Il y a quinze jours, je lisais un article, posté sur
Yahoo [http://www.sithsproxy.appspot.com/fr.news.yahoo.com/fran%c3%a7ois-hollande-mauvaise-toy-story-142300785.html],
intitulé « François Hollande : Une mauvaise Toy Story ». On nous
apprend que son destin politique s’est décidé un « jour funeste de
1968 » quand sa famille a déménagé des environs de Rouen pour
Neuilly-sur-Seine. Il devait tout lâcher à, seulement, 14 ans. C’est
triste comme destin ! Mais ce qui rendra le futur Hollande, qu’on connait
aujourd’hui, furieux est bien que son père décida de ne pas déménager
l’ensemble de « la collection de voitures Dinky Toys et l’armée de petits
soldats » auxquels le petit François tenait tant. Castration immonde en
faisant éclater le monde imaginaire d’un futur président avec ses chars et ses
soldats !
Accident psychologique pour un enfant de 14 ans qui
voit ses jouets mis à la poubelle. Cet univers premier qui participe au
façonnement de sa personnalité est détruit par un père qui imposait « des
diktats aussi martiaux qu’incompréhensibles ». Terrible aveu d’un destin
qui sera perturbé par cet événement « traumatique » que les
psychanalystes aiment à décortiquer pour remonter le chemin sinueux de la vie
d’un homme ou d’une femme.
Pour prendre son « indépendance » vis-à-vis
de ce père qui met à la poubelle des voitures et de petits soldats, François
Hollande décide d’agir comme un Homme pour échapper aux rigueurs d’ «
un homme ombrageux, brutal parfois ». En effet, comme il le souligne,
dans son livre Changer de destin, parlant
de son père : « Ses idées,
à l'opposé des miennes, m'obligèrent à construire ma pensée, à affûter mes
arguments ». C’est donc cet homme qui a perdu ses jouets (Dinky Toys et petits
soldats) qui gouverne la France et qui envoie « ses chars et ses
soldats » pour libérer le Mali des mains des terroristes. C’est donc un
enfant qui veut grandir et sublimer cette frustration juvénile en envoyant ses
« Dinky Toys et ses petits soldats » retrouvés comme par hasard au
Palais de l’Elysée, qui atterrit à Tombouctou. Extraordinaire ce que l’univers
imaginaire d’un enfant peut receler comme révélations sur le devenir ! Je
suis, en cela, la réaction d’un internaute que j’ai trouvée superbe et que je
reproduis ici : « Il se rattrape en envoyant nos petits
soldats au casse-pipe! Pas belle la vie? ». Ce message est donc le
prétexte de ce texte qui prend l’allure d’une psychanalyse pour mieux
comprendre nos gouvernants. Je dis bien nos gouvernants, donc ceux de l’Afrique
de l’Ouest sont nommés.
Hollande est venu s’offrir un « bain de
foule » à Tombouctou libérée avec la patronne de l’Unesco pour sauver
cette « bibliothèque ». Extraordinaire coïncidence ! En effet,
quelques intellectuels africains de la diaspora et des chercheurs d’autres
nationalités étaient réunis pour un colloque autour de « La bibliothèque
coloniale en débat ». Il ne s’agissait pas de faire un procès du colonialisme ou
du néocolonialisme ni de rejeter l’ensemble des documents issus de cette
période qui véhiculent un ensemble de « curiosités », de
« banalités », de « stéréotypes » qui continuent de
structurer le discours sur l’Afrique. Il s’agissait de « dire l’Afrique
dans le monde » et de tracer de nouvelles perspectives de recherches pour
que l’Afrique puisse parler à partir de sa « bibliothèque ».
Donc, quelques jours après la clôture de cette
rencontre scientifique stimulante, François Hollande débarque à Tombouctou qui
abrite « une bibliothèque » pas coloniale ! Tombouctou a toujours
fasciné par son rayonnement intellectuel, des milliers de manuscrits y sont
conservés, le monde africain et musulman « vénèrent » la ville aux
333 Saints. C’est un homme qui a perdu ses jouets à l’âge de 14 ans qui nous
« livre notre bibliothèque » clefs à mains et qui (r) assure avec une teinte de réalisme :
« Le terrorisme a été repoussé,
il a été chassé mais il n'a pas encore été vaincu ». Il ajoute avec
assurance et gravité : « Nous avons un devoir qui est,
maintenant que la sécurité est revenue, de continuer à faire en sorte que
Tombouctou puisse rayonner comme ce site le mérite ». Objectifs
atteints. Fini le déménagement de Rouen à Neuilly-sur-Seine sans les
« Dinky Toys et les petits soldats » mais l’affranchissement d’un
père qui imposait « des diktats aussi martiaux
qu’incompréhensibles » ? C’est dans l’ordre du possible, car le
discours va prendre l’allure d’un sermon qu’un père ferait à un fils qui a
dévié.
Lisez : « Vous devez être
exemplaires, vous êtes regardés par toute la communauté internationale (…) Oui,
nous devons châtier les criminels, les terroristes mais nous devons
le faire, vous devez le faire, avec le respect des droits de
l'homme, ceux-là même qui ont été bafoués, floués par les terroristes (…) Dans
l'euphorie de la liberté retrouvée, ne vous laissez jamais aller aux
excès, à la vengeance, je sais que je peux compter sur vous pour qu'il
n'y ait aucune exaction, aucun règlement de compte (…) Je demande à tous
ceux qui ont fui leur maison par peur des représailles de revenir chez eux
et de reprendre une vie normale ». Revenez à « la maison du
père », le « suudu baaba » d’ATT ?
De toutes les façons, Hollande prend une revanche sur
un père auquel il fallait opposer la force de l’argument. Là, Hollande a
démontré qu’il était affranchi des lourdeurs onusiennes, algériennes,
mauritaniennes et ouest-africaines, car il a gagné la bataille de sa vie, voir
alignés ses « Dinky Toys et ses petits soldats » que son père a
préféré jeter à la poubelle en 1968. C’est vraiment fou cette histoire !
Je ne sais pas si la leçon magistrale de Hollande, descendant à Tombouctou,
s’adresse aux Maliens ou à tous les Ouest-africains ! Aucun président
ouest-africain. Aucun ! De quelle légitimité aurait-il pu se prévaloir
pour aller à Gao ou Niabali ?
Eh bien si nous n’assumons pas nos responsabilités ce
sont des gens traumatisés dans leur petite enfance qui viendront encore nous
dire : « Votre pays va connaître une nouvelle indépendance
qui ne sera plus cette fois la victoire sur le système colonial mais la
victoire sur le terrorisme, sur l'intolérance et sur le fanatisme,
voilà votre indépendance ! », celle qui vous permet d’entrer dans
l’histoire (c’est moi qui ajoute). Voilà, la conclusion oubliée de Sarkozy en
2007 ? Vive la continuité ! Brouillon du discours de Sarkozy ramassé
dans les bureaux de l’Elysée ?
Bon, nous n’allons pas pinailler longuement sur ce
quiproquo que nous entretenons merveilleusement et à la convenance de ceux que
nous dénonçons. Nous ne pouvons même pas libérer notre « chère bibliothèque »
et voila que nous sommes promptes à prendre nos chevaux pour dénoncer le
néocolonialisme, le capitalisme qui sous-tend toutes ses interventions. Bon du
paternalisme n’en parlons pas, car c’est inutile… Hollande se venge sur
l’histoire et nous lui offrons un terrain fertile pour l’expérimenter. Il est
même allé trop loin en tenant ces propos : « Parce que moi je
n'oublie pas que lorsque la France a été elle même attaquée, lorsqu'elle
cherchait des soutiens des alliés, lorsque elle était menacée pour son unité
territoriale, qui est venu alors? C'est
l'Afrique, c'est le Mali, merci
au Mali (…) Notre pays a aujourd'hui effacé sa dette à votre égard. »
Bon vous savez, moi, je ne le condamne pas trop, car
nous avons failli à tout et puis voilà, nous méritons tout. Ah quoi alors !
Que croyez-vous que ferait un enfant ayant retrouvé ses jouets ou réussi à les
sauvegarder par le miracle du transfert dans le sens psychanalytique du
terme ? Par cette intervention, la France vient d’effacer sa dette à
l’égard de l’Afrique toute entière, l’Algérie comprise. « … lorsque la
France a été elle-même attaquée, lorsqu’elle cherchait des soutiens
et des alliés, lorsqu’elle était menacée pour son unité territoriale, qui
est venu alors ? C’est l’Afrique... ». Angela Merkel est bien
avertie que si jamais le couple franco-allemand se fragilise et que les
répercussions économiques se fassent sentir, la France aura un autre partenaire
soumis et fiable, et dont les ressources sont à peine exploitées. Pendant ce
temps, la CEDEAO déploie son armée qui va entériner la mise sous mandat du
Mali. Ce n’est pas plus mal, en attendant une autre solution.
Finalement, les malades qui nous gouvernent sont plus
ingénieux que nous, car leurs frustrations juvéniles peuvent bien devenir des
atouts redoutables et des moyens pour faire passer des messages aussi subtils
que les effets inattendus des conséquences de leur traumatisme.
Voilà ce que la visite et le discours de Hollande
m’ont suggéré d’écrire sur la base de cette histoire de jouets perdus qui hante
encore le président français. Etrange non !
Abderrahmane
NGAIDE
Enseignant-chercheur
au Dpt d’histoire de la FLSH (UCAD)
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