Monsieur le Ministre
Les
ressortissants mauritaniens vivants à l’extérieur particulièrement en
France
sont confrontés à de graves problèmes liés aux conditions d’enrôlement
qui leur sont spécialement imposées (exigence de présenter une carte de
séjour) et
à la notification par l’Ambassadeur de Mauritanie à Paris aux autorités
préfectorales françaises de l’invalidité des anciens passeports alors
même qu’ils sont incapables de se procurer encore les passeports
biométriques. Cette situation fait courir à nos concitoyens des risques
énormes de se retrouver en situation d’illégalité, de perte d’emploi et
même de citoyenneté mauritanienne.
En
conséquence, je vous prie Monsieur le Ministre de nous expliquer cet
état de fait et de nous rassurer quant aux mesures que vous pourriez
prendre pour mettre fin au calvaire de ces citoyens.
Développement de la question objet de l’interpellation
L’opération d’enrôlement des citoyens engagée depuis deux ans n’a pas fini de faire parler
d’elle
du fait des conditions calamiteuses dans lesquelles elle a été engagée
et poursuivie, provoquant énormément de
contestations et de protestations qui ont engendrées même la mort d’un
adolescent Lamine Mangane. Aujourd’hui encore beaucoup de citoyens
continuent à se plaindre et à dénoncer les obstacles dressés devant eux
pour se faire enrôler mais je repose cette fois-ci le problème
sous-forme d’interpellation à cause des risques et des conséquences
incalculables que cette opération fait courir à nos compatriotes vivant à
l’extérieur, si on ne prend pas des mesures urgentes pour redresser la
situation.
L’enrôlement a
été entamé en France avec la tare congénitale de conception qu’on a
toujours dénoncée qui consiste à considérer que personne n’est plus
mauritanien et qu’il le deviendra seulement une fois qu’il se fera
enrôler. Et comme il n’y a pas de procédure arrêté à laquelle tout le
monde doit se soumettre, les conditions varieront en fonction du lieu
d’enrôlement, du type de population à recenser et
du responsable de l’opération. Vous vous rappelez sans doute qu’après
beaucoup de critiques et de protestations au début de l’opération
l’Administrateur Directeur Général a été obligé de venir à la télévision
nationale et de présenter oralement une procédure en insistant sur le
fait que tous les mauritaniens seront recensés et il les divisera en
quatre catégories :
Ceux qui ont un acte de naissance et la carte d’identité issus du Ranvec ;
Ceux qui ont l’un ou l’autre des actes ;
Ceux qui ont les anciennes pièces d’Etat-civil (avant le Ranvec) ;
Ceux qui n’ont aucune pièce et qui seront identifiés à partir de leurs parents et proches.
Ceux qui ont l’un ou l’autre des actes ;
Ceux qui ont les anciennes pièces d’Etat-civil (avant le Ranvec) ;
Ceux qui n’ont aucune pièce et qui seront identifiés à partir de leurs parents et proches.
Il
est seul à savoir et à pouvoir décider à quelle période telle ou telle
catégorie sera admise à l’enrôlement et malheureusement on parle
beaucoup d’un durcissement de l’opération ces derniers temps.
En
France, un seul bureau a été ouvert pas seulement pour toute la France
mais pour toute l’Europe et les candidats à l’enrôlement sont obligés
donc de venir de très loin et très tôt (à 4h ou 5h du matin) pour faire
la queue. Les mauritaniens vivants en France feraient à eux seuls 20 000
à 30 000 et la commission n’enregistre pas plus de 40 personnes par
jour. Je pensais sérieusement que le démarrage tardif de l’enrôlement à
l’extérieur devait permettre une meilleure
préparation de l’ opération mais j’ai
été surprise de voir qu’on a fait que transposer à l’étranger les
méthodes déjà difficilement acceptables ici, sans tenir compte des
contextes très
différents
(manque de temps, contraintes de travail, d’études, conditions
atmosphériques rudes et de longues files d’attente, femmes et enfants
compris occupant la voie publique avec ce que cela pose comme
désagrément pour le voisinage) ; alors qu’on pouvait bien profiter du
degré de développement et d’organisation de ces pays.
Il
est par ailleurs exigé de chaque candidat de présenter en plus des
actes demandés à l’intérieur du pays la carte de séjour délivrée par
l’autorité du pays d’accueil (ce qui n’est pas demandé en Arabie
Saoudite ou en Côte d’Ivoire par exemple). Et au moment même où ces
concitoyens se battaient contre ces conditions inacceptables,
l’Ambassadeur communique aux autorités préfectorales françaises
l’invalidité des anciens passeports. Est-ce que vous mesurez les
conséquences d’un tel état de fait ? Impossibilité de se faire établir
une carte de séjour et se retrouver dans l’illégalité et donc perte
d’emploi dans les conditions de crise en Europe et pire impossibilité de
se faire enrôler pour obtenir son état-civil et par conséquent perte de
nationalité. Vous comprenez alors l’indignation et la colère de ces
mauritaniens qui au lieu d’être aidé par les
autorités
de leur pays pour faire face aux énormes difficultés de l’exil sont
ainsi maltraités par celles-ci malgré l’esprit d’ouverture dont ils ont
fait preuve dans les négociations.
La
question qu’il faut se poser est pourquoi leur exige-t-on la carte de
séjour ? Est ce parce qu’on doute de leur citoyenneté mauritanienne ? Ou
est ce pour attester comme on semble le dire que la personne réside
bien à
l’étranger ? Cette exigence est loin d’être pertinente pour l’un et
pour l’autre cas. En quoi un acte établi par une autorité d’un pays
étranger peut-il confirmer la nationalité de quelqu’un alors même que
cet acte est délivré sur la base de l’acte national mis en doute ?
L’enrôlement étant biométrique la résidence n’a plus d’importance. Alors
Monsieur le Ministre la question est encore sans réponse pour moi. Il y
a donc urgence à trouver avec nos ressortissants en France des
solutions convenables et leur éviter des situations qui pourraient être
dramatiques.
La question
de fond, même si on ne l’a pas déclarée, semble être le doute qui
pèserait sur certains d’avoir obtenu une autre nationalité qui leur
ferait perdre la nationalité mauritanienne. On ne peut s’empêcher alors
de demander pourquoi ce doute ne se porterait que sur les Mauritaniens
installés en Europe et pas dans les
autres pays.
Dans tous
les cas cette situation repose pour les mauritaniens contraints de vivre
à l’extérieur la possibilité d’avoir une double nationalité. En effet
la loi sur la nationalité l’autorise de manière injuste parce qu’elle
est obtenue par décret présidentiel (l’appréciation ainsi laissé au
président permet d’accorder un avantage de cette importance à un tel et
d’en priver un tel autre) au lieu d’être un décret avec des critères
précis faisant respecter l’égalité des citoyens. Le problème de la
constitutionnalité de la loi sur la nationalité mérite d’ailleurs d’être
soulevé au Conseil Constitutionnel. En tout état de cause je pense
qu’il est vraiment indispensable de réviser cet aspect de la dite loi
pour corriger cette injustice d’abord et permettre ensuite à ces
milliers de Mauritaniens qui se sacrifient pour vivre et faire vivre les
leurs et qui contribuent de manière
considérable au développement socio-économique de leur pays
(l’essentiel de leurs revenus est transféré ici sous forme
d’investissements, de transfert de devises etc.) et leur éviter des
situation déplorables comme celle de ce compatriote tué récemment en
Angola et qui n’avait plus sur lui des papiers mauritaniens.
En
conclusion, je demande à notre auguste assemblée de prendre une motion
demandant purement et simplement au gouvernement la suppression de
l’exigence de la présentation de la carte de séjour qui est une pièce
étrangère pour l’enrôlement de nos ressortissants en France.
Je vous remercie
Source: Moro Sidibé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire