Le déferrement du vieux Mohamed Salem Ould
Mohamedou, accusé de pratiques esclavagistes sur le dénommé Esseh Ould
Moussa a suscité une vive tension aux alentours du Palais de justice,
mardi 19 mars dernier. En effet, face aux militants d’IRA (Initiative de
résurgence du mouvement abolitionniste) qui scandaient des slogans
réclamant l’application de la justice, se tenaient les proches du
prévenu dont le sort a été scellé par le parquet. Inculpé de pratiques
esclavagistes, Mohamed Salem Ould Mohamedou a été déposé en prison,
alors que son fils furieux déboulait d’une 4X4, une arme à feu pointée
sur les militants d’IRA, selon les témoins oculaires. Conduit au
commissariat de police, il a été mis aux arrêts avec l’un des militants
d’IRA. Aux dernières nouvelles, ils ont été tous les deux relâchés.
Genèse de cette affaire
Selon un communiqué publié par IRA, le jeune Esseh dont le cas
alimente aujourd’hui l’actualité de l’esclavage en Mauritanie, serait la
propriété de Mohamed Salem Ould Mohamedou par ascendance. La mère du
garçon, la défunte Acha ferait partie du lot d’esclaves que Feue Deida
Mint Amar Ainany, aurait donné à son fils Mohamed Salem Ould Mohamedou,
au même titre que ses autres enfants, Feu Mohamed Ould Meïssa et Feu
Mohamed Ould Moctar Vall qui avaient reçu chacun une partie du bétail
humain qu’elle possédait.
Parmi les esclaves de Feu Mohamed Ould Meissa figurait une esclave du
nom d’Aichana Mint Beilil, qui a été libérée en 1996 par SOS Esclaves.
Elle en sera quitte pour sa liberté mais jamais ses maîtres ne furent
inquiétés. Lors de sa libération, Aichana aurait évoqué une sœur du nom
d’Acha, toujours en captivité avec ses enfants par la famille Mohamed
Salem Ould Mohamedou.
Cette Acha mourra quelques années plus tard, laissant ses enfants,
Esseh, son grand frère Daoud, sa sœur Mahmouda et son jeune frère El Id
entre les mains de ses maîtres. Pendant qu’Esseh était envoyé à
Nouakchott où il s’occupait depuis l’âge de 8 ans (il a aujourd’hui 23
ans) de toutes les corvées de la famille Ould Mohamedou entre l’Ilot V à
Nouakchott et Arafat, ses autres frères étaient restés dans la localité
des maîtres, près de Boutilimit, pour garder les troupeaux et servir
comme bêtes de somme.
Dans sa déposition à la police comme à la Justice, le jeune Esseh
affirme n’avoir jamais été payé. Il ne sait ni lire ni écrire, n’ayant
reçu aucune formation ni éducation scolaire et n’a jamais obtenu d’actes
d’état-civil dans sa vie.
Ce présumé cas sera-t-il jugé ?
Les militants d’IRA craignent cependant que ce énième cas
d’esclavage avéré, prouvé par l’inculpation prononcée par les
magistrats, ne se termine en queue de poisson comme ce fut le cas dans
les précédentes affaires, dont la plus récente est celle de Rahme Mint
Legreïvy, libérée au bout de quelques jours d’emprisonnement. IRA évoque
dans ce cadre la complicité du commissaire de police de Tevragh-Zeine1
qui aurait « aménagé une entrevue rapide entre le maître Mohamed Salem
et son esclave, Esseh, le temps que le premier demande au jeune homme de
déclarer à la police qu’il n’est pas esclavage de la famille mais son
Hartani (esclave affranchi) et qu’il travaille moyennant un salaire de
30.000 UM mensuel ». Auparavant, le jeune Esseh avait déclaré que
Mohamed Salem le mettait ces derniers temps en garde contre un certain
Birame « qui capture les esclaves et les vends aux Toubabs chrétiens. »
IRA évoque aussi la réputation du Procureur de la République, connu
selon l’organisation pour son « zèle et sa réputation à faire libérer
les contrevenants aux lois antiesclavagistes. »A noter que Boubacar Ould
Messaoud de SOS Esclaves et Aminetou Mint Mokhtar de l’ONG Association
des femmes chefs de famille suivent attentivement le dossier.
C.A.
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