Mesdames et
Messieurs
Je suis très
heureux d’être ici ce matin, pour présenter le Prix Front Line Defenders 2013
pour les défenseur-ses
des droits humains en danger et, je souhaite
remercier Mary Lawlor de m’avoir invité
et vous remercier tous pour votre accueil chaleureux.
Protéger les
défenseur-ses
des droits humains et favoriser un environnement
sûr dans lequel ils peuvent travailler est fondamental pour garantir la
promotion et la protection de tous les droits humains. J’ai été
particulièrement heureux de recevoir Mme Margaret Sekaggya, Rapporteuse
spéciale des Nations Unies pour les défenseur-ses des droits humains, en novembre dernier, afin de parler de son
travail et de l’accompagner de mes vœux dans son rôle.
En 1998, la
Déclaration sur les défenseur-ses des droits humains a été
adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette déclaration marquante
reconnaît l’importance et la légitimité du travail des défenseur-ses des
droits humains. Ce travail est un élément
fondamental de la lutte pour le respect des droits humains à travers le monde.
Les défenseur-ses
des droits humains travaillent pacifiquement, en faisant preuve d’un immense courage
pour créer les conditions d’équité, justice et dignité pour les communautés
auxquelles ils-elles appartiennent. Ils agissent de façon inintéressée et
courageuse, souvent au prix de risques personnels considérables. Ils sont unies
par un profond engagement en faveur des normes internationales en matière de droits
humains, ainsi que par leur dévouement en faveur de l’égalité et la
non-discrimination. Leur travail
inclut des droits personnels et communs à tous.
En refusant
de rester silencieux et d’accepter un sort déterminé par la volonté des
oppresseurs, ils-elles nous remettent en doute et nous inspirent. L’espace
qu’ils-elles créent en étant déterminés à résister à la peur offre à d’autre la
possibilité d’imaginer le changement et de ne pas accepter le fait qu’on leur
refuse dignité et respect, en limitant leurs libertés et en réduisant leur
potentiel humain.
Nous sommes
très chanceux de pouvoir parler librement en Irlande, sans craintes ni
oppression. Cependant, dans de nombreux autres pays, les peuples ne sont pas si
chanceux ; ceux qui parlent ouvertement pour défendre les droits humains
risquent d’être harcelés, intimidés, stigmatisés, violentés ou persécutés. De
nombreux défenseur-ses
des droits humains travaillent seuls ou sont
isolés. Ils méritent tout le soutien que nous pouvons leur apporter ; ils
méritent notre solidarité dans équivoque. La reconnaissance et le soutien internationaux
sont essentiels à leur sécurité.
C’est
pourquoi le travail de Front Line Defenders est si important. Je tiens à saluer
le travail remarquable de l’organisation qui, depuis sa création il y a douze
ans, est à l’avant-poste pour promouvoir et protéger le travail des défenseur-ses des
droits humains dans le monde entier. Front Line
Defenders effectue un travail extraordinaire et a acquis une solide réputation
bien méritée sur le plan international. Nous sommes fiers du rôle qu’elle joue
et de son impact, sous le sage leadership de Mary Lawlor et de son équipe. Et
bien entendu, nous sommes fiers que son siège soit à Dublin.
Le soutien
aux défenseur-ses
des droits humains auprès de ses partenaires de
l’Union européenne et dans ses actions au sein de l’ONU et des autres forums
multilatéraux est une priorité pour l'Irlande. Nous sommes désormais membres du
Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, une institution avec laquelle nous nous
efforçons de soutenir les défenseur-ses des droits humains et je suis
persuadé que notre statut de membre au sein du Conseil permettra de faire en
sorte que les réalités, les défis et les espoirs de tous ceux et celles pour
qui l’ONU a été crée pourront être entendus.
L’essor des
manifestations massives du Printemps Arabe et les effets de la crise financière
ont eu un impact profond sur le travail des défenseur-ses des
droits humains et sur l’environnement dans
lequel ils-elles opèrent.
Tandis que
2011 fut l’année des manifestations, elle fut aussi l’année où de nombreux
gouvernements ont introduit des mesures de répression de plus en plus sévères
qui ont restreint l’espace de la société civile. Des lois qui violent le droit
international, de mauvaises applications de la loi et de mauvaises utilisations
des procédures légales criminalisent le travail légitime des défenseur-ses des
droits humains. Les allégations conçues pour
discréditer, dénigrer ou stigmatiser les ONG, et notamment les traiter d’
« agents étrangers » ou de « partisans du terrorisme »
accentue leur vulnérabilité et affaibli la société dans son ensemble.
En 2011,
l’Assemblée Générale des Nations Unies a fait part de ses profondes
préoccupations concernant la gravité des risques auxquels les défenseur-ses des
droits humains sont exposés, en raison des
menaces, attaques, et actes d’intimidation dont ils-elles sont victimes.
Malheureusement, la situation ne s’est pas améliorée. C’est pour lutter contre
cela qu’en mars dernier, le Conseil des Droits de l’Homme a adressé un message
clair en adoptant sa résolution intitulée « Protéger les défenseur-ses des
droits humains ». Je suis fier de dire que
l’Irlande a été l’un des principaux négociateurs pour l’UE, dans le cadre de
cette initiative présentée par la Norvège. Le fait que la résolution ait été
adoptée par consensus a envoyé un message de soutien important aux personnes
courageuses qui se battent contre les violations des droits humains dans le
monde entier.
En outre, en
mars dernier, l’Irlande a grandement contribué à ce que la Commission de l’ONU
sur le Statut des Femmes reconnaisse pour la première fois les risques
particuliers auxquels les défenseuses des droits humains sont exposées. Nous
devons désormais nous assurer que ces engagements se concrétisent sur le
terrain et qu’ils aient un impact sur les vies et le travail des défenseur-ses des
droits humains.
Les États
ont une responsabilité clé pour créer les conditions qui permettent à la
société civile de grandir et s’épanouir. Cela inclut le droit à la liberté
d’assemblée et d’association, et le droit à la libre expression. La liberté
d’association est essentielle à ce travail et les restrictions juridiques,
administratives et financières imposées aux organisations de la société civile
qui défendent les droits humains violent ce droit. Les restrictions sur les
financements et les processus d’enregistrement compliqués, arbitraires et
inutiles, entravent aussi l’accès aux mécanismes de l’ONU relatifs aux droits
humains, y compris les organes de traité, les Procédures spéciales, les Examens
périodiques universel et bien entendu le Conseil des droits de l’Homme.
Lorsque
Hannah Arendt a écrit « le droit d’avoir des droits » elle affirmait
à la fois les droits et les devoirs de « prendre soin ». Le devoir de
prendre soin et le droit de prendre soin sont les fondements du concept de
solidarité. Le système de l’ONU est enrichi et renforcé par la participation
des acteurs de la société civile à travers l’expertise de leur contribution ,
la prise de conscience, le suivi et les rapports, le développement de nouveaux
mécanismes, normes et institutions, mais aussi la mobilisation du soutien du
public. En outre, accéder à quelconque organe de l’ONU devrait toujours être
libre de toute crainte, intimidation ou représailles.
Je souhaite
féliciter tous les nominés aujourd’hui. Chacun d’entre eux fait preuve d’un
immense courage, de résilience et de dévouement. Les histoires de Mam Sonando,
Mansoureh Behkish, David Rabelo Crespo, Ruth Mumbi, Biram Dah Abeid, Bahtiyor
Hamraev nous rappellent les mots d’Arthur Miller «la volonté
indestructible de l’homme d’accomplir son humanité ». Il y aura toujours,
heureusement, des personnes qui pensent que la façon dont les choses sont n’est
pas la façon dont elles sont censées être ; non seulement que les choses
pourraient être différentes, mais qu’elles doivent l’être.
Par le passé,
j’ai eu l’occasion de me familiarisé avec le travail contre l’esclavage moderne
grâce au professeur Kevin Bales, cofondateur et futur président de Free the Slaves et professeur sur le thème
de l’esclavage contemporain à Institut Wilberforce de l’Université de Hull.
Chaque jour, le monde a besoin de gens courageux pour combattre l’esclavage, et
Biram Dah Abeid fait partie de ces personnes. Il refuse de se résigner à une
société qui a des défauts ou ratée, où tant de personnes considèrent que la
peur est inévitable. Au contraire, il a le courage d’envisager un monde
équitable, sans intimidation, où chacun a le droit de participer à son futur.
Le travail de Biram touche un problème illégal dans tous les pays du monde,
mais qui perdure et s’étend – non pas parce que c’est légal, mais parce que
cela reste possible. Il ne s’agit pas moins d’un scandale qui touche le cœur de
la liberté humaine : l’esclavage des temps modernes.
L’organisation
internationale du travail estime que près de 21 millions de personnes à travers
le monde sont victimes de travail forcé. Les visages qui se cachent derrière ce
chiffre sont ceux d’hommes, femmes et enfants piégés dans le cauchemar du
travail forcé et du trafic d’êtres humains. Ce chiffre signifie que trois
personnes sur 1000 à travers le monde sont victimes de travail forcé à un
moment donné; piégées et liées par des dettes, contraintes à la prostitution ou
à des emplois qu’elles ne peuvent quitter, souvent abusées ou exploitées
physiquement, psychologiquement ou sexuellement. C’est une perversion extrême
de la dignité humaine, aggravée si les structures sociales, les pratiques
traditionnelles ou les préceptes religieux sont invoqués pour légitimer
tacitement de tels outrages. Saper l’universalité des droits humains compromet
tous les droits humains et, bien que les droits humains soient mieux respectés
et protégés en tenant compte du contexte culturel, la culture et les croyances
religieuses ne doivent jamais être utilisées pour nier les droits humains.
Grâce à son
travail en tant que président de l’ONG de lutte contre l’esclavage, Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), Biram
Dah Abeid travaille sans relâche en prenant de gros risques personnels pour
faire en sorte que les voix des personnes esclaves soient entendues et que leur
libération devienne une réalité. Selon ses propres mots, « nous refusons
les libertés provisoires et nous ne demandons pas de compassion ».
Combattre
l’impunité est une bataille morale. Pour soutenir le travail de personnes
telles que Biram, nous devons tous insister sur les droits inhérents et la
dignité de chaque individu.
Afin de
protéger les droits de l’un, nous devons toujours prendre en compte les droits
des autres, afin que ceux qui veulent traiter un autre être humain comme une
propriété n’aient aucune autorité morale, et qu’une jeune femme enlevée, vendue
cinq fois et enfermée derrière les barreaux d’une fenêtre d’un bordel puisse
imaginer une vie différente. Un homme né dans la pauvreté et lié à vie à son employeur
ne doit pas voir ses enfants subir le même sort.
Mesdames et Messieurs,
j’ai l’immense plaisir de remettre le Prix Front Line Defenders 2013 pour les
défenseur-ses des droits humains en danger à Biram Dah Abeid.
Source: Abidine Ould Merzoug
Source: Abidine Ould Merzoug
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