Birane Wane: Le système raciste est appelé à disparaître

Abdoul Birane Wane, coordinateur du mouvement TPMN (ALAKHBAR)

ALAKHBAR (Nouakchott) – Le combat mené par le mouvement TPMN pour contester l'enrôlement est "loin d'être gagné". Au contraire "l'Etat fait semblant de reculer et veut faire diversion en cherchant à nous détourner de l'essentiel" a estimé Abdoul Birane Wane, coordinateur du mouvement. Interview...

ALAKHBAR: Nous avons constaté ces derniers temps que vous organisez moins d'activités… pourquoi?

Abdoul Birane Wane: Jusqu'à présent nous avons toujours maintenu le rythme de nos activités. Le 29 octobre, nous avions marché pour remettre une lettre aux sénateurs, une manière de les mettre devant leur responsabilité. Il s'en est suivi la semaine de la fête de tabaski qui est une occasion pour de nombreux individus de quitter Nouakchott. Dans ces conditions il était impossible de penser à organiser une marche. Le grand meeting de "touche pas à ma nationalité" à Kaédi le 13 novembre montre bien que nos activités vont devenir plus intenses. Nous nous consacrons ces deux semaines à sensibiliser et à mobiliser pour une grande marche le 28 Novembre à Nouakchott et à l'intérieur pour commémorer nos martyrs sauvagement pendus par les sbires de Taya dont certains sont encore dans l'armée et occupent des hautes fonctions. Nous avons aussi une priorité, consolider le mouvement que les autorités s'emploient à détruire par tous les moyens avec l'aide de nègres de services qui n'ont aucun intérêt à ce que la situation change.

ALAKHBAR: Considérez-vous votre combat contre l’enrôlement comme déjà gagné? 

ABW: Non, nous sommes encore loin de nos objectifs. L'Etat fait semblant de reculer et veut faire diversion en cherchant à nous détourner de l'essentiel. Nous exigeons la dissolution des commissions nationales et départementales qui sont loin d’être représentatives de toutes les communautés Mauritaniennes. La conception du projet de recensement doit être le résultat d'un large consensus entre les mauritaniens.

 ALAKHBAR: Il y'a des personnes de toutes les communautés qui ont eu des difficultés de s’enrôler, et pourquoi vous seuls vous vous plaignez et manifestez?

ABW: Oui, c'est évident, il y a les haratins aussi qui sont victimes, mais la réalité est là: l'écrasante majorité des rejets concerne les négro-mauritaniens. Après tout ce projet cynique, nous savons qu'il ne vise que les négro-mauritaniens. Si d'autres communautés sont véritablement exclues pourquoi ne se joignent elles pas à la protestation? Les négro-mauritaniens qui se sont sentis menacé ont occupé la rue.

ALAKHBAR: Avez-vous des relations avec les partis politiques et les organisations non gouvernementales?

ABW: Au début nous avons voulu associer le maximum possible de forces politiques à ce projet, ce qui nous a amené à contacter les principaux leaders noirs en attirant leur attention sur ce qui se prépare, mais à la fin seule la jeunesse s'est retrouvée sur le terrain, excepté le PLEJ qui se montre véritablement engagé pour la cause. Quant aux organisations des droits humains, elles sont nos partenaires. Nous saluons l'engagement du FONADH, mais aussi le courage d'Aminetou mint Ely devant la commission africaine des droits de l'Homme et des peuples.

ALAKHBAR: Mais vos détracteurs évoquent des revendications qui dépassent l’enrôlement qui vous utilisez seulement comme un instrument de mobilisation?

ABW: il faut dire ou préciser "revendications légitimes" nous tenons au renforcement de la démocratie qui passe par le partage des richesses de ce pays entre tous ses fils, le partage du pouvoir, l'égalité des chances, la restitution de nos terres ancestrales spoliées, l'officialisation de nos langues, un découpage électoral juste, l'éradication de l'esclavage… Ces revendications n'ont rien de politiques contrairement à ce que prétendent nos détracteurs. Il s'agit de nos droits les plus légitimes que nous revendiquons.

ALAKHBAR: s'agissant de l'avenir de votre mouvement, quel sont vos perspectifs? Comptez-vous, par exemple, former un parti?

ABW: Il est encore tôt de se prononcer dans ce sens. Notre principal souci est le triomphe de la justice et de la liberté, quelque soit le cadre que nous utilisons.

ALAKHBAR: Quel message voulez-vous transmettre aux autorités et aux mauritaniens?

ABW: aux autorités nous rappelons que "l'erreur est humaine et que persister dans l'erreur relève du démon" nous avons engagé un combat que nous mènerons jusqu'au bout. Rien n'entamera notre détermination. Aucune répression ne nous fera reculer. Le système raciste et discriminatoire est appelé à disparaître. La Tunisie, la Libye, l'Egypte et la Syrie ne suffisent-elles pas comme exemples?

Aux mauritaniens nous demandons plus de sacrifice pour déboulonner ce système fondé sur le mensonge, l'injustice et le mépris de l'homme noir. Nous appelons les mauritaniens à l'unité pour la victoire du peuple. Anatole France disait "tu admires la force brutale parce que tu crois qu'elle est la force souveraine et que tu ne sais pas qu'elle se dévore elle même et que tu ne sais pas que toutes les ferrailles tombent devant une idée juste...". Alors, nous appelons la jeunesse mauritanienne à plus de courage pour le triomphe de nos idées justes.

Source :Alakhbar (Mauritanie)