédit agricole
pour financer la campagne éponyme, profitent aux milliers de
cultivateurs locaux (à majorité Haratines) contre plus de 90% pour les
dizaines d’entrepreneurs de l’agro-business (ou prétendus tels),
ressortissants de milieux et de zones sans vocation agricole dans leur
grande majorité;
- Moins de 0,1% des villas et habitations de haut standing des quartiers chics de Nouakchott appartiennent à des Haratines;
- Moins de dix
diplômés de cette communauté sur 200 ont profité du programme spécial
d’insertion pour les diplômés chômeurs dans le secteur agricole au
niveau de la plaine de M’Pourié à Rosso ;
- Plus de 90 % des
dockers, domestiques, travailleurs manuels exerçant des métiers pénibles
et mal rémunérés sont des Haratines ;
- Plus de 80% des
élèves de cette communauté n’achèvent pas le cycle primaire et moins de 5
% poursuivent jusqu’au bout du cycle secondaire ;
- Moins de 5 % des
étudiants de l’enseignement supérieurs sont issus de cette communauté ;
et une infime minorité de ce pourcentage perçoit des allocations
d’études ;
- Moins de 2 % des
étudiants des grandes Ecoles nationales (ENAMJ, Ecole des Mines, Faculté
de médecine, EMIA…etc) et étrangères sont issus de cette communauté ;
- Moins de 0,1% des opérateurs économiques (hommes et femmes d’affaires importants) sont Haratines ;
- Moins de 2% des hauts fonctionnaires et cadres supérieurs du secteur public et parapublic sont Haratines ;
- Moins d’une dizaine de parlementaires Haratines sur 151 élus au niveau des deux chambres du parlement ;
- Moins de 15 maires Haratines sur 216 et moins de 12 % de conseillers municipaux à l’échelle national;
- 2 Ministres
Haratines en moyenne sur les 30 dernières années sur plus de 40
ministres et assimilés ; 20 ministres sur 600 de 1957 à 2012 ;
- Un seul Faghih agrée sur plusieurs centaines ;
- Quelques dizaines d’Imams sur des milliers reconnus et agrées ;
- 2 Secrétaires généraux de Ministères et Institutions assimilées sur 40 ;
- 1 wali(gouverneur de région) sur 13 ;
- 1 à 2 hakems (préfet) sur 54 ;
- 1 à 2 Chefs de Mission diplomatique sur 35 environ ;
- 3 à 4 Directeurs généraux d’Etablissement ou de sociétés publics sur 140 ;
- 2 Présidentes de Conseils d’Administration d’Etablissements ou sociétés publics sur 140 ;
- Moins de 50 médecins sur plus de 600 ;
- Quelques 100
ingénieurs sur plus de 700 ; et pourtant moins de 2% des ingénieurs en
service au niveau des grandes sociétés et établissements nationaux
(SNIM, SOMELEC, PAN…etc.) sont Haratines;
- Plus de 90% des
diplômés supérieurs Haratines, se présentant aux concours et tests
nationaux, se font stopper dans les ultimes phases d’entretiens verbaux ;
- La grande majorité
des diplômés Haratines sont condamnés à l’exil, à la reconversion
professionnelle ou à se résigner à l’exercice de métiers réputés ingrats
et peu lucratifs (enseignants, guides touristiques, travail à temps
partiel…etc.)
- 0 Président ou
directeur de banques, de sociétés d’assurance ou du secteur financier,
de directeur de radio ou de télévision, parmi quelques dizaines
d’établissements de cette nature ;
- Moins de 20 professeurs d’université sur un nombre avoisinant les 300 ;
- Une demi-douzaine de magistrats sur plus de 200 ;
- Moins d’une dizaine de diplomates sur plus de 150 ;
- Moins d’une dizaine de commissaires de police sur plus de 140 ;
- Une dizaine d’administrateurs civils sur plus de 200 ;
- Moins de 40
officiers supérieurs sur plus de 500 ; dans ce cadre, le corps de la
garde nationale constitue une caricature de la sélection
ségrégationniste à l’égard des fils de cette communauté d’où leur nombre
infime parmi les officiers tous grades confondus ;
- Un seul Hartani –
médecin de surcroît – promu in extrémis au grade de général depuis moins
d’un mois, sur les 19 généraux qu’a connus la Mauritanie ou qu’elle
connaîtra d’ici la fin de l’année 2013.
Ce tableau illustre à
suffisance la marginalisation, voire l’exclusion des membres de cette
communauté qui cumulent tous les handicaps tant sociaux et culturels que
politiques et économiques ; et font face, de surcroît, à toute sorte
d’obstacles et d’embuches dressés devant leur promotion. Les rares
cadres Haratines qui parviennent à se hisser au rang de l’élite
nationale, atteignent très vite le plafond de verre et cessent, dès
lors, de pouvoir prétendre à diriger les hautes sphères de l’état à
moins qu’ils ne soient, en réalité, que des sous-fifres de quelques gros
bonnets du système.
A cet égard, le
système de filtrage et de censures, instauré au sein des forces armées
et de sécurité pour réduire à la portion congrue la présence des
officiers Haratines au sein de ces institutions, met en évidence la
nature « particulariste » et rétrograde des orientations de la haute
hiérarchie de notre « grande muette », devenue par la force des choses, à
la fois gardienne et maîtresse du temple du pouvoir.
Ainsi, depuis quelques
années déjà, le recrutement des élèves officiers n’obéit plus que de
façon formelle aux critères objectifs de sélection. Mis à part l’opacité
qui entoure les examens de recrutement, la plupart des nouveaux cadets
de l’école militaire interarmes d’Atar (EMIA) sont sans baccalauréat,
pourtant diplôme minimum exigé pour participer à ce genre de concours.
En lieu et place de la sélection transparente et objective, ont été
érigés en système l’interventionnisme, le népotisme, le tribalisme et
tous les particularismes permettant d’une part, de caser le plus grand
nombre de la progéniture dépravée des énarques du pouvoir et de celle de
leurs proches et d’autre part, d’écarter le plus grand nombre de
prétendants au grade d’officier parmi les autres composantes nationales,
principalement les Haratines.
Cette vérité amère
agace et indispose ceux qui la vivent au quotidien. Elle touche à la
dignité de tant de citoyens et leur crève les yeux rien qu’en regardant
les séquences télévisées des cérémonies annuelles de sortie des
promotions d’officiers à partir de l’EMIA…
En aval de ce système
instauré en amont, la maîtrise du cursus des officiers par une série de
procédures inadaptées dans cet environnement malsain, vient refermer la
quadrature du cercle vicieux d’une mise à l’écart programmée.
Le blocage de
l’avancement indésirable de certains officiers par le biais de concours
truqués, a été principalement dirigé, de manière plus ou moins ouverte,
contre les officiers négro mauritaniens depuis la tentative de coup
d’état des FLAM en 1987. Après avoir produit les effets souhaités, ce
stratagème fut réorienté, de manière subtile et sous-jacente, vers les
officiers Haratines dès le début des années 90. Cette piètre « révision
stratégique » fut motivée par l’appréciation qu’ont eue certains esprits
attardés de voir soudainement, en l’ascension de la nouvelle génération
Haratine, la principale menace contre la pérennité de leur monopole du
pouvoir. Ce philtre sélectif par lequel passe la volonté du « haut
commandement » donne lieu à toute sorte de magouilles et de turpitudes
dans le but de distiller à doses homéopathiques les quotas minima permis
à chaque occasion. Le résultat en est qu’aujourd’hui tant d’officiers
supérieurs sont sans niveau et ne doivent leurs grades immérités qu’à
l’injustice du système qui a laissé sur le carreau puis poussé à la
retraite tant d’officiers de grande compétence et de grande valeur – en
majorité Haratine - au simple grade de capitaine.
L’armée n’est qu’un
prototype des pratiques et des lignes de conduite bien ancrées dans les
hautes sphères de l’état mauritanien. Les fuites et indiscrétions sur
les réunions de groupes de réflexions destinés spécialement à planifier
la marginalisation des Haratines, les attitudes qui en disent plus que
les mots quand ce ne sont pas les déclarations de condescendance ou de
racisme crû, sont là pour nous édifier davantage sur la réalité d’une
Mauritanie hypocrite et secrète, très déphasée par rapport à l’image
qu’elle veut bien projeter d’elle-même à l’extérieur…
Autant de faits et de pratiques qui concourent à dépeindre la réalité d’un pays bancal…
Il est à noter que
cette tendance s’est accentuée au cours des dernières décennies qui ont
connu la faillite de l’enseignement public et vu naître la recrudescence
des particularismes dont certaines franges ont pu faire main basse sur
l’état.
S’il est
compréhensible que l’accès aux grands corps (médecins, magistrats,
administrateurs ou ingénieurs) soit soumis à des critères académiques,
il est difficilement justifiable que, pour les postes soumis à la
discrétion du Gouvernement ou simplement de l’Administration, la
préférence ethnique s’avère tout aussi plus massive et durable. D’autant
plus que, chez nous, les critères de nomination aux fonctions
gouvernementales et aux charges étatiques, relèvent presque toujours du
fait du prince et rarement de la compétence ou du mérite. Pour s’en
convaincre, il suffit de prendre un échantillon des 140 directeurs et
chefs d’établissements publics ou parapublics; et l’on trouvera que la
plupart d’entre eux n’ont d’autre mérite que de bénéficier d’ententes
tribales et /ou d’appartenir à des réseaux mafieux qui monopolisent les
destinées du pays au détriment de l’intérêt supérieur de la nation, de
la justice, de la cohésion et de l’unité nationales.
Par ailleurs, comment
comprendre que seuls 10 parlementaires sur 151 soient Haratines alors
que le discours officiel ne cesse de ressasser le credo de la
représentativité du peuple ?
Pourtant, les 53
circonscriptions électorales (Moughata’a) d’où proviennent les députés
et sénateurs, comptent toutes une majorité - absolue ou relative - de
Haratines.
Le comble de
l’injustice s’est reflété dans la composition des Gouvernements qui se
sont succédés depuis l’indépendance et desquels les descendants
d’esclaves ont été systématiquement exclus jusqu’en décembre 1984.
Depuis, les pouvoirs successifs ont fixé le quota des Haratines à 2 ou 3
places au gouvernement sur plus de 40 ministres et assimilés. La
disproportion est flagrante…
Ainsi, la Mauritanie
devient-elle le seul pays au monde où l’Etat applique la discrimination
négative dont le signe distinctif est qu’elle fixe un quota plancher,
figé et profondément injuste pour les communautés défavorisées alors que
la discrimination positive, qui s’impose dans de tels cas, justifierait
exactement d’une logique inverse.
Mais la situation la
plus emblématique de l’exclusion des haratines demeure, sans conteste,
celle des petits paysans sans terre, encore soumis à la domination et
l’exploitation esclavagiste et féodale, souvent fondée sur le
détournement de la réforme foncière de 1983 par des autorités
administratives et des magistrats au nom d’une solidarité de classe,
parfois de race, parée des oripeaux de la légalité républicaine ou sous
couvert de prescriptions religieuses…
Plus inquiétante
encore est la faillite de l’école publique, jadis considérée comme le
principal levier de promotion sociale et le meilleur instrument pour
gommer les disparités matérielles et statutaires, en somme tendre vers
l’égalité effective. Tous s’accordent, aujourd’hui, à penser qu’elle
n’est plus en mesure de modifier en profondeur les rapports sociaux ou
de former des citoyens éduqués, aptes à s’intégrer dans une nouvelle
Mauritanie égalitaire et unie.
Cette faillite
retentissante a créé une école à deux vitesses : une école privée pour
les classes moyennes et/ou supérieures et les classes privilégiées et
une école publique pour les enfants des couches défavorisées et
populaires, très majoritairement composées des Haratines. Alors
d’instrument de promotion sociale, l’enseignement est devenu une machine
de reproduction- voire d’accentuation- de l’ordre social injuste et des
inégalités.
De fait, la situation
d’esclavage persistante, la faillite du système éducatif et l’échec
scolaire massif qui broient, dans l’indifférence les enfants des
Haratines et leur avenir, la difficile condition des masses paysannes et
ouvrières, l’exclusion politique et économique, la marginalisation
systématique de l’élite naissante, rendent urgent un Sursaut National,
porté par un grand consensus social et politique pour refonder la
République et rebâtir ensemble un projet fédérateur pour le progrès, le
développement et la justice.
Il est donc grand
temps de lancer un grand Débat sur la question Haratine en vue de
dresser un état des lieux rigoureux et exhaustif des formes de
persistance de l’esclavage comme institution, comme condition et comme
pratique; ensuite, il conviendrait d’explorer les formes d’exclusion
politique, économique et sociale des Haratines dans tous les
compartiments de la vie nationale ; et enfin, proposer des stratégies de
lutte contre leur exclusion perpétuelle ainsi que les politiques et
mécanismes pratiques et adéquats, susceptibles de mettre un terme à
cette course effrénée vers le bord du précipice.
III) Propositions pour refonder la République : de l’exclusion programmée à l’égalité réelle
Le diagnostic ainsi
réalisé conduit à formuler des recommandations dans les différents
domaines en vue de corriger les injustices, déséquilibres et écarts
relevés.
Les propositions qui
suivent devraient constituer la trame de fond d’une stratégie de
plaidoyer et d’action en faveur de la mise en place de politiques
publiques et de programmes d’éradication véritable de l’esclavage et
d’émancipation des Haratines.
Un grand Débat public
auquel seront associés tous les médias, les experts et personnalités
qualifiées, les érudits et Fughahas, doit être organisé dans un proche
avenir pour discuter et enrichir les propositions ci-dessous et leur
donner le maximum de résonnance dans tous les milieux de la société.
Une fois amendés et
adoptés, les résultats et propositions de ce débat pourraient constituer
la base d’un Plan d’action gouvernemental, visant à lutter contre
toutes les inégalités et discriminations et tendre résolument vers
l’égalité réelle entre les communautés et les citoyens. Toutefois, cette
orientation doit être spécifiquement orientée en faveur des haratines
qui accusent un retard très important par rapport aux autres composantes
nationales.
L’approche de «discrimination positive» à laquelle de nombreuses voix ont déjà appelé, s’impose en urgence.
Les propositions concrètes sont les suivantes :
1. Engager, dans les
meilleurs délais, une large concertation nationale pour la mise en place
d’un véritable contrat social, fondé sur l’appartenance commune à une
Nation Unifiée et garantissant la liberté et l’égalité réelles entre
tous les citoyens;
2. Prendre des mesures
immédiates et urgentes en faveur des marginalisés et des
laissés-pour-compte dans le pays puis engager, derechef, les préparatifs
pour la tenue d’un congrès national sur la justice sociale et ce sur la
base des droits socio-économiques et culturels du citoyen dans un état
de droit.
3. Créer des zones
d’éducation préférentielle dans les espaces d’extrême pauvreté (adwabas)
avec tous les avantages liés à ce statut en termes d’enseignement,
d’infrastructures, de moyens budgétaires appropriés, d’encadrement et de
suivi pédagogique, d’évaluation et de motivation des enseignants, des
élèves et de leurs parents, d’accès prioritaire et préférentiel aux
bourses dans l’enseignement professionnel et supérieur, de création
d’internats et de cantines scolaires…etc.
4. Mettre en place un
plan d’éradication de l’analphabétisme dans le pays au cours d’une
période n’excédant pas la décade et assurer la prise en charge de la
scolarisation des enfants et des adolescents jusqu’à l’âge de 18ans avec
possibilité d’accéder à une école de la deuxième chance pour limiter
les décrochages scolaires;
5. Réaliser une
véritable réforme agraire de grande envergure menée suivant les
principes connus : redistribution équitable, individualisée et
définitive des terres selon le principe de préemption pour le
travailleur du sol (la terre appartient à ceux qui la travaillent),
sécurisation juridique de la propriété par des clauses de sauvegarde
contre la spéculation, modernisation de l’outil de production,
accroissement de l’investissement productif, mise en place de mécanismes
garantissant une commercialisation rentable de la production..etc.
Comme il convient d’intégrer pleinement la dimension des droits de
l’homme dans les programmes visant à s’attaquer aux causes profondes de
l’esclavage et de la pauvreté. Dans ce sens, les conclusions et
recommandations des différents rapports du conseil des droits de l’homme
de l’assemblée générale des nations unies - plus particulièrement le
dernier rapport de la rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines
d’esclavage en Mauritanie, Mme Gulnara Shahinian, en date du 24 Août
2010 – peuvent constituer une précieuse contribution à l’éradication des
formes modernes d’asservissement des hommes et de réduction de la
pauvreté.
6. Mettre en
application effective la Loi criminalisant l’esclavage et les pratiques
induites par la révision ou le renforcement de certaines dispositions
afin de permettre aux organisations de la société civile d’ester en
justice en lieu et place des victimes de l’esclavage qui doivent être
considérées comme personnes indigentes par causes de l’esclavage et de
l’ignorance. Il convient aussi de créer une Structure Publique chargée
de ce dossier et de toutes les politiques publiques pour l’égalité
réelle, tout en axant ses efforts sur le repérage, l’affranchissement et
la réadaptation des personnes réduites à l’esclavage.
7. La création d’un
Fonds pour financer toutes les actions liées à ce projet, une revue
annuelle de l’état de mise en œuvre de la Loi avec un débat public sur
ce rapport et une publication largement médiatisée.
Une telle action à
trois niveaux devrait viser à établir enfin la vérité sur la réalité de
l’esclavage, définir un cadre d’action pour en éradiquer les pratiques
et survivances, initier une politique répressive sans complaisance et
accroître la lutte contre l’impunité par la conduite de procédures
d’instruction et de jugement exemplaires, d’arrestation et de punition
des contrevenants
8. Mettre à l’étude la
faisabilité de l’élargissement du Système de protection sociale pour
tendre graduellement vers un régime d’assurance maladie universelle qui
prenne en compte la réalité actuelle caractérisée par le fait que plus
de 80% de Mauritaniens et probablement près de 100% de pauvres et de
travailleurs du secteurs informel se trouvent exclus de toute prise en
charge du risque social et de santé;
9. Revoir les règles
de partage du pouvoir pour attribuer un quota stable de 40 % au minimum
(de manière tacite ou solennelle) à la communauté haratine au niveau des
Institutions constitutionnelles, du Gouvernement, des Administrations
et Etablissement publics et des postes de hauts fonctionnaires de l’Etat
(Cabinets Présidentiel et ministériel, Administration centrale et
territoriale, Diplomatie, Projets de développement, Grands corps de
l’Etat..etc) ;
10. Instituer une
règle imposant que les deux postes supérieurs du pouvoir exécutif
(Président de la République et Premier Ministre) ne soient plus occupés
par deux personnalités de la même communauté ; la mesure permettrait de
mieux favoriser le partage du pouvoir.
11. Inciter fortement à
la présence d’un député Haratine au moins dans la première moitié de
toutes les listes électorales dans les circonscriptions dont la
représentativité parlementaire est supérieure ou égale à deux députés et
ce compte tenu de leur majorité absolue ou relative dans l’ensemble des
Moughata’a du pays.
12. Etudier
différentes formules pour instaurer une Législation fondée sur la
discrimination positive dans certains domaines (Accès aux établissements
et bourses d’enseignement, aux financements publics et investissements,
aux fonctions publiques et mandats électifs…etc) à la lumière des
expériences achevées ou non de certains pays confrontés à des défis
similaires tels que (les Etats-Unis d’Amérique, l’Afrique du Sud, le
Liban, l’Inde, le Brésil, le Royaume Uni…etc)
13. Mettre en place
des politiques assorties de mécanismes institutionnels, juridiques et
budgétaires contraignants en vue de réaliser tous les objectifs liés à
l’égalité réelle et la lutte contre la pauvreté dans les différents
domaines et assurer un suivi grâce à des mécanismes d’évaluation et des
indicateurs chiffrés sous le contrôle du Parlement et des Organisations
de la Société civile avec l’assurance de pouvoir toucher les poches
d’extrême pauvreté dans les zones les plus enclavées et les plus
reculées;
14. Encourager
l’émergence d’une nouvelle classe d’opérateurs économiques et
d’industriels de cette communauté en octroyant, dans des conditions
préférentielles, des facilités pour la création d’établissements
bancaires et financiers, de licences de pêche, des crédits et
financements pour la création d’entreprises et d’industries dans des
domaines porteurs, notamment la pêche et l’agriculture, pour mettre un
terme à la perpétuelle exclusion des Haratines dans le domaine de
l’économie et des affaires, élément le plus constant de leur oppression;
sachant que les biens fabuleux qui se sont amoncelés et s’amoncellent
toujours dans les poches des nouveaux riches, ont tous pour source
unique les deniers publics, mis à contribution au service de certains,
suivant des méthodes et procédés dont le moins qu’on puisse dire est
qu’ils manquent de transparence et d’objectivité.
15. Favoriser l’accès
des haratines en tant que tels aux mandats électifs et à la haute
administration par des moyens autres que les «quotas officieux» et ce
pour en finir avec les discriminations flagrantes situant la part qui
leur revient à un niveau insignifiant : souvent entre 1 à 2% de
Haratines dans des postes électifs et de hauts fonctionnaires alors
qu’ils constituent plus ou moins la moitié de la population du pays;
16. Mener une enquête
quantitative et qualitative indépendante sous l’égide de l’Etat et avec
la participation d’organisation spécialisées aux fins de mesurer la
réalité exacte du phénomène de l’esclavage, de ses survivances et de ses
séquelles.
17. Initier un grand
débat doctrinal associant les différentes écoles de pensée islamique sur
le discours religieux et leur rapport à l’esclavage, contrôler la
diffusion des ouvrages des jurisconsultes et certains programmes des
médias officiels (Radio Coran par exemple) tendant à perpétuer
l’esclavage et l’inégalité entre les hommes. Il convient aussi de
s’interroger sur le rôle des Ulémas et Fughahas, en tant qu’instance de
légitimation de tout pouvoir politique en place et de l’ordre social
injuste, jusqu’ici réfractaires aux enseignements éthiques de l’Islam,
notamment les valeurs d’égalité, d’humanisme et de fraternité.
18. Affirmer le
leadership des membres qualifiés de la communauté Haratine dans le
domaine religieux, culturel et symbolique avec l’émergence d’Imams et
Fughahas, écrivains et penseurs, femmes et hommes des arts et médias,
poètes et prosateurs pour modifier l’image et la perception de cette
communauté et mettre en valeur sa contribution au système de production
et de diffusion des valeurs religieuses et culturelles.
19. Affirmer, de
manière claire et précise, le principe d’égalité réelle entre les
communautés et les citoyens dans les programmes d’enseignement publics
et privés, les déclarations de politique générale du Gouvernement et de
l’Opposition, les différents plans de développement, les priorités des
Organisations de la société civile et des partenaires extérieurs.
Un Projet de Charte
pour l’égalité réelle et contre l’exclusion et les discriminations sera
proposé très prochainement à tous les partis politiques pour l’enrichir
et l’adopter.
20. Refonder les
politiques de lutte contre le chômage et la pauvreté avec un meilleur
ciblage des zones de pauvreté et d’extrême vulnérabilité et
l’application de mécanismes préférentiels en faveur des Haratines d’où
l’intérêt de confier les politiques appropriées à l’Organisme public
cité au point 7;
21. Elaborer un
programme spécial prioritaire en faveur des centaines de milliers de
jeunes déscolarisés et sans diplôme, victimes de la faillite de l’école
publique et de l’indigence de leurs parents ; les grands gisements
d’emploi (Agriculture, Pêche, Mines, Services…) méritent une meilleure
valorisation, en plus éventuellement d’un nouveau Service national
civilo-militaire qui pourrait être pourvoyeur de dizaines de milliers
d’emplois ;
22. Mettre en place
des outils incitateurs (fiscaux, allégement de charges sociales,
réduction des impôts sur les bénéfices, accès préférentiel aux
financements bancaires avec des taux d’intérêt bonifiés…) pour mieux
orienter l’investissement privé et accroître son volume vers les zones
d’extrême pauvreté et favoriser la création de richesses et d’emplois ;
23. Mettre en œuvre un
Plan de formation professionnelle au profit des petits métiers et des
travailleurs du secteur informel avant de leur ouvrir l’accès aux
financements publics et privés permettant de mieux structurer leurs
activités, en améliorer la productivité et en accroître les revenus ;
24. Revoir le statut
des sociétés d’intermédiaires (telles que le BEMOP) pour mettre fin à
leurs scandaleuses pratiques relevant de l’esclavage moderne de
prélèvement confiscatoire de plus de 60 % sur les salaires des
travailleurs placés ; il convient, soit de les supprimer totalement et
en confier la mission aux syndicats de travailleurs, soit plafonner
cette ponction à 10% maximum conformément aux standards internationaux ;
25. Concevoir et
mettre en œuvre un grand Programme de reconstitution du cheptel au
profit de petits paysans et éleveurs pauvres pour les doter d’un bétail
composé au minimum de 10 à 15 têtes de différentes familles (Ovins,
caprins, bovins, camelins) selon les zones d’élevage et le choix des
bénéficiaires. Ceci favorisera un élevage productif, susceptible
d’accroître les revenus des haratines hors des villes et en réduire la
misère;
26. Promouvoir une
politique de logement social pour assurer l’accès des pauvres à la
propriété et à un logement décent doté de l’eau et de l’électricité,
avec une priorité aux demandeurs haratines;
27. Appuyer les
Organisations de la société civile engagées dans le combat pour
l’égalité réelle, l’appui à la création d’Instituts de réflexions
stratégiques et de prospectives, d’Observatoires dédiés à développer la
recherche, les études et les publications sur la problématique Haratine.
28. Favoriser l’accès
aux médias de tous les courants de pensée, des hommes politiques,
intellectuels et militants de la cause de l’émancipation pour
contrebalancer la pensée unique du courant nationaliste conservateur et
négationniste qui refuse tout débat sur la réalité de l’esclavage et de
l’exclusion dans le but de pérenniser l’ordre social injuste et
inégalitaire au péril de l’unité et de la cohésion nationales.
29. Faire de la
journée correspondant à la date du vote de la Loi criminalisant les
pratiques esclavagistes une Journée officielle de souvenir et de mémoire
où la Nation rend hommage aux victimes de l’esclavage et célèbre par la
production intellectuelle la plus variée les valeurs d’égalité,
d’antiracisme, de solidarité et de fraternité. Il importe d’ organiser à
cette occasion des cérémonies ponctuées de discours officiels, des
débats dans les médias, les écoles et universités ; des remises de
décorations et de reconnaissances aux militants de cette noble cause ;
30. Créer une Haute
Autorité indépendante, inscrite dans la Constitution, en charge de la
promotion de l’égalité réelle et de la lutte contre les discriminations
et l’exclusion , dotée de pouvoirs d’investigation, d’interpellation et
du droit d’ester en justice pour assister les personnes victimes de
discrimination, de racisme ou d’esclavage.
Cette Haute Autorité
pourrait également saisir le Gouvernement et les Autorités publiques de
tout manquement aux principes d’égalité et de traitement équitable des
citoyens, quelles qu’en soient les causes.
Elle devrait établir
un rapport annuel soumis au Président de la République et aux Présidents
du Sénat, de l’Assemblée nationale ainsi qu’au chef de file de
l’opposition démocratique.
Ce rapport sera rendu public et alimentera un débat au niveau des deux chambres du parlement.
Partant du constat de
cette sombre réalité, le présent Manifeste constitue à la fois une main
tendue et un appel à la refondation d’un nouveau projet politique
national, tout entier tourné vers l’émancipation réelle de tous les
marginalisés, à commencer par la communauté Haratine et l’éradication
totale de toutes les formes d’injustice, d’exclusion et de domination
dont souffrent tous nos concitoyens. Exclusion qui ne se limite pas
seulement au domaine socioéconomique mais enserre de larges pans de la
société dans un statut psychosocial inférieur.
Plus particulièrement,
la présente initiative a pour ambition de traduire une nouvelle prise
de conscience de la communauté Haratine pour capitaliser les acquis des
luttes menées depuis la création du Mouvement El Hor en mars 1978, tirer
les leçons de ces combats et concevoir un nouveau projet à la fois
fédérateur et en rupture franche avec le système des hégémonies
particularistes, tribales en particulier, et ce dans le but de servir
les intérêts supérieurs de la nation.
Le grand mouvement
civique que ce Manifeste voudrait susciter et animer, s’inscrirait à
contresens de l’ordre ancien, esclavagiste et féodal, pour créer les
conditions d’une révolution sociale et politique portée par une forte
mobilisation citoyenne, pacifique et démocratique, associant toutes les
forces, issues de toutes nos communautés nationales et transcendant les
appartenances partisanes de culture, d’opinion ou de couleur.
Ce document est une
invitation pressante à s’adapter à la situation nouvelle et aux
exigences de notre temps pour réaliser un apaisement entre les centres
de pouvoir et la société afin de prévenir ainsi les effets délétères de
l’insondable montée des frustrations qui s’accumulent jour après jour.
Il interpelle les
forces politiques nationales (majorité présidentielle et opposition
démocratique), les acteurs de la société civile, les leaders d’opinion
ainsi que tout patriote mauritanien sincère pour leur demander, à tous,
de se prononcer sur le contenu de cette modeste contribution à la
perspective d’un devenir meilleur pour notre nation.
En définitive,
l’objectif premier d’une telle démarche n’est autre que de réaliser le
concept de citoyenneté, fondé sur la consolidation de la justice
sociale, la consécration de l’égalité citoyenne et la construction de
l’unité nationale sur des bases saines, solides, viables et durables en
application du principe de la concertation avant toute refondation./
- DISPOSITIONS FINALES
Les promoteurs de ce
mémorandum sont des cadres haratines et autres concitoyens partageant
les mêmes convictions. Ils appartiennent aux différents partis
politiques de la majorité et de l’opposition ainsi qu’aux organisations
de la société civile.
Toutes les personnes
physiques ou morales qui adhèrent à cette vision des choses, peuvent se
joindre aux initiateurs de ce mémorandum et signer une pétition en vue
de le promouvoir.
À court terme, ce
mémorandum devrait servir pour la sensibilisation, le plaidoyer et la
mobilisation pour la grande marche nationale et pacifique dite marche
pour la justice et l’égalité citoyennes qui sera programmée
ultérieurement.
Sur le moyen terme, ce
manifeste devrait être débattu, enrichi et valide par le plus grand
nombre de cadres, de groupes et d’entités y adhérant pour qu’il acquière
la force et la légitimité nécessaires pour devenir un document de base,
susceptible d’être le point d’ancrage pour l’ouverture d’une nouvelle
ère en Mauritanie.
Il convient, par la
suite, de lui donner le maximum de résonnance au niveau de la société
civile, de la classe politique, du gouvernement et des chancelleries
étrangères.
Ce mémorandum sera
rendu public a l’occasion d’une cérémonie solennelle et sera enrichi
d’une déclaration politique lors de la grande marche programmée ; tout
comme il sera largement distribue en Mauritanie, au niveau arabe,
africain, européen, américain et international.
L’action pour
l’émancipation des harratines sera fédérée avec l’ensemble des efforts
et des luttes destinées a défendre les droits de l’homme et a enraciner
la démocratie, la justice sociale et la bonne gouvernance au profit de
tous les citoyens de toutes les couches sociales de notre chère nation.
Nouakchott, le 29 Avril 2013
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