Abderahmane Wone est le stéréotype du jeune intellectuel, combattant pour la liberté et les droits de l’homme. Abrahmane Wone alias Ndiawar ou Abda Wone tout court est l’un des fils du pays qui mène un combat contre l’injustice en Mauritanie à partir de l’extérieur. Chargé de l’Information et de la Communication d’un organisme de panafricain de recherche en sciences sociales, il suit de près ce qui se passe en Mauritanie. Il répond aux questions de l’Authentique sur sa vision de la Mauritanie, de ses autorités et de son actualité. Entretien
L’Authentique : quelles appréciations
faites-vous de la marche réclamant l’abrogation de la loi d’amnistie de
1993 organisée la semaine dernière à Nouakchott par l’AJD/MR ?
Abdarahmane Wone : c’est une marche légitime que je soutiens sans réserve. Je félicite ses organisateurs et ceux qui se sont mobilisés pour sa réussite. Rappelons que la fameuse loi d’amnistie de 1993 ne visait qu’à décriminaliser les crimes des militaires, commanditaires des atrocités perpétrées entre 1986 et 1993 sur les populations noires de la Mauritanie. Cette loi visait à les blanchir pour préparer leur incursion dans l’arène politique ; mais cette fois-ci sans leurs uniformes de soldat. Vingt ans après cette injure juridique, que l’AJD/MR prenne l’initiative de poser, encore une fois, le problème nous réconforte dans notre analyse sur les sentiments véritables qui animent le général Ould Abdel Aziz et ses ouailles. Ils sont plus préoccupés par l’occultation des vrais problèmes de la Mauritanie que par la recherche des solutions définitives et durables. Vingt ans après, nous sommes toujours à la case départ : des bourreaux qui cherchent vaille que vaille à ce qu’on oublie leurs crimes et des victimes qui ne réclament que justice.
L’Authentique : dès lors où les victimes et ayant-droits du passif humanitaire ont accepté le processus de résolution de la crise proposée à propos, par les pouvoirs publics de Nouakchott, ne croyez-vous pas que la problématique de ce passif appartienne désormais au passé ?
Abdarahmane Wone : le pouvoir et les bourreaux veulent que le génocide perpétré contre les Négro-Mauritaniens appartienne à l’histoire, mais ils n’ont pas posé les jalons d’une véritable réconciliation nationale. Ils ont plus mis l’accent sur la recherche des solutions politiciennes que sur celle des solutions politiques ; c’est à dire, définitives et durables. Déjà en 1993, la politique de Taya était de faire taire la presse nationale et internationale pour qu’on ne parle plus du génocide, du racisme, de l’esclavage et de l’oppression qui étaient le lot quotidien des Mauritaniens. Il avait aussi beaucoup investi pour affaiblir l’opposition et réduire le poids démographique des déportés qui vivaient dans des camps au Sénégal et au Mali. Des sommes colossales avaient été versées pour convaincre les autorités du HCR de ne plus assister les réfugiés qui croupissaient dans les camps, afin qu’ils les désertent, se noient dans les populations et oublient le combat. Tout cet argent aurait pu et dû servir à préparer un retour digne et organisé des déportés. Ces Licences de pêches (distribuées nuitamment à certaines personnes étrangères) et qui ont laissé exsangues nos ressources halieutiques auraient pu servir à réconforter les orphelins et les veuves. Mais les autorités ont pensé qu’il fallait museler la presse, infiltrer l’opposition et jouer sur le temps pour tuer toute velléité de contestation. Il fallait faire taire les victimes ainsi que les opposants, sans jamais résoudre le problème que d’aucuns appellent le passif humanitaire et que nous autres appelons RACISME. Non. Le racisme Mauritanien, l’indemnisation des victimes et la recherche des solutions n’appartiennent pas au passé, sauf pour ceux qui veulent bâtir la Mauritanie sur du sable mouvant.
L’Authentique : quelles solutions préconisez-vous pour la résolution de cette problématique et le retour définitif de la paix des cœurs en Mauritanie ?
Abderahmane Wone : le retour de la paix passera d’abord et avant tout par l’existence d’une volonté politique de la part de ceux qui dirigent la Mauritanie. Des simples prières à Kaédi ne suffisent pas. Il faut plus ; il faut s’attaquer à la source du mal. Le mal Mauritanien est que depuis les indépendances, les autorités ont voulu bâtir une Mauritanie contrôlée par une infime minorité où la majorité composée des Soninkés, Wolofs, Haalpulaars, Bambaras et la plupart des tribus Beïdanes ne sont que des citoyens de seconde zone dominés par quelques tribus qui ont pour vocation de régner à jamais sur la majorité. Il faut diagnostiquer, sans complaisance aucune, le mal Mauritanien pour apporter une solution efficace. Et durable. Mais je reste convaincu que la solution est la DEMOCRATIE et non un semblant de démocratie où le calendrier électoral est soumis aux humeurs et aux calculs politiciens du chef de l’Etat. La démocratie et la mise en place d’institutions fortes qui protègent les droits des minorités sont les deux premières variables d’une Mauritanie de paix. La troisième variable est liée aux facteurs personnels. Il nous faut un leadership responsable, conscient des enjeux de l’heure, visionnaire et qui fasse du devenir du pays sa préoccupation principale.
L’Authentique : le retour des Flams au pays reste encore au stade des annonces ; est-ce une véritable option d’avenir ou un leurre ?
Abderahmane Wone : depuis le 5 Juillet 2009, je me suis démis de mes responsabilités politiques qui me permettaient de parler en public au nom des FLAM. La raison est que je ne suis pas du même avis que ceux qui pensent qu’on peut occuper des mandats indéfiniment. J’ai été à la tête d’un département pendant plus de deux mandats. Les normes républicaines et démocratiques voulaient que je passe le flambeau à quelqu’un d’autre. Je l’ai fait comme cela se devait. En tant que militant de base je sais que les conclusions de notre congrès de 2011 étaient qu’il fallait rentrer en Mauritanie pour nous battre sur le terrain, c’est-à-dire poursuivre notre option d’avant la chasse aux sorcières des années quatre-vingt.
L’Authentique : comment voyez-vous la Mauritanie à partir de l’extérieur ?
Abderahmane Wone : de l’extérieur, je vois deux entités :La première est celle des autorités qui sont dans une sorte de tour d’ivoire. Elles croient avoir tout compris et ne veulent écouter personne. Elles profèrent des déclarations arrogantes et souvent décalées. De loin on a l’impression que c’est le pilotage à vue et qu’il n’y a pas une vision économique et politique claire qui sous-tend l’action du gouvernement. De loin, on se rend compte que le système a atteint son apogée et qu’il ne peut plus avancer. Ses tenants s’agrippent pour faire reculer sa chute.
La deuxième entité est celle de la Mauritanie qui, dans son écrasante majorité, cherche à joindre les deux bouts et à déjouer les pièges des politiciens pour vivre en harmonie. Je suis en totale symbiose avec cette catégorie. C’est comme si je ne l’avais jamais quittée cette Mauritanie-là. Nous avons réussi à reconstruire cette même entité partout où nous sommes passés. C’est cette Mauritanie que l’on retrouve à travers le net et les groupes sociaux tels que Facebook. Entre nous, il arrive que nous nous chamaillions certes, mais nous nous retrouvons dès le lendemain pour discuter de l’essentiel.
Pour revenir à ma vision de l’extérieur, je dirai aussi qu’elle est celle de ceux qui ont l’avantage de connaitre ce qui se passe dans leur pays et, partant des exemples et des expériences vécus ailleurs se doivent de mettre à la disposition de leurs concitoyens des informations justes et vraies, des informations qui nous feront l’économie de souffrances et du temps perdu. Propos recueillis
par Oumar El Moctar
Source:http://lauthentic.info/spip.php?article3314
Abdarahmane Wone : c’est une marche légitime que je soutiens sans réserve. Je félicite ses organisateurs et ceux qui se sont mobilisés pour sa réussite. Rappelons que la fameuse loi d’amnistie de 1993 ne visait qu’à décriminaliser les crimes des militaires, commanditaires des atrocités perpétrées entre 1986 et 1993 sur les populations noires de la Mauritanie. Cette loi visait à les blanchir pour préparer leur incursion dans l’arène politique ; mais cette fois-ci sans leurs uniformes de soldat. Vingt ans après cette injure juridique, que l’AJD/MR prenne l’initiative de poser, encore une fois, le problème nous réconforte dans notre analyse sur les sentiments véritables qui animent le général Ould Abdel Aziz et ses ouailles. Ils sont plus préoccupés par l’occultation des vrais problèmes de la Mauritanie que par la recherche des solutions définitives et durables. Vingt ans après, nous sommes toujours à la case départ : des bourreaux qui cherchent vaille que vaille à ce qu’on oublie leurs crimes et des victimes qui ne réclament que justice.
L’Authentique : dès lors où les victimes et ayant-droits du passif humanitaire ont accepté le processus de résolution de la crise proposée à propos, par les pouvoirs publics de Nouakchott, ne croyez-vous pas que la problématique de ce passif appartienne désormais au passé ?
Abdarahmane Wone : le pouvoir et les bourreaux veulent que le génocide perpétré contre les Négro-Mauritaniens appartienne à l’histoire, mais ils n’ont pas posé les jalons d’une véritable réconciliation nationale. Ils ont plus mis l’accent sur la recherche des solutions politiciennes que sur celle des solutions politiques ; c’est à dire, définitives et durables. Déjà en 1993, la politique de Taya était de faire taire la presse nationale et internationale pour qu’on ne parle plus du génocide, du racisme, de l’esclavage et de l’oppression qui étaient le lot quotidien des Mauritaniens. Il avait aussi beaucoup investi pour affaiblir l’opposition et réduire le poids démographique des déportés qui vivaient dans des camps au Sénégal et au Mali. Des sommes colossales avaient été versées pour convaincre les autorités du HCR de ne plus assister les réfugiés qui croupissaient dans les camps, afin qu’ils les désertent, se noient dans les populations et oublient le combat. Tout cet argent aurait pu et dû servir à préparer un retour digne et organisé des déportés. Ces Licences de pêches (distribuées nuitamment à certaines personnes étrangères) et qui ont laissé exsangues nos ressources halieutiques auraient pu servir à réconforter les orphelins et les veuves. Mais les autorités ont pensé qu’il fallait museler la presse, infiltrer l’opposition et jouer sur le temps pour tuer toute velléité de contestation. Il fallait faire taire les victimes ainsi que les opposants, sans jamais résoudre le problème que d’aucuns appellent le passif humanitaire et que nous autres appelons RACISME. Non. Le racisme Mauritanien, l’indemnisation des victimes et la recherche des solutions n’appartiennent pas au passé, sauf pour ceux qui veulent bâtir la Mauritanie sur du sable mouvant.
L’Authentique : quelles solutions préconisez-vous pour la résolution de cette problématique et le retour définitif de la paix des cœurs en Mauritanie ?
Abderahmane Wone : le retour de la paix passera d’abord et avant tout par l’existence d’une volonté politique de la part de ceux qui dirigent la Mauritanie. Des simples prières à Kaédi ne suffisent pas. Il faut plus ; il faut s’attaquer à la source du mal. Le mal Mauritanien est que depuis les indépendances, les autorités ont voulu bâtir une Mauritanie contrôlée par une infime minorité où la majorité composée des Soninkés, Wolofs, Haalpulaars, Bambaras et la plupart des tribus Beïdanes ne sont que des citoyens de seconde zone dominés par quelques tribus qui ont pour vocation de régner à jamais sur la majorité. Il faut diagnostiquer, sans complaisance aucune, le mal Mauritanien pour apporter une solution efficace. Et durable. Mais je reste convaincu que la solution est la DEMOCRATIE et non un semblant de démocratie où le calendrier électoral est soumis aux humeurs et aux calculs politiciens du chef de l’Etat. La démocratie et la mise en place d’institutions fortes qui protègent les droits des minorités sont les deux premières variables d’une Mauritanie de paix. La troisième variable est liée aux facteurs personnels. Il nous faut un leadership responsable, conscient des enjeux de l’heure, visionnaire et qui fasse du devenir du pays sa préoccupation principale.
L’Authentique : le retour des Flams au pays reste encore au stade des annonces ; est-ce une véritable option d’avenir ou un leurre ?
Abderahmane Wone : depuis le 5 Juillet 2009, je me suis démis de mes responsabilités politiques qui me permettaient de parler en public au nom des FLAM. La raison est que je ne suis pas du même avis que ceux qui pensent qu’on peut occuper des mandats indéfiniment. J’ai été à la tête d’un département pendant plus de deux mandats. Les normes républicaines et démocratiques voulaient que je passe le flambeau à quelqu’un d’autre. Je l’ai fait comme cela se devait. En tant que militant de base je sais que les conclusions de notre congrès de 2011 étaient qu’il fallait rentrer en Mauritanie pour nous battre sur le terrain, c’est-à-dire poursuivre notre option d’avant la chasse aux sorcières des années quatre-vingt.
L’Authentique : comment voyez-vous la Mauritanie à partir de l’extérieur ?
Abderahmane Wone : de l’extérieur, je vois deux entités :La première est celle des autorités qui sont dans une sorte de tour d’ivoire. Elles croient avoir tout compris et ne veulent écouter personne. Elles profèrent des déclarations arrogantes et souvent décalées. De loin on a l’impression que c’est le pilotage à vue et qu’il n’y a pas une vision économique et politique claire qui sous-tend l’action du gouvernement. De loin, on se rend compte que le système a atteint son apogée et qu’il ne peut plus avancer. Ses tenants s’agrippent pour faire reculer sa chute.
La deuxième entité est celle de la Mauritanie qui, dans son écrasante majorité, cherche à joindre les deux bouts et à déjouer les pièges des politiciens pour vivre en harmonie. Je suis en totale symbiose avec cette catégorie. C’est comme si je ne l’avais jamais quittée cette Mauritanie-là. Nous avons réussi à reconstruire cette même entité partout où nous sommes passés. C’est cette Mauritanie que l’on retrouve à travers le net et les groupes sociaux tels que Facebook. Entre nous, il arrive que nous nous chamaillions certes, mais nous nous retrouvons dès le lendemain pour discuter de l’essentiel.
Pour revenir à ma vision de l’extérieur, je dirai aussi qu’elle est celle de ceux qui ont l’avantage de connaitre ce qui se passe dans leur pays et, partant des exemples et des expériences vécus ailleurs se doivent de mettre à la disposition de leurs concitoyens des informations justes et vraies, des informations qui nous feront l’économie de souffrances et du temps perdu. Propos recueillis
par Oumar El Moctar
Source:http://lauthentic.info/spip.php?article3314
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