Chers camarades, pères et fils du mouvement EL HOR
Etant un des fils de ce mouvement béni, je me dois de noter un ensemble de remarques qui - loin de se donner la prétention d’émaner d’un quelconque désir de cerner ni évaluer l'histoire du combat hratin - découlent, cependant d’une simple volonté de contribuer- je l'espère - à mieux appréhender l'ampleur du danger qui pèse aujourd'hui sur le mouvement du fait des nombreux défis dont la division, la haine et les invectives que rien, au demeurant, ne justifie.
Le combat d’El HOR est le sacre de beaucoup d’autres initiatives anonymes et timides mais qui révèlent dans leur ensemble une prise de conscience évidente des esclaves aussi vieille que leur condition de serviles. Ainsi les Hratin se sont-ils engagés dans la lutte contre l’esclavage en s'érigeant astucieusement contre toutes les formes d'injustice due à la préséance de naissance, exactement, comme d’autres peuples, sous d’autres cieux, ont, pour, se libérer combattu vaillamment tous les avatars de la colonisation. Néanmoins, vu le rapport de force qui balançait en faveur des maîtres aux dépens des esclaves, ces derniers n’avaient d’autre choix que d’éviter le choc et opter pour des choix pragmatiques.
Ainsi la lutte contre l'esclavage a-t-elle connu plusieurs astuces dont essentiellement :
- Le constat par nos ancêtres esclaves des risques du mariage avec leurs congénères lequel condamne de fait leur progéniture à la servitude, conformément aux enseignements de la version malékite locale, les amena à épouser des affranchies ; sachant que l’esclavage se contracte par la mère. Cette formule choisie par certains fils d'esclave permit en conséquence la libération de bon nombre de leur descendance.
- L’achat par certains esclaves de leur liberté et celles aussi de leur progéniture contre une partie de leurs biens. Mais cela n'eut qu'un effet très limité du fait que les esclaves croupissaient souvent dans l’indigence ce qui fit de cette forme d’affranchissement un luxe. Ceci étant beaucoup de familles seigneuriales s’obstinait à garder «leurs esclaves» dont le fait d’en disposer était en soi-même perçu comme seul source de prestige.
- La renonciation des esclaves à marier leurs congénères accentua le célibat parmi ces dernières qui, du coup, encouragea la fornication sous la bénédiction des maîtres lesquels n’eurent hélas nul scrupule à légiférer et banaliser ce pêcher gravissime. Cela finissait à chaque fois par le renvoi manu militari de la pauvre pécheresse qui excommuniée s’exile vers la ville. Ce départ ouvre à l’esclave bannie la voie de la liberté mais, certes, aux dépens de son honneur bafoué ! C'est dire que l’exode rural constituait un autre facteur ayant sensiblement contribué à affranchir exclusivement les femmes de conditions serviles.
- La scolarisation des fils d’esclave sous prétexte de compléter le quota, condition sine qua non, pour l’ouverture de l’école ou consécutivement aux prises de décisions de quelques mères esclaves du rôle de l’enseignement en matière de libération a réuni les conditions favorables d’un affranchissement plus rationnel et consciemment assumé par les descendants d’esclaves. Certains enfants accédant à l’école doivent leur scolarisation à la fortune de leurs pères. C'est le cas de Homody, Bilal, Diouly, Messoud Ould Heboul et Rabah Ould Mewloud dont les enfants intégrèrent l'école contre le gré de leurs maîtres qui enviaient leurs biens ou redoutaient leur ire.
- L’impact de la sortie des cadres formés à l’école occidentale comme Messaoud Ould Boulkheïr, Sidi Ould Jeber, Boubakar Ould Messoud , Bilal Ould Werzeg … aux côtés d’autres produits de l'injustice sociale tel que Mahmoud Ould Saïd et Boukhreiss a eu un grand effet dans la libération des idées et des langues. Cela participa à dissiper les nues, à briser la peur, à déboulonner les statues ou, du moins, certaines d’entre elles. La décision du système oligarchique au pouvoir fut de vouloir tuer dans l’œuf ce mouvement d’éveil qui était nouveau dans sa forme, mais ancien dans le fond. Pour cela on usa de la politique du bâton et de la carotte, tantôt, et du principe « diviser pour régner », tantôt.
- L’apparition d’une génération de féodaux hratin, les Hratin de la cour, à l’instar de Boïdiel, Dina, feu Mohamed Lemine Ould Ahmed et bien d’autres, dont le combat d’émancipation des esclaves et anciens esclaves se réduit exclusivement à la participation et l’intégration au nom et au dépens de leur congénères qu'ils sont sensés représenter constitua un tournant dans la lutte. Pour autant il faudrait reconnaître que ces ténors du néo-féodalisme ont quand même contribué à améliorer le débat. Ils ont indirectement participé à lever la barre des doléances hratin, même si ils se sont offerts aux ayants droit (Beydhanes) comme une alternative qui se devait de ralentir le rythme de l'émancipation.
- Le mouvement d’EL HOR, fer de lance du combat que nous rejoignîmes à la fin des années quatre-vingt, opérait sous l’autorité de son père spirituel, Messaoud Ould Boulkheïr dont nous reconnaissons l’honnêteté, la perspicacité, la générosité, le courage et le désintérêt. Cela ne veut pas dire que l’homme est infaillible et que dès fois il n’a pas raté de prendre la décision qu’il faut à la place qu’il fallait. Mais reconnaissons, tout au moins, que toutes ses erreurs confondues ne valent pas sa valeur et son grand combat, encore moins ses réalisations qui constituent non seulement un acquis hratin, mais aussi au-delà, un acquis national brisant les frontières communautaires. C’est pourquoi toute velléité d’ignorance ou de mépris de la qualité de son combat serait injuste.
Le mérite d’avoir assis les bases réelles d’une histoire du combat Hratin ayant aujourd’hui droit de cité au point d’être incontournable sur l’échiquier national revient sans doute à la personnalité et au génie créateur de Messaoud Ould Boulkheïr. Il serait, par conséquent, tout à fait immoral et illogique de ne pas lui reconnaître ses grands sacrifices consentis en faveur de ce mouvement de libération et d’émancipation pour arriver à cet exploit qui n’exclut pas cependant le mérite du reste de ses compagnons de routes et ses fils. En effet la force de caractère de cet homme et sa rigueur permirent à EL HOR de parvenir à déjouer tous les complots ourdis et démasquer les filatures.
Peut-on nier que c’est lui qui a rassemblée, en 1991 et pour la première fois dans l’histoire de la Mauritanie, l’opposition toutes obédiences confondues sous un même parapluie bravant ainsi l’Etat d’exception rompu aux manœuvres de sabordage suscitées ça et là contre l’élan révolutionnaire par certaines forces à sa commande agissant, qui par envie, qui par peur ? N’est-il pas le seul leader mauritanien à s’être insurgé et farouchement contre les politiques communautaristes et sectaires menées par Taya à l’égard des franges Hratin et Négro-Mauritaniennes et dont une partie de ces dernières a péri sous les tortures barbares des geôliers ?
Et quand quelques années après, il rassembla, une nouvelle fois, les sensibilités politiques les plus représentatives de la gauche mauritanienne et créa un parti de masses à grande capacité de mobilisation (AC), celui-ci fut très vite soumis à la provocation et un embargo économique et médiatique sans précédant dans l’histoire de notre démocratie balbutiante. Néanmoins c’était le premier parti politique mauritanien de l’opposition à faire sa rentrée contre vents et marées à l’Assemblée Nationale. Il était également le premier parti politique ayant posé les vraies grandes questions nationales que sont, en l’occurrence, l’esclavage et le passif humanitaire sous la tenture de l’Assemblée Nationale. Messaoud est aussi le premier député mauritanien à protester et se retirer après s’être inscrit en faux avec le langage de bois du pouvoir de Ould Taya, tout comme l’arrogance et le racisme de Cheikh El Avia.
Puis survint le coup d’Etat parlementaire orchestré par Mohamed Vall Ould Bellal et ses amis du PRDS, obstinés à dissoudre « Action pour le Changement » ; un coup d’Etat révélateur du niveau exacerbé du racisme d’Etat et l’hégémonie du système oligarchique prévalant sur les prises des décisions politiques dans le pays.
M. Mesaoud Ould Boulkheïr est, par ailleurs, le premier prisonnier politique à avoir osé décréter une grève de la faim en guise de protestation contre son emprisonnement arbitraire, et le seul homme politique aussi à se voir privé de façon arbitraire et discriminatoire de son droit à créer un parti politique (CC), à la place de son parti dissout.
Il est incontestablement l’homme politique mauritanien qui croit le moins à l’étranger. On ne lui connaît pas de relations intimes ni avec la France ni avec les USA , encore moins avec l’Irak ou le Maroc … Son combat est le seul qui soit véritablement patriotique et qui vaille la peine d’être salué, en dépit de toutes les vipères vénéneuses qui l’entourent et qui le contraignirent à se jeter dans le giron des Nasséristes, notamment Khalil Ould Teyeb. C’est en effet ce dernier que je rends personnellement seul responsable des erreurs susceptibles d’être reprochables au leader historique dont les rapports d’amitié l’ayant lié avec la Libye, des proportions du froid atteint aujourd’hui avec le reste des responsables du mouvement dans le parti ainsi que les prétentions d’alignement sur Ould Abdel Aziz que d’aucuns lui attribuent aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que ces prétendues erreurs ou reproches, fondées ou non, sont compréhensibles et même pardonnables en comparaison à la valeur sûre et les qualités indéniables de l’homme.
Alors faut-il dire avec humilité que rien ne saurait justifier la virulence des déclarations proférées ces derniers temps par quelques fils d’EL HOR à l’encontre du leader historique du mouvement. Car il est et restera par-dessus tout le symbole d’un combat inaliénable et irréductible. Que nous le voudrions ou non, Messaoud est, de part sa stature, devenu un patriarche et un mythe au même titre que Mahatma Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King et Kenneth Kaunda. C’est son parcours, sa vision, ses propositions, sa foi et analyses dignes de faire l’objet de mémoires et de thèses universitaire qui l’y ont préparé. Le moins que nous lui devions c’est de l’honorer et le décorer.
C’est pourquoi nous voudrions dire à nos camarades et amis dans le « Comité de crise », que nous ne convenons pas avec eux quant à tenter, quel qu’en soit le motif, à s’en prendre au symbole emblématique de notre lutte. En revanche nous leur reconnaissons le droit légitime à se frayer leur propre chemin s’il le désir tout comme le droit à la différence, s’ils y tiennent. En effet c’est permis et c’est légitime ; mais pourvu de faire preuve de reconnaissance et de respect pour les artisans du mouvement, nos aîné et au premier chef Messaoud Ould Boulkheïr, feus Sidi Ould Jaber et Mahmoud Ould Saïd qui sont devenus par la force des choses notre mémoire collective.
Le mouvement d’EL HOR, qui a beaucoup émulé les populations hratin, a donné un grand coup de pouce au combat prenant de nos jours plusieurs formes. Ceci étant le rétroviseur de la lutte hratin montre trois homme : Boïdiel à l’extrême droite, Biram tout à fait à gauche et au centre se place le Président Messsaoud tenant les rênes. Cette position, encore faut-il bien le dire, est la seule qui lui sied compte tenu de son âge, de sa maturité et des exigences du moment. Parce qu’en réalité, ni l’aplatissement aux relents de capitulation, ni la fougue de la jeunesse ne conviennent à son âge et son image.
Aussi faut-il rappeler que la position des camarades du « comité de crise » vis-à-vis du Président Messaoud n’encourage pas la poursuite de lutte et de se sacrifier davantage pour la cause. C’est d’autant plus vrai que les résultats se réduisent malheureusement à des querelles de Byzance et de viles attaques à cet homme et son histoire naturellement immunisés, l’une comme l’autre, contre toute forme de vindicte ou de banalisation. Quant à leur position vis-à-vis de Biram, elle est immature, incompréhensible. Injustifiable ! Elle laisse exhaler des relents d’envie, d’égoïsme et une mauvaise appréciation des efforts que d’autre soi-même consentent. Bref, c’est un mépris du droit légitime à la différence.
Concernant le mouvement d’EL HOR, particulièrement, je dis que c’est un mouvement qui nous appartient tous, un patrimoine collectif dont personne n’en a le monopole. Ainsi convient-il aujourd’hui de convoquer un congrès ou des Etats généraux dont la préparation serait confiée à tous ceux-là ayant contribué à son histoire. Une fois tenues, ces assises seraient l’occasion de prendre les décisions adéquates ou pour le dissoudre ou bien le maintenir auquel cas en élire les dirigeants. A défaut de l’organisation de ces journées, il faut se résoudre à la décision de dissolution prise par sa figure emblématique. C’est le minimum des choses. D’autant plus que cela émane d’une volonté idéologique sincère. D’ailleurs il n’y a que Messaoud Ould Boulkheïr seulement qui a la latitude et la légalité qu’il faut pour une telle prise de responsabilité. Ceci est d’autant plus vrai qu’on est en droit de nous demander si tous les militants du Kaddihine ont été présents lorsque Ould Maouloud et quelques uns de ses compagnons prirent la décision de dissoudre le MND, en 1998 ? Evidement non. Ce n’est ni opportun, ni réalisable.
Alors qu’on œuvre à baptiser autrement nos combats et nos initiatives. Qu’on leur donne les dénominations qu’il faut, celles qui correspondent au contexte et aux exigences de l’heure tant au niveau qualitatif que quantitatif. Ces dénominations doivent tenir compte du tournant actuel des événements, de la spécificité conjoncturelle du combat et la nature de rapport officiel que le système entretient avec la cause. Il faudra aussi le respect de l’avant-garde en terme de primauté et de degré d’engagement tout comme la reconnaissance aux pionniers leur droit légitime à la distinction et à la différence. Mais pour tout ceci, il y a lieu d’œuvrer pour une meilleure compréhension mutuelle en vue d’ancrer les valeurs de tolérance, d’entre aide et de complémentarité, sachant que la nature du combat exige que tout le monde y participe.
Brahim Ould Bilal Ould Abeïd
Cadre dirigeant d’EL HOR
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