Nous
recevons une invitée pas comme les autres, Mademoiselle Hawa Dia orpheline des
événements 1989. Elle est la Secrétaire Générale de COVICIM et chargée des
finances de COVIRE ; elle suit un
stage dans les locaux du très célèbre journal La Nouvelle Expression
que dirige Camara Seydi Moussa. Tout le monde se souvient des graves menaces
d’atteintes à son intégrité physique qui pesaient sur elle suite à une photo
partagée dans les réseaux sociaux. Nous faisons le tour de l’actualité des
droits de l’homme avec elle et
l’occasion aussi qu’elle nous livre les dessous de l’affaire des menaces de
« mort » qu’elle a reçue.
Bonne lecture.
-Hawa
Dia, vous êtes la fille d’un soldat noir exécuté en 1989 par le régime de Ould
Taya, les équipes des sites : Haratine.com, le Blog : Au secours des
haratine-SOS-Abolition et FLERE.fr partagent avec vous cette terrible
souffrance. Pouvez-vous, vous présentez à nos lectures ?
Hawa
Dia : Je vous remercie de cette opportunité que vous me donnez pour
m’exprimer sur votre site. Je m’appelle Hawa Mamadou Dia. Mon père se nomme Dia
Mohamadou Harouna. Il était militaire en service à Atar. Il fut affecté au port
de Nouakchott en 1988. Une année après, il a été arrêté et amené à Jreida où il
a été torturé et assassiné le 18 février1990, sous l’ordre de l’ancien
président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya. Je suis unique enfant de mon père et je
suis actuellement en stage de formation en journalisme à la Nouvelle Expression
que dirige Mr Camara Seydi Moussa. J’ai choisi ce métier pour mieux défendre ma
cause. Je suis Secrétaire Générale de
COVICIM (Collectifs des orphelins des victimes civiles et militaires) présidé
par Mr Bocar Lam Toro Kamara et chargée des finances de COVIRE (Coordination
des organisations victimes de la répression) dirigé par Mr Kane Mamadou.
Nous
avons découvert Hawa Dia, une battante orpheline au milieu d’une affaire d’Etat
rocambolesque, selon nos informations. Vous avez reçu des menaces de « mort »
de la part du Général Dia Adama Oumar, Chef d’Etat-major particulier du
Président de la République
et de Sy Abou, ex-président de COVIRE suite à une photo partagée sur facebook.
Quelles en sont les dessous de cette affaire très grave ?
Hawa
Dia : En effet, j’ai reçu des menaces de mort venant de la famille du Général
Dia, suite à la publication des photos couplées en duo, du Général Dia et Sy
Abou Bocar sur le Net, à travers le réseau social facebook. Cette photo
exprimait, l’image de ceux qui ont trahi
notre cause, sur le dossier du Passif Humanitaire. Ces photos ont fait le tour
de ce réseau social depuis plus d’un mois, et a été suffisamment partagée par
tous les navigateurs et commentée par tout le monde. Je l’ai évidement partagée
sur mon mur, comme beaucoup d’internautes. Alerté de ces messages sur le net,
le duo m’accuse moi d’avoir publié ces photos avec des commentaires hostiles et
diffamatoires. Ainsi, les deux familles (accusateurs et moi) nous sommes issues
du même village. Voilà, la famille du Général Dia, fort de son autorité
publique, m’envoie des messages électroniques inquiétants en m’insultant et me
menaçant de me liquider physiquement.
- Les
deux hommes sont chargés apparemment par le Général Mohamed Ould Abdel Aziz de
solder par la corruption le dossier du génocide sur les noirs de 1989. Pourquoi s’acharnent-ils
sur des orphelins (es) selon vous ? De quoi ont-ils peur ?
Hawa
Dia : Ils sont mieux placés pour répondre à cette question.
Dans
le milieu associatif des droits humains, on se demande pourquoi les familles
des victimes des événements 1989 prennent de l’argent à la place de la justice,
pourquoi pas vérité, justice, réconciliation avant tout et l’indemnisation
après, qu’en pensez-vous ?
Hawa
Dia : L’argent que les victimes ont reçu je ne le considère pas comme une
indemnisation. C’est plutôt un soutient ou bien une aide financière qu’avait
demandé la présidente des veuves Mme Houleye Sall au président de la République
lors d’une audience accordée aux victimes de la répression devant moi. Peut-être
à la dernière minute les dirigeants qui représentaient les victimes ont préféré
le remettre sous forme d’indemnité qui n’est pas le cas. En tout cas, nous les
victimes, nous réclamons toujours la justice. Tant que les criminels ou
tortionnaires ne sont pas jugés et emprisonnés ou même tués car « l’Islam
dit qui tue une personne doit être tué ». Certes, le Président Aziz n’avait
pris que deux engagements à son compte : le devoir de mémoire et de
réparation. C’est peut-être par rapport à ça que les victimes ont pris de
l’argent mais ça ne veut pas dire que nous ne voulons pas la justice.
Vous
êtes la Secrétaire
Générale de COVICIM et chargée des finances de COVIRE,
avez-vous tenté de déposer une plainte contre les bourreaux de vos proches
malgré ladite loi « d’amnistie de 1993 » ? Quelles sont les
actions fortes que vous comptez mener pour l’abrogation de cette
loi d’amnistie qui bloque toute possibilité de poursuivre les coupables de
crimes?
Hawa
Dia : Oui on a pensé à déposer une plainte mais chaque fois on nous dit que
c’est impossible de le faire à cause de cette loi d’amnistie de 1993 qui protège
les bourreaux. On avait pris une initiative de faire une marche pour demander
l’abrogation de la loi d’amnistie, mais, le retard a pris le dessus, et l’AJD/
MR a pris l’avance sur la question.
-En
avril 2012, les abolitionnistes ont incinéré des livres supposés être religieux
qui cautionnent les pratiques barbares de l’esclavage. Pourtant le coran et la
sunna du prophète (PSL) encouragent la
libération des esclaves. Selon vous pourquoi l’Etat islamique de Mauritanie et
les érudits ont préféré mettre de côté
la parole divine pour appliquer la pensée d’un imam?
Hawa
Dia : Les Imams et Oulémas qui ont condamné l’acte de Mr Biram Ould Dah Ould
Abeid, à savoir l’incinération des livres malékites, qui encouragent
l’esclavage, n’ont agi que par leur propre pensée qui est tout contre les
principes de l’islam. Je me demande où
ces soit disant Imams ou Oulémas étaient, pendant qu’on tuait et déportait en
plein mois de ramadan d’autres musulmans. Jusque-là, ils ne se sont pas
prononcés sur cette question. S’ils ne sont pas instrumentalisés par le
système, pour dénigrer l’acte de Biram, qu’ils dénoncent le génocide des années
de braise ou d’autres mauritaniens ont été torturés et tués au nom d’une
épuration ethnique. Sinon, qu’ils se taisent. Si l’acte de Biram est
condamnable, nous devons laisser la
justice divine se faire appliquer, et ces hommes sont très mal placés pour le
faire. A mon avis, ce qu’il y a à faire
d’urgence, c’est réglé ce problème du passif humanitaire. On enlève des hommes,
on les fait disparaître, on les tue, et personne n’en parle, c’est là où il y a
le mal.
-Biram
Ould Dah Ould Abeid président de IRA-Mauritanie et ses compagnons sont en
liberté provisoire, ils risquaient la peine de mort après leur acte
d’incinération des livres faisant l’apologie de l’esclavage. La jeunesse
Mauritanienne est-elle consciente du danger
d’explosion du pays suite aux injustices qui se reposent essentiellement
sur l’esclavage, la féodalité, le
racisme et l’exclusion ?
Hawa
Dia : Une question pertinente et actuelle. Dans cette épreuve, que Biram
saches qu’il a notre soutien sans faille. Ould Abeid constitue l’espoir de tout
un pays. Il est aujourd’hui, les yeux et les bras des victimes pour la justice
et l’égalité. Pour le deuxième aspect de votre question, nous prions pour la stabilité
et le bonheur du pays tout en demandant justice. Et comme on dit « le
cuisinier sait qu’on ne peut faire l’omelette sans casser les œufs ». Au
rythme où va le pays, le cocotier va être inéluctablement secoué, espérons
qu’il y aura plus de peur que de mal.
L’association
des haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E), créée en Juillet 2001 combat
l’esclavage et le racisme. Pour nous, les deux phénomènes sont indissociables.
Sommes-nous sur la même longueur d’onde que COVICIM et COVIRE ?
Hawa
Dia : Les victimes de ces fléaux de tout bord doivent se donner la main,
et lutter contre le racisme et l’esclavage qui sont instaurés en mode de gestion de l’Etat par le
système en place. Il y a dans ce pays un système de domination, basé sur le
racisme et l’esclavagisme qui sont comme vous le dite indissociables. Donc, je
ne vois pas de mal, si toutes les victimes du système se donnent la main, pour
mettre fin à l’impunité qui n’a que trop duré.
Avez-vous
une idée de la division des victimes de l’esclavage et du racisme au point de
se nuire en entravant même la progression de leur combat commun contre les
injustices? Quand on parle du racisme,
les « Haalpoular, Soninké, Oulof et Bambara » se mettent en première
ligne et quand on parle de l’esclavage, se sont les haratine en première ligne,
trouvez vous normale cette classification des injustices par appartenance
ethnique ?
Hawa
Dia : Le système instauré depuis le temps des indépendances fait de nous
des esclaves, c'est-à-dire que le haratine tout comme le poular, le soninké le
wolof et le bambara, sont tous considérés comme des esclaves. Ils n’ont pas le
droit d’exister dans ce pays avec toutes les prérogatives de citoyen que les
arabo-berbères. Ils ne sont peut-être pas responsables de ce qui arrive, mais
un système instauré par une minorité en leur faveur. Donc il est important de
rappeler que cette forme de gouvernance ne favorisera jamais l’unité nationale.
Donc, il est temps d’unir les forces, pour rompre avec ce système de dominance.
Quel
regard portez-vous sur l’identité des haratine ? Sont ils des
« arabes», des négro-africains » ou une communauté à part entière qui
forgera son identité selon les souffrances vécues ?
Hawa
Dia : Les harratines se considéraient jadis comme des maures. Mais depuis
l’avènement de IRA, les consciences se sont éveillées autrement. Certains se
voient comme descendants de négros, d’autres malgré tout, continuent à
s’identifier au arabo-berbères. A mon humble avis, ils sont bel et bien des
négro-mauritaniens, de culture maure.
Avez-vous
un dernier mot à l’adresse du public et des autorités du pays?
Hawa
Dia : Je vous remercie encore une fois, pour cette interview que vous m’avez
accordée, et à travers laquelle, j’ai eu à exprimer mon avis sur la situation qui
prévaut en Mauritanie. Il y a lieu de rappeler que la richesse d’un pays n’est
pas de la variété des éléments du sous sol, mais de sa diversité culturelle, à
travers sa communauté. La
Mauritanie a besoin de ses hommes et femmes pour bâtir une
nation. Pour ce faire, il va falloir que les dirigeants acceptent de regarder
la réalité en face, qui est celle de régler en urgence les questions de droit
de l’homme. Je lance un appel aux autorités et aux bourreaux de nos parents que
nous n’allons jamais nous taire sur la question, un jour, justice vaincra, et
que d’ailleurs, les masques commencent à tomber. Nous allons tous les connaître
un à un, et avec tous les moyens, ils seront traduits devant les juridictions
compétentes.
Le Blog Au secours des haratine, SOS-Abolition remercie Mademoiselle Hawa Dia d’avoir répondu à nos questions, au plaisir de nous revoir et bon
courage pour le noble combat que vous menez, nous sommes aux côtés des
victimes.
Je suis atterrée par l’information que contient dans cette interview. Franchement il y a de quoi crier fort et très fort. Les noirs occupant les postes de hautes autorités sont censés être des "représentants" de la communauté noire de toutes ethnies confondues ; mais la lecture de cette interview fut vraiment une découverte pour moi, des vraies faces de ces domptés de gré ou de force. Ça aurait pu être des Ould « en tribu maure blanc) ça m’aurait pas autant impressionnée mais, il est très dommage que ces genres de personnes ignobles et inconscientes existent encore de nos jours sur le sol rimien… cette affaire de menace de mort ne doit point être négligée à mon sens et doit être plus médiatisée que ça.
RépondreSupprimerNous soutenons tous Mlle Dia dans ses bonnes actions de défenses et de revendication.
suis de l'avis fatou.les noirs qui sont utilsés par les arabes sont plus dangereux. combattons toutes les injustices d'ou qu'elles viennent. chapeau a mlle hawa , il a dit l'essentiel. remercions au passage le site haratine qui donne la parole au victimes sans chercher une influence quelconque.
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