Les deux dernières vagues de nominations en Mauritanie (Conseil des ministres du jeudi 30 août 2012 et mouvements au sein de la police nationale le même jour) montrent à souhait que ceux qui gèrent le pays ne s’embarrassent plus de précautions pour masquer le racisme en Mauritanie. Ce n’est pourtant que l’expression d’une pratique constatée tous les jours.
Tout observateur averti de l’actualité politique en Mauritanie est tombé au moins une fois sur un message qui dénonce le racisme d’Etat en Mauritanie dont sont victimes les communautés noires (halpoular, harratines, soninké et wolofs). Le débat est ravivé par chaque communiqué du conseil des ministres où, souvent, les noirs se contentent de la portion congrue, de plus en plus synonyme de rien. A qui incombe la responsabilité de cette situation ?
D’abord à l’Etat dont les responsables distribuent les rôles en ignorant totalement les équilibres nationaux. Sur ce plan, le pays est allé de fossé en fossé depuis le temps de feu Moktar ould Daddah à Mohamed Ould Abdel Aziz. Quand on reprend l’Histoire du pays après l’indépendance, on voit que noirs et blancs étaient ensemble et se respectaient même s’il y avait quelques frictions de temps en temps. Même sous Ould Taya, le criminel et l’idéologue du racisme en Mauritanie, il y avait encore un semblant de partage, même si on sait qu’avec lui, le pouvoir ne se partageait ; les hauts cadres étaient des faire-valoir, qu’ils soient blancs ou noirs.
Avec Ould Abdel Aziz au début on disait qu’il y avait espoir de revoir un peu plus de justice et d’équilibre. Hélas, les communiqués du Conseil des ministres et les nominations se suivent et se ressemblent : toujours des miettes pour les noirs. Et ces derniers temps, on ne se gêne même plus : 100% pour quelques uns de la communauté maure et 0% pour les noirs. C’est à se demander comment Ould Abdel Aziz peut laisser son image se dégrader de la sorte ? Comment peut-il glisser petit-à-petit vers une ressemblance avec Ould Taya ? Si c’est pour faire comme Ould Taya pourquoi l’avoir renversé ? Dans un contexte marqué par des manifestations contre un recensement jugé discriminatoire contre les noirs et qui se sont soldées par un tué à Maghama (feu Lamine Mangane, presque un an jour pour jour) et une profonde déchirure au sein des populations mauritaniennes, il est irresponsable de poser des actes qui relèvent de la pure provocation gratuite.
Il faut ensuite souligner le silence de la plus grande partie de nos compatriotes arabes. On n’entend pas de voix pour dénoncer cette injustice et appeler à la raison. On sait bien que cet état de fait ne peut rester ainsi trop longtemps. La gestion exclusive et sans partage a été testée ailleurs et ça n’a pas donné de fruits. Pourquoi pensez-vous que cela marchera en Mauritanie ? Pourtant, il y a fort à parier que les sages, les justes, les humanistes… sont largement majoritaires parmi eux. Mais pourquoi laissent-ils faire une telle injustice ? Pourquoi ne les entend-on pas dénoncer ces pratiques faites à leur nom sans même qu’ils s’expriment dessus ?
Mais les observateurs de la scène politique mauritanienne ont aussi eu écho de réactions (des mêmes personnes parfois) qui traitent de « vendus », de « nègres de services », de « corrompus »… les noirs qui sont nommés à des postes à responsabilité. Pourquoi cette attitude contradictoire ? S’il faut considérer que la Mauritanie appartient aux blancs et aux noirs, pourquoi accuser ceux qui sont nommés d’être des vendus ? Ont-ils moins de mérites que les blancs qui sont nommés ? Ont-ils usurpé leurs postes ? Le but est-il d’avoir plus de responsabilités ou de renoncer à celles qu’on a déjà ? Plus de cohérence et de raison ne ferait pas de mal. La raison voudrait justement que soient gardées les positions conquises et continuer à se battre pour en conquérir d’autres jusqu’à obtenir l’égalité et la justice. Tant que les responsables nommés (qu’ils soient blancs ou noirs) ne travaillent pas contre l’égalité et la justice en Mauritanie ils ne doivent pas être considérés comme des ennemis. Parce que le pays est aussi le leur et ils ont pleinement le droit et le devoir de le servir. Nul n’a le droit de déserter le terrain et de l’abandonner aux autres. Sinon il ne faut pas se plaindre.
Pour finir, une chose est claire et confirmée tout le long de l’Histoire : la durée de vie de l’oppression est très réduite à l’échelle de l’Histoire. Cette injustice doit s’arrêter. Que les dirigeants sachent une chose : en continuant à se comporter comme ils le font, ils sont entrain de nourrir la haine envers leurs propres enfants et de donner aux opprimés d’aujourd’hui des arguments pour justifier un désir de revanche en faisant vivre aux enfants des privilégiés d’aujourd’hui les mêmes injustices qu’ils ont vécues eux-mêmes. La meilleure façon de désamorcer cette bombe c’est d’arrêter cette politique raciste et aventurière et de gérer les affaires du pays de façon juste et équitable. Sinon, les enfants de Ould Abdel Aziz, de Ould Ghazouani, de Ould Becrine… vivront un jour ce que leurs parents font vivre aux autres. Et ce serait tout aussi injuste et condamnable.
Abdoulaye Yero DIA
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