Loin de maltraiter l’histoire, et
loin de tout esprit polémique
ou belliqueux, j’ai voulu, moi
aussi, à mon tour, apporter ma
modeste contribution à ce que
nous avons, communément,
appelé Elhor et qui, au juste,
n’est qu’une ligne politique imaginaire
n’ayant pour repère référentiel
qu’une charte mort-née.
Par définition, Elhor est un mouvement
social dont le but premier
était l’éradication de l’esclavage
et l’émancipation haratine.
Nobles objectifs que la décapitation
de sa centrale, les guéguerres
de ses fondateurs ont tôt
altéré, sapé, marchandé pour
des intérêts purement personnels,
mercantiles. Mais l’impérieuse
nécessité d’un courant
politique répondant à la demande
montante d’une Communauté de
plus en plus écrasée, marginalisée,
a fini par aviver l’étincelle
de la mouvance, redonnant vie à
une conscience prête à porter
haut et fort le flambeau de la
lutte. Là, le mérite revient, incontestablement,
à MESSOUD, à
son discours galvanisateur et à
son courage, mais aussi aux partis
politiques qui ont servi de
locomotives, de catalyseurs. Le
mouvement refait surface et de
plus belle mais sans grande autonomie
de pensée, d’initiative
parce que sans structures et sans
discours fiables. Messoud et ses
amis-lieutenants étaient la ligne
politique. Tout passait par eux.
Ils voyaient le diable partout et
avaient peu de respect pour l’élite
haratine. Hélas, ce fut pourtant
l’époque où le mouvement
prit sa vitesse de croisière et son
chef était désormais objet de
toutes les convoitises. Ainsi naissaient
sa centrale syndicale
(C.L.T.M) et son organisation
anti-esclavagiste (S.O.S
esclaves). Mais le géant était aux
pieds d’argile. Le manque d’organisation,
les sautes d’humeur du
chef et l’improvisation pour ne
pas dire l’amateurisme politique
mettaient, au fil du temps et à
nu, les failles du mouvement.
D’ailleurs, de jeunes cadres politiques,
soucieux du devenir de la
conscience sentaient le danger
venir. Alors, ils décidaient d’accompagner
cet élan et demandèrent
incessamment, la mise à
jour de structures organisationnelles.
Ce qui ne tarda pas à
déplaire aux chefs qui commencèrent
à les accuser de tous
les maux. Des rencontres sont
organisées çà et là afin d’étouffer
cet éveil, tantôt par des promesses
mirobolantes et, tantôt,
par des menaces de sanctions à
peine voilées. Il faut reconnaître
que nos chefs excellaient en la
matière. Alors une commission
dont je faisais partie fut désignée
afin de dégager l’esquisse d’une
mouture organisationnelle et le
canevas d’un discours politique
fiables. Travail à peine rendu et
qu’un mot : « club d’amis » dont
plus d’un qualifiait le groupe des
chefs, fut la goutte qui déborda le
vase. La sentence tomba et neuf
cadres, tous du Trarza, furent
expulsés, solennellement, dans
une réunion tenue chez Monsieur
Samori. Apparemment, me
diriez-vous, la roue de l’histoire
reprend son cours, quatorze ans
après, mais en sens inverse
(Guillotin Guillotiné). Elhor est de
nouveau mis à l’épreuve. S’agit-il
alors d’une structure politique
réelle ou tout simplement d’un
patrimoine personnel dont jouit
le chef et à sa guise. Une question,
au demeurant, sans réponse.
Sinon, comment peut-on imaginer
de telles décisions? Comment
un homme peut-il, unilatéralement,
saborder un mouvement,
déclarer publiquement l’esclavage
aboli parce qu’une loi
terne a été votée, annoncer plus
d’une fois son opposition à la rue,
à la révolte? Que de questions
suspectes, sans réponses !
Jamais un courant politique n’a
connu de telles attitudes; jamais
non plus, il n’a été régenté de la
manière. A mon avis, les deux
camps qui se disputent aujourd’hui
la légitimité de la mouvance
sont les seuls responsables de
cette situation car ceux qui
revendiquent la ligne, la survie
d’Elhor étaient les plus chauds, il
y a quelques temps, à nous couper
la tête, à idolâtrer le chef, à
défendre l’indéfendable : la dérive
de 2007 dont les malheurs
tonnent encore et encore. Mais là
n’est plus le hic du problème
parce que cette page est désormais
derrière nous. Alors faut-il
tirer la leçon qui s’impose et nous
remettre sur la selle. Nul n’ignore
que les hommes se font et se
défont fussent-ils les plus grands.
Elhor ne peut, ni ne doit mourir
car il est notre source politique,
notre salut unique dans cette
démocratie balbutiante aux horizons
flous. Alors nous devrions
nous assumer davantage face
aux grandes questions qui nous
interpellent. Elhor est avant tout
un courant politique de gauche
et ne peut donc tourner le dos
aux vents de démocratie qui
soufflent de partout. Et la politique
du compromis ne peut servir
une frange qui ploie sous le
fardeau de l’ignorance, de la pauvreté
et de l’exclusion. De nos
jours, nous n’avons plus besoin
de gourou, de tribun ou d’homme
omnipotent et moins de repenti.
Il faut admettre qu’un pas a été
franchi, et que désormais seule
une approche plus ouverte, plus
flexible est à même de nous rapprocher
les uns des autres surtout
que ce que nous partageons
est beaucoup plus important que
ce qui nous divise. Nous devons,
chacun de sa place, faire le saut
dans le bon sens; celui de l’apaisement,
de la décrispation du climat
régnant. Le chemin est encore
long et plein d’embûches.
Ceux qui se réclament aujourd’hui
de Messoud ne représentent
qu’une infime partie de
cette frange encore en hibernation.
Pourquoi ne pas alors explorer
d’autres espaces, d’autres
horizons et laisser à cet homme
son « royaume ». Le temps, inéluctablement,
tranchera. Abraham
Lincoln disait : « On peut
tromper une partie du peuple
une partie du temps, on peut
tromper le peuple une partie du
temps, mais on ne peut tromper
tout le peuple tout le temps ».
Alors, que l’intelligentsia haratine
se ressaisisse et réponde fermement
à ces coups de Jarnac
qui ne servent qu’une poignée de
gens désormais attachés à un
mode de vie somptueux.
Ahmedou Ould Khattary
Source/Nouvelle expression
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