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samedi 29 septembre 2012

De Tene Youssouf Gueye à Lamine Mangane : Le Septembre Noir


Bâ Sileye
Bâ Sileye
Tous les mois appartiennent à Dieu, il y a de ces mois au cours desquels les démons s’allient avec les hommes pour verser le sang des innocents. Dieu a, Lui-même, du haut de Son Trône interdit l’injustice, mais les hommes s’entêtent en arrachant la vie de leurs semblables. Que l’on soit en septembre 1988 ou en septembre 2011, les autorités mauritaniennes avaient décidé d’appliquer ces pactes pour que coule le sang noir. Désormais, septembre est devenu noir.

Téne Youssouf Gueye est né en mai 1923 à Kaedi et décédé le 07 septembre 1988 à Walata. Le célèbre écrivain, père de neuf enfants, a été arrêté en 1986, à la suite de la publication du manifeste du négro-mauritanien, lequel fut largement distribué à Adis-Abeda. L’Etat l’avait condamné à une peine de quatre ans ferme. L’homme avait osé dénoncer le racisme de l’Etat en soutenant la cause des élèves noirs. L’Etat voulait arabiser à outrance le pays aux dépens des noirs qui n’étaient pas préparés vu les programmes scolaires en vigueur. Devant une répression inouïe et aveugle partout dans la vallée, il fallait lever le petit doigt pour interpeller le dirigeant injuste. Téne Youssouf Guéye l’a fait à travers ses écrits et à travers la conscientisation de ses miens. Accusé de fomenter un coup d’Etat et d’être parmi les rédacteurs du manifeste des 19, il ne survivra pas à la torture. Voilà l’une des facettes des supplices : « On nous mettait dans un trou et on nous ruait de coups. Des fois, on bandait nos yeux et on nous emmenait dans un endroit pour nous signifier qu’on allait nous exécuter. Les menottes aux mains et aux pieds, chacun de nous était attaché à un autre prisonnier. Sans compter les violences corporelles ». L’écrivain a été arrêté, soumis à la torture, sa famille humiliée, sa personnalité vilipendée par les sbires du système raciste. Et, lorsqu’il fut transféré avec d’autres grands intellectuels noirs au bagne de Walata, Téne Youssouf Guéye savait que la suite ne présageait pas bonne augure : il n’était pas parti pour purger sa peine mais pour périr. L’Etat savait qu’en exécutant les intellectuels et les officiers, il tuait tout un peuple. Aujourd’hui, ils ont presque réussi leur projet, l’héritage de Taya est la haine qui exacerbe par les agissements de son dauphin Mohamed Ould Abdel Aziz et sa bande des tortionnaires.


C’est un autre écrivain-rescapé, Boye Alassane Harouna qui immortalisera les sévices. Son livre, J’étais à Oualata, est une bible qui traduit la haine noire en dévoilant le projet de l’Etat mauritanien destiné à l’abrutissement du peuple noir notamment en tuant ses plus grands intellectuels.


Tene Youssouf Guéye n’était pas le seul, Ibrahima Mocktar Sarr, Djiguo Tapsirou, Ba Abdoul Ghoudouss mort les chaines aux pieds… Les familles revendiquent les sépultures des fils, même si le sable de la haine les a engloutis.


La mort de Lamine Mangane le 27 septembre 2011 s’inscrit dans le même esprit criminel de l’Etat mauritanien. Les hommes ont changé, mais les intentions ont subsisté. Nous sommes dirigés par des assassins étouffeurs, par des militaires aux mains ensanglantées, ils sont des hommes sans vergogne. Comment, l’on ordonne de tirer sur un adolescent de 19 ans et puis on dépêche une délégation pour acheter la famille de la victime : c’est d’être d’une ignoble moralité humaine. Notre dirigeant et ceux qui se sont rendus à Magama racheter la peine des Mangane sont d’une bassesse humaine. Au lieu d’obliger la traduction du gendarme criminel, ils ont démontré à tous les citoyens leur haine envers les opprimés et les faibles. Les meurtriers de Téne Youssouf Guéye et de Lamine Mangane, comme de milliers de noirs, se pavanent encore sous nos cieux, ils entretiennent même des rapports privilégiés avec nos dirigeants. Pour sauvegarder sa pérennité, nous disons qu’un Etat juste et droit ne doit pas favoriser l’impunité. Jugez celui qui a assassiné L. Mangane, il se trouve à Rosso. Jugez les assassins de Walata, d’Inal et de Jreida avant que le peuple ne s’empare des palais de justice et vide les prisons pour y conduire les complices.


Mourir dignement, il y a certainement un prix à payer. C’est mourir lorsque tout le monde espère en nous et que l’on meurt pour eux. La Mauritanie a tué un intellectuel père de famille, comme elle a arraché la vie d’un adolescent qui se construisait un destin. Dorénavant, si réfléchir est un acte criminel, nos intellectuels sont avisés. Et si brandir une pancarte pour revendiquer ses droits est un délit, nos adolescents sont prévus. S’il faut mourir à tout prix, le choix s’impose. Ne les oublions pas, ils sont morts pour nous. 

Bâ Sileye 

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