Au moment où le premier ministre mauritanien Ould Laghdaf installe la commission de suivi des accords du dialogue « national » à Nouakchott ce début de semaine, le commandant gendarme de la brigade de Maghama qui avait donné l’ordre de tirer sur la foule lors de la manifestation du mouvement « Touche pas à Ma Nationalité » le 27 septembre dernier est muté dans une autre ville à Djiguéni à l’Est de la Mauritanie. Ces tirs avaient causé la mort du jeune Lamine Mangane.
Pour les observateurs cette décision interne de la gendarmerie qui vise à éloigner le principal présumé criminel du jeune Lamine Mangane des poursuites judiciaires en cours est un scandale de la république et aggrave ainsi la situation dans le pays.
Assez en tout cas pour que les mauritaniens de la diaspora et la société civile mauritanienne s’indignent. Aux yeux des populations c’est un camouflet cuisant pour le président de tous les mauritaniens.
Bizarrement cette mutation coïncide avec l’installation ce début de semaine à Nouakchott de la commission de suivi des accords du dialogue « national » par le premier ministre Ould Laghdaf. Dans ce contexte de désir de changement c’est la crédibilité du régime de Ould Aziz qui prend encore un coup. Le citoyen ne s’y retrouve plus. D’un côté les autorités de Nouakchott font croire que des lois existent. Et de l’autre, les présumés coupables ne sont pas traduits devant la justice c'est-à-dire que les lois ne sont pas appliquées.
Deux poids deux mesures qui suscitent beaucoup d’interrogations. Malheureusement cette impunité est légion dans un pays où les institutions sont toujours instables et renvoie une triste image de la justice mauritanienne. Des manifestants pacifiques qui dénoncent des pratiques discriminatoires observées à l’encontre des noirs dans le cadre d’un enrôlement des populations. Des milliers de noirs déportés au Sénégal et au Mali dont près de la moitié rentrés officiellement au bercail sans papiers et sans domicile fixe.
Des militaires noirs exécutés lâchement pour célébrer la fête de l’indépendance. Les trois faits sont importants puisqu’il s’agit de mort d’homme et de souffrance humaine. Mais les deux derniers cas sont plus tragiques et font référence aux évènements douloureux de 89 à 91 et dénotent encore une fois l’absence d’Etat de droit en Mauritanie. Il ne s’agit pas de faire revenir la société mauritanienne à des injustices du passé par crainte du chaos et au nom de la réconciliation nationale.
Mais cette inquiétude légitime des victimes et le dernier scandale de la mutation du commandant présumé coupable doivent plutôt nourrir le gouvernement à rechercher des moyens pour faire preuve de justice et d’égalité dans un pays qui a trop souffert de ses divisions et de ses dirigeants car les droits de la personne quelle que soit son origine,sa couleur de peau ne doivent sous aucun prétexte être malmenés.
En clair, le commandant de région s’en est tiré avec une simple disqualification. Une vieille méthode de camouflage pratiquée quasiment par tous les régimes précédents. En la reprenant à son propre compte le gouvernement de Ould Laghdaf menace la vie et la liberté des citoyens. Dans une perspective de bonne gouvernance le respect de la justice est essentiel pour le bon fonctionnement de la société.
Reste à savoir à quel degré cette affaire qui semble être classée frustre l’opposition qui avait pourtant demandé une enquête judiciaire sur le meurtre du jeune Mangane pour punir les coupables. Aujourd’hui plus que jamais divisée elle doit aller jusqu’au bout de sa conviction pour le respect de la constitution surtout en matière de manifestations libres.
Un cheval de bataille qui n’a pas reçu apparemment un écho favorable des pouvoirs publics. Les maigres résultats du dialogue politique ne font que traduire cette difficulté. En l’état actuel des choses, l’absence d’action concrète serait interprétée comme une impuissance de l’opposition voire une complicité. Pour rester crédible, elle devra engager un bras de fer. Et certains signes ne trompent pas, des lois iniques et des politiques néfastes. De quoi se refaire une santé
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