« Il est naturel de se demander, malgré toutes ces dispositions mises en place au niveau international afin de lutter contre l’impunité, à quel niveau et à quel moment nos organisations se sont fourvoyées. D’autant plus que même la tentative de génocide est punie et cela qu’elle soit commise par des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers. Le « sauve qui peut » a, sans doute, fortement compromis la recherche et la collecte de preuves. »
L’histoire de la Mauritanie est entachée de sang et de larmes. En effet, le pays a connu une période marquée par de nombreuses exécutions extrajudiciaires, de condamnations arbitraires et une déportation massive de la population noire. En un mot tous les ingrédients d’un génocide qui, il faut le rappeler est défini comme étant : « le meurtre de membre du groupe, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membre de groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d’enfants du groupe à un autre, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
La question des exécutions sommaires et extrajudiciaires est au centre des préoccupations des organes de l’ONU. Ainsi, dès 1996, la Commission des droits de l'homme par sa résolution 1996/74, a prié le Rapporteur spécial desdites exécutions, dans l'exercice de son mandat « De répondre efficacement aux informations qui lui parviennent, en particulier lorsqu'une exécution extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire est imminente ou risque d'avoir lieu ou lorsqu'une telle exécution a eu lieu ».
La question des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a été durant de longues années très largement débattue par les partis politiques mauritaniens ainsi que les ONG de protection des droits de l’homme. Force est de constater, aujourd’hui, que cette problématique semble avoir été reléguée au second plan. Malgré l’importance accordée par les Nations Unies à ce problème, les mauritaniens, surtout de la diaspora, n’ont pas réussi à porter leurs messages haut et fort au niveau des institutions internationales particulièrement préoccupées par les exécutions sommaires. Pratique qui a été, pendant longtemps, monnaie courante en Mauritanie.
Cela est clairement mentionné dans le rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée du 16 mars 2009 que : « La répression engagée par le régime de Taya contre des citoyens mauritaniens d’origine négro-africaine, accusés de «sénégalité», provoqua l’expulsion et la fuite de dizaines de milliers de Mauritaniens vers le Sénégal et le Mali. Cette campagne de nettoyage ethnique s’accompagna de la destruction de documents d’état civil, de confiscations de biens et de terres, d’arrestations arbitraires, de viols et d’exécutions sommaires ».
Alors il est naturel de se demander, malgré toutes ces dispositions mises en place au niveau international afin de lutter contre l’impunité, à quel niveau et à quel moment nos organisations se sont fourvoyées. D’autant plus que même la tentative de génocide est punie et cela qu’elle soit commise par des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers. Le « sauve qui peut » a, sans doute, fortement compromis la recherche et la collecte de preuves.
Gare aux faux espoirs
Pendant longtemps, on nous avait vendu, que plusieurs plaintes avaient été déposées contre l’ancien président Taya et ses acolytes à défaut de porter plainte contre l’Etat mauritanien pour crime de génocide. Informations qui avaient nourri pas mal d’espoirs chez les mauritaniens qui souhaitent que la justice soit rendue à l’ensemble des victimes du régime sanguinaire de la Mauritanie. Hormis en Belgique en raison de sa compétence universelle, les tortionnaires ne semblent pas être inquiétés et continuent à vaquer à leurs occupations pendant que les organisations de la diaspora continuent à se lamenter et certaines victimes n’arrivent toujours pas fait leur deuil.
En France une plainte avait été déposée par Organisation Contre les Violations des Droits Humains (OCVIDH) contre les tortionnaires des camps de Jreida, une plainte qui a abouti à la condamnation d’Ely Ould Dah par la cour d’assise de Nîmes. Cette affaire a été appuyée par la FIDH et la Ligue Française des Droits de l’Homme avec l’aide de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme. Depuis, les choses semblent être au point mort.
En plus du désintérêt et du manque de confiance des victimes, pour celles qui ne sont pas encore tombées dans le piège de l’indemnisation, les mouvements restent confrontés à des querelles aussi futiles qu’inutiles. En effet, il est relativement aisé de constater que dans chacune des déclarations, chaque mouvement veut s’arroger la paternité de la lutte contre l’injustice, la discrimination et l’esclavage en Mauritanie. Situation qui a atteint son paroxysme ces dernières années et a conduit nos mouvements à changer de trajectoire et finir par se tromper de cible. Certaines organisations pensent avoir le monopole de la lutte contre l’injustice en Mauritanie sans pour autant montrer des résultats probants et de la pertinence dans leurs actions.
Mais comme dit un proverbe « qu’importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape les souris ». Les mauritaniens devraient adopter cette philosophie et unir leurs efforts pour l’efficacité de leurs actions. La multiplicité des mouvements n’est pas un argument contre la lutte mais qu’elle ne serve pas à transférer des problèmes personnels au plan politique. La toile est inondée d’attaques et d’insultes des uns contre les autres, des discussions d’une banalité déconcertante et qui n’apportent en rien à la lutte que les mauritaniens épris de justice sont entrain de mener.
Voilà bientôt trente ans que la Mauritanie avait commis un génocide, aujourd’hui aux yeux des pays étrangers elle est devenue une démocratie tandis que certains mouvements mettent en avant leur satisfecit quant à la volonté du Président Aziz de régler le problème des mauritaniens et cela sans pour autant que les criminels ne soient traduits en justice. Résultat ; nos mouvements peinent à maintenir le peu de crédibilité qui leur reste. Peut-on faire table rase du passé pour construire une nouvelle Mauritanie alors même que l’actuel régime ne montre pas de signes manifestes de sa volonté de consolider le tissu social ?
Le dernier mouvement au sein de la sureté nationale le confirme. Sans doute que non. En effet, il existe des préalables à la construction d’une Mauritanie nouvelle, une Mauritanie dépouillée de l’esclavage, du racisme et de l’exclusion. Force est de constater que nous en sommes encore loin. La Mauritanie fait toujours face à trois défis majeurs: la construction d’une société démocratique, égalitaire et interactive; l’éradication en profondeur et dans la durée des traditions et des pratiques discriminatoires; et la correction des inégalités politiques, économiques et sociales générées par l’héritage historique de discrimination. Cela passe nécessairement par la mise en lumière les atrocités commises dans le pays dans le cadre d’une enquête indépendante et impartiale. A défaut, les organisations de la diaspora doivent se ressaisir et réactiver le dossier en raison de l’imprescriptibilité des crimes de génocide.
A suivre, nos propositions
La rédaction du flere
www.flere.fr
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